Captures accidentelles de dauphins. Vers des interdictions temporaires de pêche ?

La rapporteure publique du Conseil d'Etat s'est prononcée en faveur de la mise en place, d'ici six mois de fermetures "spatio-temporelles" de certaines pêches jugées responsables du décès de nombreux dauphins sur les côtes atlantiques. Une mauvaise nouvelle pour les pêcheurs.

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"C'est une mesure qui serait dommageable aux pêcheurs, et à toute la filière" commente le représentant des pêcheurs rochelais, Julien Lamothe, président de l'organisation de producteurs FROM Sud-Ouest.

Des périodes sans pêche dans six mois ?

Plusieurs associations de défense de l'environnement, France Nature environnement, Sea Shepherd France et l'association de défense des milieux aquatiques, ont saisi le Conseil d'État en 2021 pour demander de suspendre la pêche présentant un risque de capture accidentelle de dauphins dans le golfe de Gascogne de janvier à mars et de mi-juillet à mi-août.

Dans son avis, rendu le 24 février, la  rapporteure publique conclue que "Compte tenu des insuffisances relevées et du risque que cela représente pour la pérennité de ces espèces protégées (...) nous vous invitons à enjoindre le gouvernement à (...) combiner le recours à des dispositifs de dissuasion acoustique à des mesures de fermetures spatio-temporelles (...) dans un délai de six mois."

Les pêcheurs prônent des solutions techniques

"Une telle fermeture bloquerait 400 à 500 navires sur l'ensemble du golfe de Gascogne. Cela aurait un impact sur la flotte de pêche française, sur les infrastructures locales et portuaires, sur toutes les activités liées à la pêche.", poursuit Julien Lamothe, qui craint le recours à des importations de produits de la pêche issus de pays qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.

Il défend la possibilité d'une activité de pêche "concomitante avec la préservation de la population de dauphins", met en avant le plan d'action mis en œuvre depuis le début de l'année qui étend les dispositifs de dissuasion acoustique aux bateaux de moins de 12 m, et affirme que les pêcheurs continuent à "chercher des solutions techniques" pour limiter ces captures accidentelles.

Les associations de défense de l'environnement se réjouissent 

"La rapporteure publique reconnait qu'on a un taux de mortalité des dauphins intenable pour la survie de la population et que les mesures prises par l'Etat sont insuffisantes, c'est une bonne chose", s'est félicité Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, réclamant "un scénario exigeant" sur le temps des fermetures. La rapporteure n'a en effet pas précisé la durée des fermetures.

 

"Aujourd'hui, la situation est gravissime, on ne doit pas remettre à plus tard les décisions", a souligné Jérôme Graefe, juriste de France Nature Environnement.

395 dauphins retrouvés morts depuis le 1er décembre

Selon l'observatoire Pelagis, qui recense depuis 1970 les échouages de cétacés sur la façade atlantique, 395 petits cétacés ont été retrouvés morts sur les côtes atlantiques françaises entre le 1er décembre et le 15 février, dont 60 % en Vendée et en Charente-Maritime.

Nombre d’échouages par département et par jour entre le 1er décembre 2022 et le 15 février 2023

Pour le seul mois de janvier, 173 se sont échoués, soit 100 de plus qu'à la même période l'an dernier. 
L'immense partie (90 %) concerne des dauphins communs et une "grande majorité" présentaient "des traces de capture dans un engin de pêche".

Dans un rapport publié début février, Pelagis souligne que la population de dauphins de l'Atlantique nord-est, estimée autour de 200 000 individus en 2011/12, décroit depuis plusieurs années et "pourrait s'éteindre d'ici à 40 à 50 ans" si rien n'est fait.

L'interdiction de la pêche n'est plus un tabou

Jusqu'à maintenant, le gouvernement français a orienté son action sur des mesures de documentation du phénomène et la mise en place de solutions techniques comme des caméras embarquées ou des répulsifs sur les bateaux.
Actions jugées insuffisantes par les ONG et l'Europe : En juillet 2022, la Commission européenne avait adressé à la France un avis motivé lui demandant d'empêcher les prises accessoires de dauphins communs par les navires de pêche, menaçant de saisir la Cour de justice de l'UE.

Les 17 et 18 février dernier, les représentants de Sea Shepherd France avaient retrouvé et exposé au public à Nantes et La Rochelle un dauphin scarifié.

En réaction à cette action de sensibilisation, le ministre de la transition écologique Christophe Béchu avait alors affirmé sur Franceinfo que l'interdiction de la pêche dans certaines zones à certaines périodes n'était "pas taboue". Avant d'ajouter : "Mais il nous faut des données concrètes pour délimiter les choses".

Je suis choqué, tout en restant respectueux de nos pêcheurs

Emmanuel Macron

Interrogé sur le sujet ce 25 février, en marge du salon de l'agriculture, le chef de l'État a déclaré : "C'est un problème que je prends très au sérieux, je suis choqué, mais je le suis tout en restant très respectueux vis-à-vis de nos pêcheurs" qui ne doivent "pas être abandonnés" ni "stigmatisés". 

"On va continuer d'améliorer nos dispositifs, d'investir, et ça va être de l'argent très largement public (...), pour pouvoir arrêter des pratiques qui sont dangereuses et en tout cas mieux prévenir celles-ci" a poursuivi Emmanuel Macron, insistant sur la nécessité d'"accompagner" les pêcheurs qui pourraient être concernés par les suspensions.

La décision du Conseil d'État, qui suit généralement l'avis de la rapporteure, est attendue dans les trois semaines.    

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