La France s'est retrouvée mardi en contravention avec une obligation inscrite dans la loi depuis bientôt 140 ans, l'emprisonnement en cellule individuelle, avec au contraire des prisons toujours surpeuplées où des centaines de détenus dorment sur le sol.
Le principe de "l'encellulement individuel" figure dans la loi depuis 1875, sans jamais être appliqué. Réaffirmé en 2000 dans la loi sur la présomption d'innocence, il a fait l'objet de plusieurs moratoires, dont le dernier expirait ce mardi. Reconnaissant l'objectif impossible à atteindre, Christiane Taubira avait déposé un amendement au projet de budget du ministère de la Justice pour prolonger une nouvelle fois le délai, jusqu'en 2018.Mais le président de la commission des Lois de l'Assemblée, Jean-Jacques Urvoas (PS), a refusé ce nouveau sursis. La chancellerie a donc retiré son amendement et Manuel Valls chargé le député socialiste Dominique Raimbourg de plancher sur la question dans un rapport à remettre fin novembre. Techniquement, depuis mardi, des détenus pourraient donc saisir les tribunaux administratifs de cette violation de leurs droits, relève l'avocat Etienne Noël, soulignant que "les candidats ne manquent pas".
La nouvelle Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, ancienne présidente du Syndicat de la magistrature (SM, gauche), s'est de son côté prononcée mardi dans Le Parisien pour un "numerus clausus" en prison. Cela reviendrait "à différer les incarcérations quand le seuil est atteint" et "à libérer certains détenus en fin de peine, à condition de leur proposer un accompagnement", a-t-elle expliqué, tout en proposant d'interdire pour commencer "la pratique des matelas au sol".
Equation impossible
Interrogée sur France Info, la ministre de la Justice a souligné s'être "déjà exprimée contre" le numerus clausus. "L'idée elle-même, dans la mesure où on n'arrive pas à l'installer de façon claire dans la société, j'y suis tout à fait opposée. Mais c'est une idée qui a le mérite de poser le débat sur l'incarcération." Début novembre, selon les derniers chiffres officiels, les prisons françaises affichaient avec 66.530 détenus un taux d'occupation de 115% et devaient recourir à 1.065 "matelas au sol". La problématique des cellules individuelles ne concerne que les maisons d'arrêt (prévenus en attente de jugement et courtes peines), les centrales (longues peines) l'appliquant déjà.J.J.Urvoas a déposé mardi un rapport de sa commission évoquant une "équation impossible" mais affichant la nécessité de "sortir de l'impasse des moratoires". Il cite plusieurs pistes, dont "la construction de places de prison" qui "ne saurait être l'unique réponse" ou le fait de "développer davantage les aménagements de peine et les alternatives à la prison".