L'ex-ministre des Personnes âgées Michèle Delaunay estime que le procès de l'urgentiste Nicolas Bonnemaison, où elle témoigne vendredi, soulève le problème des fins de vie des personnes âgées qui "n'ont pas leur place" aux urgences.
Selon un rapport de l'Observatoire national de fin de vie, "90 000 personnes meurent chaque année en Ehpad" (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), rappelle Michèle Delaunay dans une interview à Sud Ouest jeudi.
Quelques "25% d'entre elles, soit environ 25 000 personnes, sont envoyées aux urgences pour leurs derniers instants, où la plupart meurent dans les 24 heures. Ce chiffre n'est pas tolérable", estime l'ancienne ministre, pour qui "la majeure partie de ces fins de vie n'ont pas leur place aux urgences." Et d'ajouter :
La mort aux urgences devrait être réservée à l'accident brutal", ou aux personnes très âgées, mais "de manière exceptionnelle, quand on peut encore les sauver"
Ces services sont "par définition toujours très occupés" et leur géographie "n'est pas faite pour la sérénité de l'accompagnement de personnes âgées en fin de vie."
Pourtant, convient-elle, on réfère des personnes âgées d'Ehpad aux urgences "parfois parce qu'on pense sincèrement qu'on peut les sauver", mais "souvent, aussi, parce que certaines nuits (...) les personnels ne font plus face en Ehpad". Soit parce qu'ils sont débordés, soit parce qu'on "ne se sent pas toujours capable d'affronter (la mort) seul, face à la personne."
Repenser la fin de vie
Le Dr Nicolas Bonnemaison est jugé à Pau pour avoir abrégé la vie de sept patients âgés en fin de vie en leur administrant, hors protocole, des médicaments ayant entraîné leur mort. Il encourt la réclusion à perpétuité.Michèle Delaunay, cancérologue citée comme témoin par la défense, précise qu'elle "ne connaît pas personnellement le Dr Bonnemaison" mais met en perspective le procès. "Un meurtrier agit avec des mobiles qui n'entrent pas dans la mentalité d'un médecin en général, tel que je crois être le docteur Bonnemaison". Elle invoque la question "Qui suis-je pour juger ?", selon elle "plus vraie que jamais dans ce cas-là."
L'accompagnement de l'extrême fin de vie, ce contact presque physique avec la mort, est une épreuve lourdissime. Voir quelqu'un échapper à la vie est extraordinairement déstabilisant. Quand on connaît cette épreuve en tant que médecin, il est encore plus difficile de juger cela avec une totale impartialité ".
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