La cour d'assises spéciale de Paris rend aujourd'hui jeudi son verdict dans le procès de l'assassinat de deux jeunes gardes civils espagnols en 2007 à Capbreton (Landes), alors que de nombreuses zones d'ombre demeurent, malgré quatre semaines de débats.
Le ministère public a requis la perpétuité contre Mikel Kabikoitz Carrera Sarobe, que l'avocat général considère comme le seul tireur, et trente ans de réclusion pour ses complices présumés, Saioa Sanchez Iturregui et Asier Bengoa Lopez de Armentia.
Mais aucun élément ne permet d'établir formellement l'identité de l'etarra qui a abattu, de trois balles, Raul Centeno Bayon et Fernando Trapero Blazquez dans leur véhicule, sur le parking d'une cafétéria Leclerc de Capbreton, le 1er décembre 2007, ni même de savoir s'il n'y a eu qu'un tireur.
Parmi les 12 témoins de la scène du crime, un seul a reconnu l'un des trois accusés, Mme Sanchez Iturregui, mais la défense a souligné qu'elle ne l'avait fait qu'à sa troisième audition.
Aucune empreinte digitale ou génétique appartenant à l'un des trois etarras n'a été relevée sur les lieux. Seule une analyse odorologique établit leur présence dans la cafétéria ce jour-là, mais il s'agit d'une méthode récente dont la fiabilité a été vivement critiquée par la défense.
Faute d'apport plus décisif, l'accusation s'est appuyée sur un faisceau d'éléments relevés lors de ce qui apparaît comme la cavale du commando.
M. Carrera Sarobe a ainsi été identifié par une femme enlevée dans sa voiture, moins de deux heures après le double assassinat, par trois etarras qui circulaient préalablement dans un véhicule aux références identiques à celui repéré à Capbreton.
Mais cette construction n'a pas suffi pour déterminer avec certitude la participation de M. Bengoa aux premières heures de cette cavale. Ses conseils ont d'ailleurs demandé son acquittement. "Ce dossier est vide", a affirmé mercredi Me Jean-François Blanco, avocat de M. Bengoa, pour qui "s'il est condamné, ce sera un verdict politique, cela ne pourra pas avoir d'autre nom".
Outre la théorie du tueur unique, la défense s'en est également prise à celle de la préméditation, soutenue par le ministère public et qui justifie que soit
requise la réclusion criminelle à perpétuité.
Après avoir été assis à côté des deux gardes civils dans la cafétéria, les trois etarras les ont laissés sortir sans les suivre, quitte à ce qu'ils s'en aillent
en voiture. Les assassins présumés n'ont rejoint le parking que dix minutes plus tard environ, sans savoir si les militaires espagnols s'y trouvaient encore, car ils ne les voyaient pas depuis l'intérieur de la cafétéria.
Pour Robert Gastone, avocat de Mme Sanchez Iturregui, ce déroulement coupe court à toute présomption de préméditation. Le conseil a cité également un article du site WikiLeaks "dans lequel même les autorités espagnoles reconnaissent que les faits de Capbreton n'étaient pas prémédités".
Au-delà, le flou demeure sur les circonstances exactes de la rencontre entre les trois etarras et les deux gardes civils. Les policiers entendus comme témoins durant le procès ont tous avancé la thèse de la rencontre fortuite durant une mission d'observation, que les militaires espagnols effectuaient en civil et sans arme.
Quatre autres accusés sont également jugés pour des faits annexes, sans lien direct avec le double assassinat, notamment "Txeroki". Ils encourent des peines de 5 à 15 ans de prison.