Un nonagénaire tue sa femme avant de se suicider : le dramatique fait divers de Migné-Auxances a mis en lumière l'extrême dénuement dans lequel se trouvent les parents ou la famille qui accompagnent une personne frappée par la maladie d'Alzheimer. Témoignage d'un aidant dans la Vienne.
Nous l'appellerons Philippe D. parce qu'il ne souhaite pas divulguer son identité. Pour autant il a accepté de nous livrer son témoignage sur la manière dont il vit l'accompagnement de la maladie d'Alzheimer qui frappe sa mère. Philippe revient sur plusieurs années de doutes, de difficultés et souvent d'énorme solitude."Un jour, nous devions venir la récupérer avec mon frère et nos épouses pour l'emmener dîner au restaurant. Quand nous sommes arrivés, elle avait dressé la table pour 5 personnes sans avoir préparé le moindre plat ! Une première alerte qui résultait d'un état de confusion qui n'allait cesser de se détériorer. Je suis ensuite tombé sur son agenda ouvert. Elle y inscrivait chaque jour les petits événements de sa vie sur les pages jaune : les appels téléphoniques reçus avec des mentions : François va bien, Aline doit partir en voyage. J'ai remarqué aussi qu'elle commençait à planquer des courriers, des carnets de chèque dans des boîtes à sucre cachées au fond de placards, ce qu'elle n'avait jamais fait."
"Elle habitait une grande maison seule depuis le décès de mon père. Nous avons pris la décision de la faire déménager dans un appartement situé à côté du mien pour réduire l'éloignement car son état nécessitait une surveillance quasi constante. Je passe sur le feu qui reste allumé et brûle une casserole, le manteau oublié chez son coiffeur, les discussions qui n'ont plus de sens, la mémoire immédiate en vrac, l'obligation de la relayer dans tous les actes administratifs de la vie courante : rédiger un chèque lui était devenu impossible. J'ai dû faire appel à une aide à domicile puis l'inscrire dans une institution où elle se rendait trois fois par semaine pour rejoindre des ateliers de malades d'Alzheimer où des infirmières les font jouer pour tenter de retenir encore un peu cette mémoire qui file."
"J'ai visité avec ma mère le futur établissement où elle allait habiter. Équipe médicale aux petits soins pour les malades, chambre individuelle, repas réguliers et activités de loisirs pour ceux qui souhaitent encore en profiter. Désormais, la situation est rassurante. Tout est prévu dans cet Ephad, y compris un boîtier codé qui condamne la porte extérieure pour empêcher l'ehpad buissonnier... Nous avons réussi à retrouver un peu de calme dans la famille après un tourbillon de plusieurs années qui nous a épuisé et qui laisse encore des traces."
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