Alain Juppé, toujours en tête dans les sondages pour les primaires des Républicains (38% d'intentions de vote), lance la dernière ligne droite de sa campagne à Chatou dans les Yvelines. Son slogan est "3 mois pour gagner". Il dit vouloir "mener une campagne joyeuse et conquérante".
L'île des impressionnistes, au milieu de la Seine de cette petite commune des Yvelines, accueille aujourd'hui tous les soutiens politiques du maire de Bordeaux, tous ceux qui souhaitent le voir élu Président de la République en 2017.
Près de 2000 personnes devraient participer à cette journée évènement. "Une journée clé de notre campagne" souligne le candidat lui-même qui souhaite pour la France que chacun "retrouve la fierté d'être français et le bonheur de vivre ensemble".
Alain Juppé doit notamment rencontrer et échanger avec tous les responsables de ses comités de soutien dans la matinée. L'après-midi est consacrée aux discours. Le maire de Bordeaux s'exprimera en clôture.
Opposé à une loi interdisant le Burkini
"Résistons à la tentation d'exiger des lois de circonstance au fil des polémiques médiatiques" - Alain Juppé
"Aujourd'hui, dans l'état de tension et de souffrance dans lequel se trouve la société française, nous serions tous bien inspirés d'arrêter de jeter de l'huile sur le feu", a estimé hier le maire de Bordeaux après la décision du Conseil d'Etat de mettre un coup d'arrêt aux interdictions du Burkini.
Il se démarque ainsi très clairement de son rival Nicolas Sarkozy (24% d'intentions de vote en août), critiqué pendant sa mandature de réclamer une loi après chaque fait divers marquant. Et qui a lui approuvé les arrêtés d'interdiction, réclamant même une nouvelle loi sur ce sujet très polémique.
Alain Juppé s'était d'ailleurs déjà déclaré contre l'interdiction du voile à l'université prônée par Nicolas Sarkozy, alors président de LR et pas encore candidat à la primaire des 20 et 27 novembre 2016.
"La question du port de signes religieux ostentatoires est importante, notamment en ce qu'elle peut constituer pour la femme une forme d'enfermement", explique le maire de Bordeaux. "Il faudra l'aborder clairement, comme je le propose, dans un accord global entre l'État et les représentants du culte musulman", a-t-il poursuivi.
"La République doit engager un dialogue avec nos compatriotes musulmans pour fixer les règles du jeu dans un accord solennel sur les principes de la laïcité", qui comprendra "une charte de la laïcité". A la question avec qui négocier cet accord, il répond: "c'est le problème". "La représentativité du Conseil français du culte musulman est parfois contestée. (...) Il faut qu'il soit vraiment représentatif des musulmans de France, sans connexion avec des États étrangers, ce qui suppose que nos compatriotes musulmans prennent leurs responsabilités pour s'organiser", explique-t-il. "Ce n'est pas les culpabiliser ni les stigmatiser de dire cela", ajoute-t-il.
"Et je le dis à nos compatriotes musulmans : on note aujourd'hui dans cette religion un durcissement, un retour à ce que certains considèrent comme la rigueur originelle, qui peut aboutir à des comportements de prosélytisme proches de la provocation. Il faut calmer le jeu d'un côté comme de l'autre", a-t-il ajouté.
Alors que Nicolas Sarkozy explique que l'identité française est "menacée" et brocarde le concept d'identité heureuse promu par Alain Juppé, notamment dans son ouvrage sorti lundi, celui-ci "réaffirme" cet "objectif". "Je suis convaincu que cela correspond à une attente profonde de l'opinion", explique-t-il. Il réfute avoir jamais parlé +d'accommodements raisonnables+, un concept venu du Canada et contesté par les tenants d'une laïcité offensive. "En revanche, pourquoi pas un peu d'intelligence et de bon sens ?", a-t-il dit.
"Par exemple, et tous les maires le savent : la liberté de choix à la cantine entre différents menus, viande, poisson, végétarien, est un +accommodement raisonnable+ comme vous dites, qui permet d'apaiser complètement les choses, sans jeter inutilement de l'huile sur le feu. Il n'est pas question en revanche d'y introduire des menus préparés selon tel ou tel rite religieux", explique, là encore en désaccord avec la proposition faite il y a plusieurs mois par l'ancien chef de l'Etat.
Suspendre le regroupement familial, une idée inhumaine
Là encore, Alain Juppé se démarque radicalement de Nicolas Sarkozy qui propose dans son ouvrage de campagne de suspendre le regroupement familial des immigrants.
Dans un entretien accordé au Figaro paru ce samedi, il affirme que ce "n'est pas une attitude humaine". A contrario, l'ex-Premier ministre souhaite conserver le regroupement familial "à condition que la personne qui souhaite faire venir sa famille puisse justifier d'un revenu de travail".
Interrogé par Le Figaro sur ses potentiels points de convergence avec l'ancien président de la République, Alain Juppé confie certains points d'entente, notamment sur "le rétablissement des peine splanchers, l'effectivité des peines, la construction de places de prison".
Favori des sondages devant Nicolas Sarkozy, qui entend combler l'écart creusé, Alain Juppé rappelle qu'il souhaite "rassembler la droite dans ses différentes sensibilités", à l'exception de l'extrême droite de par "des points de désaccord définitifs".
"Et s'il y a des électeurs du FN qui, notamment après le Brexit ouvrent les yeux et veulent revenir, eh bien qu'ils reviennent", poursuit-il.