"Un mot, sept lettres: victime!" Les avocats de Liliane Bettencourt ont affirmé jeudi dans leurs plaidoiries que l'héritière du groupe L'Oréal, malgré son immense fortune, n'était ni plus ni moins qu'une vieille dame vulnérable victime d'un entourage peu scrupuleux, véritable "cabinet noir".
"Liliane Bettencourt, depuis 2006, est victime de tous les prévenus assis ici. La fortune, l'argent ne peuvent pas dissoudre la réalité d'une infraction", a lancé Me Arnaud Dupin, un des deux avocats de la multimilliardaire. Aujourd'hui âgée de 92 ans et sous tutelle, l'héritière de L'Oréal est la grande absente du procès où dix hommes sont jugés depuis le 26 janvier pour abus de faiblesse, recel et blanchiment, portant parfois sur plusieurs centaines de millions d'euros.
Les faits sont denses, mais sont simples : des abus de faiblesse, comme les tribunaux en jugent très souvent. C'est vrai que là nous sommes dans la "haute"... mais la moralité (des prévenus) n'est pas plus élevée que ces gens qui vont vendre des aspirateurs dans les HLM à des gens au RSA!
Il y a d'abord le photographe François-Marie Banier, poursuivi pour avoir obtenu entre 2006 et 2010 des largesses dépassant 400 millions d'euros. "Non pas cet hurluberlu sympathique qui roule en cyclomoteur", mais un "méthodique" qui a "parfaitement prémédité ses actes" et "tissé sa toile" autour de la milliardaire à coup de lettres, de fax et de bouquets de fleurs, renchérit l'autre avocat de Mme Bettencourt, Me Benoît Ducos-Ader.
Il y a aussi l'ex-gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, soupçonné d'avoir perçu 12 millions d'euros, "qui s'est occupé des comptes en Suisse" parce qu'il en "est le principal bénéficiaire", selon Me Dupin.
Et puis Patrice Wilhelm, l'avocat devenu mandataire puis investisseur, "qui a le mensonge dans la peau", deux notaires, un entrepreneur, et même un ministre...
"Une brochette pas banale", résume Me Ducos-Ader, en se tournant vers les prévenus.
Son confrère d'enfoncer le clou: "ce que nous avons découvert" pendant le procès, c'est la mise en place d'"un cabinet noir" où "chacun a son rôle" pour que "jamais les abus n'éclatent au grand jour", citant une longue liste d'"entraves à la justice", de "manipulations de la presse" et de "mensonges terribles" à la police ou au procureur.
Car "personne ne peut contester l'état de fragilité de Liliane Bettencourt en 2006, tout le monde a vu qu'elle n'allait pas bien", insiste Me Dupin. Et "la vulnérabilité, ce n'est pas l'incapacité, ce n'est pas l'insanité", rappelle Me Benoît Ducos-Ader.
« Combat d'une famille »
Dans la matinée, les avocats de la fille unique de la milliardaire, Françoise Bettencourt-Meyers, et de ses deux petits-fils, Jean-Victor et Nicolas, parties civiles, ont réclamé "un euro" symbolique de dommages et intérêt. Ils ont rappelé combien ce dossier "hors du commun", affaire familiale tournant au feuilleton politico-financier, relevait avant tout du "combat d'une famille qui veut retrouver une mère et une grand-mère".
Les proches de Liliane Bettencourt n'avaient d'autre choix que de porter plainte début 2008, ont-ils insisté. Le projet "d'adoption simple" du photographe François-Marie Banier par la milliardaire, fin 2007, "c'était terrible pour Françoise Bettencourt-Meyers", a rappelé Me Huc-Morel.
"François-Marie Banier n'a pas été adopté, mais reconnaissons qu'on en n'était pas loin", poursuit-il, citant le testament signé par la milliardaire le 11 décembre 2007 faisant du photographe et de son compagnon, Martin d'Orgeval, autre prévenu, ses légataires universels.
"Quand on s'appelle François-Marie Banier ou Martin d'Orgeval, on a une activité artistique toujours déficitaire... alors il faut un mécène et il y a un train de vie à assurer", jusqu'à "25.000 euros par jour", ironise Me Huc-Morel.
"Plus grave, on convainc la vieille dame que la plainte déposée (par sa fille) était un acte de guerre, alors que "cette plainte c'était un acte d'amour!" d'une fille qui cherchait avant tout à protéger sa mère.
Le procès reprend ce vendredi matin avec les réquisitions du ministère public.