Ils ne sont que six élèves dans l'école publique de l'île charentaise. Mais à Aix comme dans l'ensemble des îles de la façade Atlantique, le maintien de ces établissements est vital pour la vie insulaire.
L'anse du Saillant est encore baignée d'une lumière estivale, un décor de rêve, une carte postale de vacances. Mais sur son vélo, Cléophée n'a pas le temps d'admirer la vue. Aujourd'hui, c'est la rentrée et elle a hâte de retrouver ses camarades de classe. "On va apprendre plein de choses et surtout il y a les copains !"
Sur Aix, il n'y a presque pas de voiture, mais il y a une école. Pour cette année scolaire, ils seront six de la petite section maternelle au CM2. "Nous avons deux CM2 qui avant partaient à l'extérieur à Fouras. Là, on a pu les garder sur l'école", explique Valérie Valade, adjointe à la mairie.
Comme la majorité des îles françaises, Aix a subi une lente érosion démographique. Officiellement on y compte 200 âmes, sûrement moins à l'année. Mais, comme d'autres consoeurs de la façade Atlantique, ici aussi on a senti comme un frémissement ces dernières années avec l'arrivée de nouveaux habitants qui ont fait le pari de l'insularité. Rachel Tirsin, maman de Cléophée, est de ceux-là et elle n'est pas mécontente que sa fille bénéficie donc exceptionnellement de finir son parcours d'école primaire sur l'île.
"Sans doute la plus petite école de Nouvelle-Aquitaine"
"C’est rassurant pour nous, en tant que parent, de pouvoir les garder une année encore près de nous", explique-t-elle, "comme on travaille sur l’île, c’est quand même plus pratique. Si on les envoie sur le continent, c’est toute une logistique et une organisation à avoir, les lever plus tôt, les coucher plus tard. C’est vraiment un point très positif de garder cette école, même s’ils auront quand même l’occasion de passer quelques jours dans celle de Fouras pour avoir une petite immersion, on va dire, dans une grande école".
Alors évidemment, six élèves dans une classe unique, cela pourrait en faire sourire certains. Mais cette problématique de l'enseignement en milieu insulaire dépasse largement le seul cadre éducatif. "C’est sans doute la plus petite école de Nouvelle Aquitaine, peut-être même de France, mais elle est indispensable", confirme Valérie Valade, "sans ça, les élèves ne pourraient pas vivre pleinement leur enfance sur l’île d’Aix. Ils seraient obligés de partir très tôt, de partir à l’extérieur, peut-être même que l’on perdrait des actifs du fait de cette contrainte. Et c’est aussi le moyen de souder les habitants entre eux".
"Sur une île, c'est différent"
Aix est la plus méridionale de l'association des îles du Ponant. De l'archipel de Chausey en Manche jusqu'à Yeu en passant par Groix ou Sein, ce sont 15 îles dispersées sur six départements. On parle donc d'une population de 16 300 habitants confrontés aux mêmes questions de gestion des déchets, d'apport énergétiques, de transport et d'éducation. Denis Palluel en sait quelque chose. Ancien professeur d'histoire-géo, il est aussi le maire de Ouessant.
"Si on veut maintenir une population permanente sur les îles, s’il n’y a pas d’école, tout va s’écrouler très rapidement", explique-t-il, "la difficulté, c’est donc de maintenir ces écoles et de faire comprendre aux académies que même si c’est une école comme à Molène où il n’y a que cinq élèves, sans cette école-là, les familles vont partir. Des fois ils veulent fermer des classes en appliquant les seuils démographiques qu’on connait ailleurs mais il faut expliquer que sur une île, c’est différent".
"Les professeurs enseignent plusieurs matières"
Un message qui n'est apparemment plus remis en cause par les autorités de tutelle. Le collège du Ponant à Brest en est sûrement le meilleur exemple. Sur Batz, Ouessant, Molène, Sein, Groix, Houat-Hoëdic, depuis bientôt cinquante ans, 80 collégiens bénéficient d'un enseignement sur mesure sans être obligés d'aller en pension sur le continent.
"L’hiver 74, les gamins de l’île de Sein n’ont pas pu rentrer pour les vacances de Noël et c’est ce qui a déclenché la création de ce collège", se souvient Eric Le Borgne qui a officié quatre ans en tant que principal de ce collège pas comme les autres, "il y a un chef d’établissement dont le bureau est à Brest. Il y a 27 enseignants qui habitent sur le continent et donc ils prennent régulièrement le bateau pour aller sur les îles et il y a des professeurs qui sont insulaires. Généralement, les professeurs enseignent plusieurs matières et officient sur deux îles. Il y a des logements à disposition et on arrange les emplois du temps pour que, par exemple, la prof d’anglais arrive sur Ouessant le jeudi et rentre le vendredi soir".
Selon une étude publiée en 2015, le surcoût de gestion et d'investissement de l'ensemble des îles du Ponant se montait à 4 millions d'euros par an. Le prix à payer pour que notamment les petits îliens et les petites îliennes puissent rester à l'école dans un petit coin de paradis comme Aix.