Nouvelle étape dans la chute de l'ancien ministre du Budget. Harlem Désir a annoncé ce matin que Jérôme Cahuzac était exclu du Parti Socialiste. Tout s'est précipité depuis hier après l'aveu diffusé par l'ancien maire de Villeneuve-sur-Lot. L'histoire débute le 4 décembre 2012 dans Médiapart.
A l'époque, le journal en ligne titrait " Le compte suisse du Ministre du Budget". L'article précisait que le Ministre avait détenu pendant de longues années, jusqu'en 2010, un compte dans une banque suisse, UBS, à Genève. Devant la demande des journalistes, le ministre avait rétorqué qu'il attaquerait en justice la rédaction du journal. Mais les menaces n'ont pas eu d'effets. Au contraire dans les semaines qui suivirent, Médiapart publiait des articles précisant la portée de l'information qu'il détenait, jusqu'à mettre en ligne l'enregistrement d'une conversation le lendemain de ce premier article, le 5 décembre 2012. Jusqu'à sa démission, malgré les informations présentées par le journal, le ministre nie tout en bloc. Il nie devant les caméras, devant l'Assemblée Nationale, sans doute à son entourage politique proche qui l'interroge sur la véracité de ces informations. Pourtant les éléments sont accablants, les journalistes citent le nom du chargé d'affaire qui gère la fortune du député du Lot-et-Garonne : Hervé Dreyfuss.
La justice s'est mise en oeuvre à son rythme.
Devant les dénégations, la rédaction de Médiapart décide de mettre en accès libre un article récapitulatif de l'affaire, consultable par tout le public, y compris la classe politique. A ce moment, aucune condamnation ne se fait entendre. Puis l'enquête préliminaire recense les éléments. La visite par la police à l'avocat villeneuvois Michel Gonelle permet aux enquêteurs de récupérer l'enregistrement vieux de douze ans, où l'on entend une voix qui pourrait être celle de Jérôme Cahuzac annonçant implicitement détenir un compte en Suisse. A compter du 19 mars 2013, l'enregistrement est authentifié par le Parquet de Paris. Les jours qui suivent ont dû être de grands moments de réflexion autour du Ministre du Budget et de la part de l'Elysée. L'annonce officielle faite par le Procureur de la République de Paris, François Molins, de l'ouverture d'une enquête pour blanchiment de fraude fiscale a eu raison de la ténacité du Ministre du Budget. Présenté depuis longtemps comme le pourfendeur de la fraude fiscale, la situation de Jérôme Cahuzac est devenue intenable.Jérôme Cahuzac clame son innocence.
Par communiqué, à cette époque, l'ancien ministre du Budget a réaffirmé son innocence dénonçant le caractère calomnieux des accusations qui pèsent sur lui. Pourtant il sait que ce compte a bien existé en Suisse, qu'il est maintenant domicilié dans une banque à Singapour. Adepte des sports de combat, Jérôme Cahuzac annonce dans ce même communiqué qu'il consacrera toute son énergie à sa défense. Libéré de sa charge ministérielle le 19 mars dernier, il aura à coeur de répondre aux convocations du juge, tentant de démonter ce qu'il considère comme un complot fomenté par un adversaire politique, l'avocat Michel Gonelle, qui a conservé pendant douze ans un enregistrement tombé inopinément sur son téléphone portable, animé par la vindicte d'une ex-épouse se sentant abandonnée après son divorce avec l'ex-chirurgien que fût Jérôme Cahuzac.Retournement de situation, l'aveu après la négation.
Présenté devant les juges du Pôle financier le 02 avril 2013, Jérôme Cahuzac abandonne sa ligne de défense, celle de nier tout en bloc. Il passe aux aveux, sort du cabinet du juge mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale. Ensuite l'ancien ministre diffuse un communiqué : il avoue sa faute, sa contrition devant une telle attitude, espère le pardon de ses amis et pairs, donne le montant de l'argent domicilié à Singapour, 600 000 €. A ce moment la classe politique est stupéfaite, au début elle reste sans voix. A droite, devant les accusations, ses représentants n'ont pas voulu ajouté aux informations qui proviennent d'un journal qu'ils n'ont pas en odeur de sainteté. Ensuite Jérôme Cahuzac par son professionnalisme avait l'aval de Nicolas Sarkosy pour assurer la présidence de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale, ses amis du Parti Socialiste croyaient en la sincérité du ministre du Budget. Passé la stupeur la classe politique se déchaîne, à commencer par les amis de son bord politique.Le Président de la République ignorait tout du mensonge, le Premier Ministre ne souhaite pas lui accorder le pardon.
Depuis hier, Jérôme Cahuzac n'a plus d'amis politiques de premier rang, François Hollande par ses services de communication considère le mensonge de son ancien ministre, comme " une faute morale ", qu'elle doit être jugée avec " sévérité ". Jean-Marc Ayrault n'entend pas accorder son pardon à Jérôme Cahuzac, considérant que c'est à la justice de trancher sur la faute, il ne veut pas se placer en distributeur " de récompenses ou de sanctions ". Le Parti Socialiste ne veut plus compter Jérôme Cahuzac parmi ses membres.
Faute avouée est à moitié pardonnée, sauf en politique.
Ce qui est reproché à Jérôme Cahuzac est d'avoir menti, en plusieurs occasions, dans des lieux symboliques, à des proches que cet aveu a mis dans une situation inconfortable. Pourquoi avoir choisi cette position, le mensonge ? Jérôme Cahuzac, jusqu'à hier, a toujours nié la vérité. Pourtant le journal Médiapart avait sorti l'information dès le mois de décembre, personne n'a voulu porter de crédit à ce média. Maintenant où en sommes-nous ? Que condamne-t-on? L'honnêteté de Jérôme Cahuzac ? Se sachant proche de la mort politique, il a eu un sursaut de sincérité. Les affaires ont terni la vie politique, des hommes politiques sont mis en examen, à gauche comme à droite certains exercent leurs fonctions électives sans complexes. Ils bénéficient de la présomption d'innocence. Quelle morale prime ? La morale qui alimente l'entendement du commun des mortels faite d'honnêteté, de sincérité, d'intégrité. Une faute s'assume, elle est par l'intelligence pardonnable, acceptable ou odieuse, insupportable, en politique en serait-il autrement ? Combien de fois avons-nous entendu des hommes politiques nier avec force devant les caméras n'avoir rien à se reprocher, puis après une enquête préliminaire, présentés devant un juge, se retrouver mis en examen. Certains ont été blanchis de toutes les accusations, mais d'autres ont été condamnés et sont ensuite revenus en politique. Le "tous pourris" est un raccourci trop facile et faux, l'homme politique est animé par le principe de l'intérêt public avec la contrainte liée à cette notion, ils doivent oublier lorsqu'ils ont la responsabilité d'une fonction politique leur intérêt personnel, le mettre en suspens le temps de l'exercice de leur fonction de représentation de leurs électeurs ou de la charge de leur mission attribué par l'Etat. Beaucoup d'élus ont cette conscience politique, dissocient sans problème leur intérêt personnel, au profit de l'intérêt public. L'affaire Cahuzac remue le monde politique, il en sortira peut-être quelque chose ?Retour en vidéo sur l'ascension politique de Jérôme Cahuzac par Clémence Rouher