Les praticiens libéraux, opposés à la loi santé, entament une nouvelle grève des urgences et des gardes à partir d'aujourd'hui, avant la grande manifestation de dimanche à Paris. Ils redoutent un "démantèlement" de leur métier à travers la délégation de leurs tâches aux personnels paramédicaux.
Les médecins libéraux sont invités à entamer dès vendredi une grève des gardes et des urgences jusqu'à lundi 8 heures.
Samedi, tous les professionnels de santé sont appelés à fermer leurs cabinets. "Une telle mobilisation unitaire n'a pas eu lieu depuis 2002", lors de mouvements pour la revalorisation des honoraires, estime Éric Henry, un des porte-parole du Mouvement pour la santé de tous, créé par une quarantaine d'organisations qui réclament le retrait pur et simple du projet de loi. Dimanche, une manifestation nationale de tous les soignants est prévue à Paris contre le projet de loi santé porté par la ministre Marisol Touraine.
D'autres syndicats, comme la CSMF (principal syndicat de médecins) ou MG France (premier syndicat des généralistes), ainsi que l'Ordre des médecins,
plaident plutôt pour une réécriture du texte, dont l'examen doit débuter mardi en commission à l'Assemblée nationale.
Quelle que soit leur stratégie, les médecins s'entendent pour dénoncer la généralisation du tiers payant, mesure-phare d'un projet de loi très large, qui va de la prévention du tabagisme à la définition du service public hospitalier. Ils craignent que cette dispense d'avance de frais ne génére beaucoup de paperasse
et ont peur de ne pas être remboursés correctement. "Cette pseudo-gratuité des soins va faire exploser les dépenses", ajoute Didier Legeais de l'Union des chirurgiens de France (UCDF).
Mais la mesure est plébiscitée par les Français (63% y sont favorables selon un sondage récent) et la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a confirmé lundi que la généralisation du tiers payant aurait bien lieu d'ici à 2017.
'Triple salto arrière'
Cette déclaration a été vécue comme une "provocation" par le monde de la santé qui s'est senti dupé par la ministre. Sentant la grogne monter, elle avait rouvert le dialogue et mis en place quatre tables rondes en février. Finalement elle a fait "un triple salto arrière pour retomber sur ses pieds" à six jours de la manifestation, ironise Éric Henry.
Malgré quelques avancées, notamment sur la possibilité de se faire vacciner par les pharmaciens contre laquelle les médecins étaient vent debout, la ministre a fait preuve d'"entêtement", estime aussi la CSMF.
Elle "n'a pas entendu la colère médicale qui monte dans le pays", selon le président de la CSMF, Jean-Paul Ortiz.
Cette semaine, Marisol Touraine a également renforcé l'ire des cliniques privées, qui appréhendaient déjà d'être tenues à l'écart du service public hospitalier et des fonds afférents. Indépendamment du projet de loi, elle a annoncé mardi une baisse de 2,5% cette année de leurs tarifs, c'est-à-dire des montants que leur rembourse la Sécu pour plus de 2.300 actes répertoriés.
La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), dont le président dénonce "l'aveuglement dogmatique de la ministre en faveur du tout public", sera donc en bonne place dans le cortège.
Inquiets pour leurs conditions d'installation, les internes ouvriront la marche, tandis que les voitures de SOS médecins rouleront derrière les manifestants.
Sans être une revendication explicite dimanche, les médecins luttent aussi en vain depuis des mois pour obtenir une revalorisation de leurs honoraires.
Le reportage d'Olivier Prax et Didier Bonnet à Bordeaux, ce matin