Haute-Vienne : des ados réalisent un court métrage sur le cyber-harcèlement

"InstaDRAME", c’est le nom du film réalisé par des adolescents d’Oradour-sur-Vayres. Un court métrage sur le cyber-harcèlement, sélectionné dans le Off de festiPREV ( festival International du film de citoyenneté, prévention et jeunesse de la Rochelle) qui aura lieu en mai 2021.

Du piano en fond sonore qui installe une ambiance inquiétante et à distance, les premiers messages sur les réseaux sociaux s’échangent. Quand Larha retrouve ses amies au collège, elle leur demande : "Vous connaissez ce compte ? Il a commencé à me parler ce matin, mais je ne sais pas qui c'est."

Le sujet est posé. Un thème délicat, qui engendre parfois des situations glaçantes, auquel beaucoup d’adolescents sont confrontés. Le cyber-harcèlement, Lizzy, Emmy et les autres jeunes de l’accueil de loisirs d’Oradour-sur-Vayres ont choisi d’en parler, au-travers d’un film. Un court métrage de 5 minutes, intitulé InstaDRAME.

VIDEO. Lara est une jeune fille de 3 ème heureuse et sans problème, elle est entourée de ses amies de sa famille elle va au collège ... et surtout elle a un compte Instagram. Un matin, elle reçoit un message d'un compte anonyme qui souhaite faire connaissance. Lara va accepter et entamer une relation virtuelle avec cette personne. Jusqu'au jour où ... Lara en confiance et souhaitant faire plaisir à son nouvel ami va se retrouver dans une situation difficile à gérer pour une adolescente de 15 ans.

Le cyber-harcèlement, un phénomène très répandu

Lizzy et Emmy sont jumelles, âgées de 14 ans, elles sont aujourd’hui en troisième. Les réseaux sociaux, elles les fréquentent, depuis plusieurs années déjà.

"J’ai créé mon compte en 6e", explique Emmy et c’est en 5e que cette adolescente est victime de cyber-harcèlement pour la première fois. "C’est arrivé à beaucoup de personnes", raconte-t-elle. Beaucoup de jeunes sont contactés par des inconnus, via Instagram notamment, réseau que les adolescents fréquentent beaucoup.

Des fois, c’est juste pour faire connaissance, mais souvent c’est pour demander des « nudes », des photos de nus.

Emmy Sallembien, membre des réalisateurs et acteurs du court métrage "InstaDRAME"

"On ne sait pas qui, se cachent derrière ces comptes anonymes", confie Emmy.

Un jour, au collège de Saint-Mathieu (Haute-Vienne), où les deux sœurs sont scolarisées, à l’aide d’un compte électronique, "un individu a parlé avec plusieurs personnes du collège, en s’immisçant dans la vie privée de chacun, en se mêlant d’histoires de couples, ça a questionné tout le monde, et ça a mis les gens sous tension", lance une des jumelles.

C’est aussi arrivé qu’elles reçoivent des photos, de nus. Alors, elles bloquent ces comptes d’anonymes décomplexés, et elles les signalent au réseau social. Rares sont ceux qui portent plainte.

Les adolescentes en parlent entre elles, entre amies. Mais, la parole reste encore compliquée quand il s’agit de dévoiler ces expériences en famille. Les parents ne sont pas toujours à l’aise avec l’outil informatique, il y a la honte et puis parfois, "on pense que c’est pas très important alors que ça peut l’être".

Un film, comme prévention du cyber-harcèlement

C’est en discutant avec Alice Mercier, directrice de l’accueil de loisirs Ado d’Oradour-sur-Vayres, qu’Emmy et Lizzy ont pris conscience de l’ampleur de la situation. Dans leur collège, à Saint-Mathieu, il y a de nombreux pseudos via le réseau Intagram. "En ce moment, il y a encore beaucoup d’histoires au collège avec ça. Les comptes d’inconnus se créent n’importe quand et n’importe comment", explique Emmy.

Alors, elles ont voulu en parler, et prévenir le plus de jeunes possible.

Plusieurs personnes se font passer pour n’importe qui et on voudrait que les gens se méfient de ça. On voudrait que les gens puissent savoir comment il faut réagir face à ça.

Lizzy Sallembien, membre des réalisateurs et acteurs du court métrage "InstaDRAME"

L’idée tombe bien puisqu’Alice Mercier leur propose de réaliser un film pour FestiPREV (le festival International du film de citoyenneté, prévention et jeunesse de la Rochelle).

En octobre 2020, avec l’aide de l’UFCV et de la société de production Grand Ciel Pictures, la quinzaine de jeunes de l’accueil de loisirs commencent à réfléchir au court métrage. Lizzy et Emmy s’emparent du scénario, puis vient le tournage pendant les vacances de février. Les adolescents deviennent acteurs, ils apprennent aussi à gérer la lumière, le son et derrière la caméra, un professionnel, le réalisateur Jean-Cédric Lazare, est venu pour les aider.

Pendant le tournage, les jeunes découvrent de nouvelles histoires d’harcèlement numérique. Cela déclenche la parole, brise le silence, fait tomber les tabous, comme si leur film prenait encore plus son sens à ce moment-là. En jouant, les ados prennent possession de ces histoires. "On a compris que ça pouvait arriver à n’importe qui, et en se mettant dans la peau du personnage, ça nous a appris à réagir", exprime Emmy.   

Sélectionné dans le « Off » de FestiPREV

Sur 128 films reçus dans le monde entier, FestiPREV (le festival International du film de citoyenneté, prévention et jeunesse de la Rochelle) en a choisi 12 pour le Off du festival. Cet événement qui donne la parole aux jeunes en diffusant des courts métrages fait par les jeunes et pour les jeunes, a aimé InstaDRAME.

"Il y a beaucoup de films sur le harcèlement" explique Nicolas Aujard, coordinateur de FestiPREV, "mais la façon dont celui-ci a été réalisé nous a interpellés, ils ont utilisé une technique novatrice". Le court métrage alterne entre des séquences de fiction et des séquences plus réalistes, quasi documentaires où les jeunes jouent leurs propres rôles. Il donne de la matière à d’éventuels échanges et c’est ce que souhaite le festival. "L'esprit de l’événement, c'est d'ouvrir le débat, de laisser la place aux jeunes dans les discussions sur les sujets importants et ce film représente bien cette idée", ajoute Lison Dugué, assistante de Coordination de FestiPREV.

Le festival se tiendra en visio, les jeudi 27, vendredi 28 et samedi 29 mai 2021 et le court métrage "InstaDRAME" se tiendra aux côtés des autres films pour alimenter des temps de parole.

Aujourd’hui, Alice Mercier regarde ces jeunes avec émotion. Fière de les voir terminer un projet à long terme comme celui-ci, la directrice de l’accueil de loisirs en a vu certains se dévoiler : "Y a des jeunes qui ont eu des réflexions, de la prise d’initiative, qui ont été surprenants, et qui se sont beaucoup plus investi que ce que j’avais imaginé ".

Et après ?

Véritable film de prévention du cyber-harcèlement, les adolescents ne souhaitent pas s’arrêter là. Pour l’heure, seule la gendarmerie intervient chez les scolaires pour parler du problème. Les jumelles veulent aussi, avec leurs mots, leurs manières, interpeller les collégiens. Des interventions en milieu scolaire sont prévues, d’abord dans le collège de Saint-Mathieu, puis à l’accueil de loisirs.

On aimerait que le plus de personnes possibles regardent ce film, pour qu’elles se sentent moins seules si jamais ça leur arrive et qu’elles puissent comprendre ce qu'il faut faire.

Emmy Sallembien, membre des réalisateurs et acteurs du court métrage "InstaDRAME"


Ensuite, pour les jumelles, les interventions sont des moments pour briser le silence, débattre, et trouver des solutions.

Lizzy explique qu’il faut faire attention à qui on parle sur internet, qu’il y a une conduite à tenir, "il faut mettre son compte en privée, si on ne veut pas se faire harceler par n’importe qui. Il faut faire attention à ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on publie et qu’est-ce qu’on dit aux gens". Emmy ajoute : "Il ne faut pas donner d’informations personnelles comme son adresse, sa photo, son numéro de téléphone, bref tout ce qui concerne notre vie privée". Et puis, "il faut en parler à un adulte si ça arrive ou aller porter plainte si c’est vraiment grave", insiste Lizzy.

"Vendredi [23 avril - ndlr], on organise une soirée en visio", annonce Alice Mercier, "il y aura la présentation du film, suivi d’un cluedo et les familles sont conviées". Parce qu’en plus de vouloir parler aux jeunes du territoire, la volonté de ces réalisateurs en herbe et de la directrice du centre de loisirs est de sensibiliser les parents au problème.

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