Tôt jeudi matin, des activistes de Greenpeace ont symboliquement mis sous scellés du bois brésilien et congolais sur le port de La Rochelle (La Pallice). Dans un communiqué, l'organisation écologiste affirme qu'il s’agit "de bois illégaux ou suspectés d’illégalité".
Le bois symboliquement mis sous scellés ce matin dans la port de La Pallice à La Rochelle (17) par Greenpeace est-il d'origine frauduleuse? Autrement dit, se l'est-on procuré auprès d’acteurs "impliqués dans du trafic de bois illégal et mis en cause par la justice"? Greenpeace le pense. Elle affirme que ce bois importé du Brésil et de République démocratique du Congo (RDC) est suspecté d'illégalité. L'organisation écologiste a mené cette action symbolique, tôt jeudi matin, en déployant des banderolles "Sauvez les forêts du Congo" et "Bois illégal. Forêt en danger".
#ACTION #traficbois La Rochelle après le Brésil, 2e saisie de bois illégal venant de RDCongo. La France complice ? pic.twitter.com/6CXLJ0ogYE
— Greenpeace France (@greenpeacefr) 22 Mai 2014
Greepeace accuse
Dans un communiqué diffusé jeudi matin, Greenpeace affirme que "ses informations révèlent que la société importatrice française « Ets Robert et Cie » s’approvisionne auprès d’acteurs brésiliens impliqués dans du trafic de bois illégal et mis en cause par la justice. Sa chaîne d’approvisionnement inclut des fournisseurs ayant acquis des grumes illégales, couvertes par des certificats de légalité frauduleux. L’enquête menée par Greenpeace dans l’Etat du Pará (Brésil) montre que les documents officiels ne sont pas fiables et les fraudes généralisées. Les exploitants forestiers et les scieries usent de moyens sophistiqués pour blanchir et commercialiser du bois illégal de grande valeur, comme l’ipé."
L'organisation écologiste poursuit: "Le bois importé de RDC cumule les critères d’illégalité. Le lot de la société congolaise Cotrefor a été importé par les sociétés Jammes et African Logging Corporation Ltd. L’Observatoire indépendant des forêts au Congo a rapporté sur la concession d’où viennent ces grumes de graves irrégularités : coupes hors des zones autorisées, absence de marquage, dépassement des quotas de coupes, abatage d’essences non autorisées, non-respect des accords passés avec les populations locales."
Selon Greenpeace, entre 20 et 40% du bois importé en Europe est d'origine illégale
« Les importateurs français, tels que Ets Robert et Cie, se contentent de certificats officiels qui ne garantissent pas la légalité du bois. Cet importateur est en infraction pour défaut de diligence raisonnée et suspect de mise sur le marché de bois illégal, explique, dans ce même communiqué, Jérôme Frignet, chargé de campagne forêt pour Greenpeace France. Quant au bois de la société Cotrefor, il n’a rien à faire dans ce port ni sur le marché européen. Il devrait être immobilisé et saisi et ses importateurs devraient payer une forte amende si la loi européenne était appliquée. »
"Tous nos bois sont d'origine légale"
Contactée jeudi matin, la société Ets Robert et Cie dont le siège social est situé à Ardentes (36) affirme "que tous (nos) bois en provenance du Brésil sont d'origine légale" et affirme "pouvoir le prouver par les documents officiels qui l'attestent". Claudine Robert explique que sa société attache "une grande importance à ce problème de déforestation". Elle poursuit: "Notre installation au Brésil depuis 2009 a justement pour but de connaître et de suivre le cheminement de nos productions selon la législation brésilienne." Elle ajoute que "depuis deux ans, les nouvelles règles environnementales développées par l'administration brésilienne ont d'ailleurs fortement contribué à réduire nos importations."
De son côté, la société Jammes basée à Carbon Blanc (33) n'a souhaité livrer "aucun commentaire", jeudi, estimant ne pas disposer de tous les éléments pour réagir. La société nous a adressé une réaction par mail ce vendredi. Guillaume Jammes, de la société Jammes, affirme "que les allégations de Greenpeace à notre encontre sont infondées". Il précise: "Notre société est certifiée par le Bureau Véritas depuis 2001 pour le label FSC, puis le label PEFC et OLB qui sont tous des labels d'éco-certification reconnus et consistants dans leurs procédures. Pour preuve, Greenpeace est un membre fondateur du label FSC que nous possédons depuis 13 ans déjà."
Guillaume Jammes ajoute que "pour ce qui est du fournisseur cité dans l'article de Greenpeace, nous avons importé des bois de ce dernier dans le passé, et nous possédons l'intégralité des documents nécessaires à la diligence raisonnable du RBUE (Réglement sur le bois de l'Union européenne, ndlr), de plus, pour davantage de précautions, nous possédons un certificat SGS certifiant la légalité de l'ensemble des dits documents et le paiement des taxes et impôts locaux par le fournisseur. Pour mémoire, le SGS est un acteur mondial essentiel dans la vérification de l'application du RBUE pour les pays signataires d'APV (Accord de partenariat volontaire, ndlr).
Une politique d'achat responsable
L'association Le commerce du bois, qui rassemble des professionnels du bois (agents, importateurs et négociateurs), dont certaines des entreprises pointées du doigt par Greenpeace, estime avoir mis en place les pare-feux nécessaires pour lutter contre des importations "illégales". A travers notamment une politique d'achat responsable. Son directeur, Eric Boilley, estime que les sociétés adhérentes "qui entrent dans notre politique d'achat vente responsable font ce qu'il faut, même dans un pays à risque". Il ajoute: "Nous avons fait réaliser un audit de notre politique par un bureau d'experts. S'il y a un problème, c'est simple, on le corrige." Si l'action de Greenpeace de ce jeudi lui fait l'effet d'un "coup de force", il appelle néanmoins "à une réflexion entre importateurs, exportateurs et ONG pour se mettre d'accord".
Mais Greenpeace va plus loin et en appelle aux autorités françaises qu'elle invite à se doter de moyens de contrôle pour faire respecter la législation européenne. L'organisation rappelle qu'un "règlement européen sur le bois est en vigueur depuis mars 2013. Mais en France, rien n’a encore changé et la loi censée établir un régime de sanction ne sera débattue qu’en juin." Greenpeace estime qu'entre "20 et 40% du bois importé en Europe est d’origine illégale – voire plus lorsqu’il provient de régions à risque comme l’Amazonie brésilienne et la RDC".
L'organisation a créée une structure fictive, la "Brigade de vérification du bois" pour, affirme-t-elle, "faire ce que ni les importateurs, ni le gouvernement français ne font pour empêcher les importations massives de bois illégal".
Un contrôle systématique
Les autorités du port Atlantique de La Rochelle ont relevé "des tags sur des billes de bois stockées sur le terminal forestier de Chef de Baie" et affirment, dans un communiqué, que les manifestants (une douzaine de personnes dont huit militants de Greenpeace) ont été "rapidement reconduits à l'extérieur du port". Elles précisent que "les manifestants visaient plus particulièrement des grumes de bois exotique, d’essence bossé, qui avaient été déchargées fin octobre 2013 d’un navire en provenance de Matadi (République Démocratique du Congo)".
Les autorités portuaires précisent également que 'l’importation de cette essence de bois n’est pas interdite et rien ne laisse présager d’une illégalité de cette importation. D’autant qu’à cette date, ce navire, comme tous ceux chargés de bois exotique qui font escale au Port, avait fait l’objet d’un contrôle
systématique de la part du manutentionnaire afin de vérifier la légalité des bois importés."
Greenpeace milite pour une vérification, à la source, de la légalité des bois importés. Pour l'instant, l'association n'a pas fourni de preuves formelles pour étayer les suspicions et les accusations portées contre les sociétés citées dans ce dossier.
NB: A noter que nous ne sommes pour l'instant pas parvenu à joindre les représentants de l'African Logging Corporation Ltd, la troisième entreprise citée par Greenpeace.
Reportage, jeudi matin au port de La Palice (17) : Valérie Prétot et Marc Millet
Intervenants: Jérôme Frignet, chargé de campagne Greenpeace - Frédéric Amiel, chargé de campagne forêts Greenpeace