En Charente-Maritime, les associations écologistes se mobilisent pour limiter les prélèvements d'eau agricoles

En Charente-Maritime, l'Etat vient de demander au Symbo, le syndicat de gestion du bassin de la Boutonne, de repousser à 2027 les objectifs de baisse de prélèvements d'eau pour l'irrigation. Les associations écologistes et la Fédération de pêche tirent la sonnette d'alarme pour préserver la ressource en eau, alors que la perspective d'une vingtaine de nouvelles réserves de substitution se profile.

Alors que les périodes de sécheresse se succèdent, la gestion de l'eau suscite de nombreux débats, et l'un d'eux se cristallise autour du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux de la Boutonne en Charente-Maritime.

Dans le département, cette rivière a longtemps été très prisée des pêcheurs. Jusque dans les années 70, c'était même le paradis des amateurs de truites sauvages. Depuis, elles ont totalement disparu.

Pour Patrice Giraud, secrétaire départemental de la Fédération de pêche de Charente-Maritime, l'agriculture a joué un rôle crucial dans ce phénomène : "Nous avons eu une sécheresse énorme en 1976, et résultat des courses, eh bien l'agriculture pour vivre a décidé de prendre de l'eau," raconte-t-il. "Il y a eu plein de forages qui ont été faits à cette époque-là, ça a pris l'eau dans les nappes, et résultat des courses les nappes étant baissées la Boutonne a baissé et tous les ans maintenant, la Boutonne n'a presque plus d'eau tous les étés."

Pour ce pêcheur, l'enjeu est de sauver ce qu'il reste de cette rivière. Tout autour, l'agriculture est l'une des principales activités économiques. Chaque année, 10 millions de m3 d'eau sont prélevés de la Boutonne pour l'irrigation. L'objectif était pourtant de réduire, en dix ans, les prélèvements à 3,8 millions de m3.

Pour les associations environnementales, l'État n'arrive plus à faire respecter la loi :"Le code de l'environnement, c'est : 'on doit avoir une gestion équilibrée de l'eau, ne pas prélever plus que le milieu peut fournir'. Ici, ce bassin est en déséquilibre depuis 20 ans.", alerte Patrick Picaud, vice-président de Nature environnement 17. "Les autorisations fournies sont supérieures à ce que le milieu naturel peut fournir. "

L'État, avec la Commission Locale de l'eau, a fini par demander une révision du schéma de gestion de l'eau de La Boutonne afin de reporter à 2027 les objectifs de réduction de prélèvements qui n'ont pas été atteints en 2021. Jean-Louis Demarcq, vice-président SOS Rivière et Environnement, est scandalisé : "Quand la décision a été prise de reporter, dans le département, il y avait 800 km à peu près d'assec.  La Boutonne aussi, elle était en rupture d'écoulement. Situation déplorable," déplore-t-il."Tout montre qu'il faut absolument respecter et essayer retrouver un équilibre."

La problématique du stockage de l'eau toujours d'actualité

L'été dernier, un certain nombre de cours d'eau étaient en partie ou totalement à sec, comme la Seudre, à Saujon. Pour le syndicat de l'eau, la solution était pourtant toute simple : "Le delta entre les 3,8 millions et les plus de 10 millions, c'était prévu avec du stockage, en période où il y a de hautes eaux, du prélèvement, en réserves de substitution", argumente Frédéric Émard, du Symbo de la Boutonne. Selon lui, il fallait construire des réserves : "Elles sont attaquées par les associations pour les raisons qu'on connaît."

La révision du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux de la Boutonne pourrait conduire à la construction d'une vingtaine de bassines, d'après les écologistes. Ils ont donc fait le choix d'interpeler la préfecture. "Il faut réfléchir aux alter modèles possibles à mettre en place pour être dans une moindre consommation", exige Stéphane Trifiletti, conseiller régional EELV. Selon lui, il faut s'assurer de pouvoir fournir de l'eau potable, en respectant les milieux aquatiques, avant de réfléchir aux usages économiques, dont l'agriculture. "On fait le contraire ! On réfléchit d'abord aux usages économiques en gardant ces volumes massifs, et on est clairement sur une mal adaptation."

En minorité dans les instances décisionnaires, les associations écologistes n'ont pour recours que la Justice. Pour l'instant, le tribunal administratif leur donne raison. 

Une consultation publique a été menée dans les communes concernées de Charente-Maritime et des Deux-Sèvres, entre le 24 avril et le 24 mai. Sur le site de la préfecture, la quasi-totalité des observations partagées par les habitants et les associations indiquent un avis défavorable au report des objectifs de réduction des prélèvements. La Région Nouvelle-Aquitaine émet quant à elle un avis réservé sur la question.

La commission locale de l'eau doit trancher fin juin, et il appartiendra ensuite au préfet de Charente-Maritime de trancher.

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