Le mythique navire-école de la Marine, la "Jeanne d'Arc", effectue aujourd'hui sa dernière traversée de Brest à Bordeaux où il sera déconstruit, mettant définitivement un terme à sa longue carrière d'ambassadeur de la France aux quatre coins du globe.
Considéré depuis son désarmement en 2010 comme une simple coque (Q860), l'ancien porte-hélicoptère quittera en début d'après-midi la base navale de Brest pour Bassens, près de Bordeaux, où il sera démantelé par Veolia Propreté, la filiale de Veolia spécialisée dans la déconstruction navale.
Construite à l'arsenal de Brest de 1959 à 1964, la "vieille dame", comme l'appelaient affectueusement les marins du bord, était cependant en pré-retraite depuis 2004.
C'est un remorqueur qui emmènera à Bassens, après un dernier voyage de 48 heures, la coque de 181 mètres aux lignes racées avec un bloc passerelle à l'avant et une grande plate-forme porte-hélicoptère à l'arrière.
"C'est un bateau très, très esthétique, qui a toujours eu une silhouette moderne malgré son âge", juge Bernard Prézelin, auteur de l'annuaire naval de référence "Flottes de combat", rappelant le "rôle d'ambassadeur" du navire auprès de tous les pays visités.
Durant ses 46 ans de carrière, la Jeanne d'Arc a effectué 800 escales, sillonné 84 pays et parcouru 3,25 millions de kilomètres, soit l'équivalent de 79 tours du monde. Elle a en outre formé des milliers d'élèves officiers.
"Les souvenirs que j'ai de ce bateau c'est tout juste grandiose", témoigne avec émotion le capitaine de frégate Didier Nyffenegger, chef mécanicien à bord de la Jeanne lors de ses deux dernières années de service.
"J'ai dû faire baver quelques officiers de marine sur cette affectation puisqu'il y avait quand même beaucoup de volontaires pour tenir ce dernier poste sur ce bateau tout à fait mythique", se souvient-il avec amusement.
"Les gens nous attendaient sur les quais et on était reçus en grande pompe, comme de vrais ambassadeurs", assure à l'AFP le marin désormais à la retraite, soulignant "l'esprit d'équipage particulier" qui régnait à bord.
Missions humanitaires
Réputée pour le faste de ses réceptions aux escales, la Jeanne n'en était pas moins un navire de guerre, qui s'est illustré dans bon nombre de missions humanitaires.
Armé de six missiles Exocet, canons et mitrailleuses et pouvant transporter jusqu'à 10 hélicoptères, le bâtiment participa à la libération des otages du voilier de croisière Ponant en avril 2008.
Il participa également à l'opération humanitaire organisée dans les jours qui suivirent le tsunami à Sumatra, qui fit 200.000 morts essentiellement en Indonésie en décembre 2004. Il achemina 70 tonnes de fret humanitaire, tandis que l'équipe médicale du navire vaccina en quelques semaines près de 9.000 enfants.
En 1988, l'équipage de la Jeanne récupéra une quarantaine de "boat people", dont des femmes et des enfants fuyant le Vietnam, entassés dans un bateau de rivière à la dérive en pleine mer de Chine.
Depuis le retrait du service actif de la Jeanne, les missions qui étaient les siennes sont assurées par les trois BPC (bâtiments de projection et de commandement) de la Marine, le "Mistral", le "Tonnerre" et le "Dixmude", précise la préfecture maritime de l'Atlantique, indiquant que la formation des élèves officiers se fait ainsi désormais dans un contexte opérationnel.
Lors du désarmement de la Jeanne, quelques-unes de ses pièces furent confiées à des musées et des villes, comme Brest, son port d'attache, ou Rouen, ville marraine, qui a hérité d'une ancre.
Après la Jeanne d'Arc, le Colbert
Après la Jeanne, ce sera au tour de l'ancien croiseur Colbert d'effectuer à l'été 2015 son dernier voyage depuis Brest vers Bordeaux pour y être déconstruit.
Jusqu'au début des années 2000, les coques de la Marine, devenues sans emploi, servaient de cibles de tirs pour l'entraînement des forces et la mise au point des systèmes d'armes. Prenant notamment en compte l'évolution de la réglementation internationale sur les immersions, la Marine a pris l'option de les faire déconstruire.