Bassines. La violence des affrontements à Sainte-Soline a brouillé le message sur les enjeux de l'eau

Une semaine après la violente journée de mobilisation du 25 mars contre les projets de construction d'une méga-bassine de rétention d'eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), que reste t-il du débat sur le partage de la ressource en eau ?

La journée de mobilisation contre les mégabassines du 25 mars a été marquée par une rare violence entre manifestants et forces de l'ordre. Le week-end dernier, ils se sont affrontés des heures durant à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, faisant des dizaines de blessés de chaque côté. Depuis, le traitement médiatique de la mobilisation porte plutôt sur les violences qui l'ont illustré que sur les revendications des militants écologistes. Le message initial des participants à la manifestation, qui luttent pour la préservation de l'eau, est comme brouillé, et finit par passer au second plan.

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Que reste-t-il du message sur les enjeux de l'eau et l'avenir des réserves de substitution après les violents affrontements au pied de la mega bassine de Sainte-Soline le samedi 25 mars ? ©Alain Darrigrand

Un dispositif policier inhabituellement important 

La manifestation, interdite par la préfecture des Deux-Sèvres, a réuni plusieurs milliers de personnes : 6000 selon la police, 20 à 30 000 selon les organisateurs. Face à ces manifestants, en écrasante majorité pacifistes, un dispositif policier inhabituellement important. Vingt escadrons de gendarmes mobiles armés, pour certains circulant à bord de quads, neuf hélicoptères, quatre canons à eau, et quatre véhicules blindés.

Selon une note de la gendarmerie, "400 à 500 “black blocs” expérimentés et ultraviolents" étaient également présents dans le cortège de manifestants. Aux alentours de midi, ces militants, pour la plupart des hommes cagoulés, sont entrés dans la "zone rouge", c'est-à-dire la zone autour de la bassine de Sainte-Soline en construction, interdite aux manifestants. C'est alors que des affrontements auraient éclaté avec la police.

5015 jets de lacrymogène, 129 grenades et 81 tirs de LBD 

Le décompte des munitions tirées par la préfecture témoigne du niveau de violence sur place. La gendarmerie déclare avoir déclenché près d'une grenade lacrymogène par manifestant recensé, soit 5015 au total. 89 grenades de désencerclement et 40 grenades assourdissantes ont également été lancées par les forces de l'ordre. Enfin, il faut ajouter à cela 81 tirs de LBD.

Parmi les dizaines de blessés à déplorer côté manifestants, deux hommes ont été plus gravement touchés par ces tirs de LBD. L'un d'entre eux, Serge, blessé à la tête dans l'après-midi, est toujours placé dans le coma, entre la vie et la mort, au CHU de Poitiers (Vienne) ce samedi 1er avril.

Militant écologiste originaire de Poitiers et vivant dans le sud de la France, son pronostic vital est toujours engagé. Un autre homme, Mickaël B., touché à la trachée, est quant à lui sorti du coma, mais reste hospitalisé.

Des dizaines de blessés de chaque côté 

Si la préfecture recense "17 blessés dont deux graves" côté manifestants, le collectif anti-bassines assure que ce chiffre est largement sous-estimé, et précise que, selon leur décompte, le nombre de blessés s'élève à 200 environs, dont trois journalistes. Côté forces de l'ordre, la préfecture des Deux-Sèvres ne précise pas la nature des blessures des 47 gendarmes blessés. Samedi 25 mars, six d'entre eux ont été évacués de Sainte-Soline pour raison médicale, mais aucun pronostic vital n'a été engagé. 

Une fois ce lourd bilan dressé, que reste t-il du débat sur le partage de la ressource en eau ? 

Le message initial des militants brouillé

Depuis la fin du week-end de mobilisation, dimanche 26 mars, l'attention des médias est unanimement portée sur les affrontements qui se sont déroulés à Sainte-Soline.

Le secrétaire départemental Europe Ecologie les Verts (EELV) des Deux-Sèvres regrette que le message initial des militants ait été brouillé par ces violences. "On a vu en boucle à la télévision ces films uniquement centrés sur le camion (des forces de l'ordre, ndlr) incendié et sur les quads, mais on a pas vu malheureusement les 20 000 personnes qui étaient là [...] pour poser le problème de l'eau qu'on se pose depuis sept ans, puisque ça fait sept ans maintenant qu'on se bagarre contre les bassines." 

François Gibert condamne la violence, "contreproductive" parce qu'elle "ne permet pas de réaffirmer les éléments du débat sur la privatisation de l'eau". Il regrette que le combat des militants écologistes ait été popularisé en novembre dernier à échelle nationale, déjà "à cause de ces incidents violents". Mais l'élu affirme que "la violence institutionnelle est forte", et veut par dessus tout "être entendu sur le fond du dossier". 

"Ce qu'on construit, c'est des temps forts de mobilisation"

Pour les anti-bassines, "la stratégie est bonne dans le sens où nous ce qu'on construit c'est des temps forts de mobilisation", rappelle Noémie, militante au sein du collectif Bassines Non Merci, qui ajoute que "personne ne recherchait ce qu'il s'est passé ce week-end à Sainte-Soline".

"On a dû mettre beaucoup d'énergie à répondre à cette violence du gouvernement à laquelle on a été confrontée", regrette la jeune femme, qui retient surtout "qu'à côté de ça, on a quand même construit quelque chose, non pas seulement quelques heures de manifestation transformées en confrontation, mais on a construit vraiment un rassemblement qui a duré trois jours, qui était là pour aborder ces questions de fond de l'eau, d'agriculture paysanne". Comme François Gibert, elle espère qu'une fois "cette grosse vague" médiatique passée, le débat se recentrera sur les revendications que le collectif porte. 

Propos recueillis par Alain Darrigrand

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