L'association Grey Pride 17 met à l'honneur la sexualité et l'identité des personnes LBGT+ de plus de cinquante ans. L'occasion de lever les tabous sur la vieillesse.
Militant jusqu'au bout
"L'idée, c'est de ne pas rester dans l'invisibilité", débute Jacques Thomas, bénévole à l'antenne de GreyPride en Charente-Maritime. "En tant que vieux et vieilles homosexuelles, on a aussi des revendications, le combat ne s'arrête pas avec l'âge".
C'est Francis Carrier, militant depuis les années 1960 pour la cause LBGT+ qui a créé l'association au niveau national en février 2015. "Quand je posais la question des LGBT + en institution, on écarquillait les yeux comme si ça n'existait pas", raconte-t-il. Sauf que pour lui, hors de question que les homosexuels "retournent au placard" et "se taisent" à partir d'un certain âge.
"On n’est pas un club du troisième âge, on n’est pas là pour se regarder le nombril"
Un seul mantra : "on est là pour faire avancer les choses". Et cela passe notamment par une dimension "intergénérationnelle" très importante dans l'association. "On pense que s'ouvrir sur la jeunesse, et faire se rencontrer des personnes âgées et des jeunes peut être intéressants", développe Jacques Thomas. L'idée est de réfléchir par exemple au "devenir" d'une personne homosexuelle. "On n'est pas un club du troisième âge, on n’est pas là pour se regarder le nombril et dans la société, on vit ensemble, donc il faut que l'on garde des liens pour pousser la réflexion".
Il ne faut pas l'oublier, les aînés ont mené luttes fondamentales pour les droits de la communauté : dépénalisation de l'homosexualité, mariage pour les homosexuels, etc. "On doit rester vigilants et s'assurer que les autres générations le soient, parce que selon moi ça n'évolue pas assez vite", confie le bénévole.
Dans le cadre de ce volet intergénérationnel, ils ont organisé un ciné débat avec des étudiants autour du documentaire Pour la vie, réalisé par Anne-Claire Dolivet et Aurelia Bloch et diffusé par France 3 Haut-de-France, en 2021. Ce film raconte la vie de couples de plus de 70 ans homosexuels et questionne notamment leur place et leur sexualité dans la société.
Qu'en est-il de la sexualité et de l'homosexualité quand les cheveux grisonnent ?
"Les vieux sont totalement désexualisés, comme si tout ça disparaissait en vieillissant : le sexe, l'identité de genre, l'orientation sexuelle", s'agace Francis Carrier. Ce constat est partagé par Jacques Thomas, "quand on parle de vie sexuelle, on évoque la beauté du corps, la séduction, la jeunesse et on oublie les personnes de plus de 60 ans, qui se posent encore des questions sur leur sexualité". Pour Francis Carrier, ce tabou contribue à susciter la crainte de vieillir dans la société. "On se sent amputés d'une partie de nous".
La sexualité des personnes âgées est tue, et ce, notamment en établissement, alors que "tous les salariés sont confrontés à la sexualité des résidents, mais ils n'ont pas été formés à ça". C'est pour cela que l'association œuvre aussi pour faire reconnaître le droit au respect de son orientation sexuelle dans les Ehpad et les maisons de retraite.
Un label pour mieux former les personnels en maison de retraite
Ils ont lancé un label "Greypride bienvenu" pour former les salariés de ce secteur sur l’intimité, à la diversité et aux problématiques de la communauté LGBT+. L'objectif : sensibiliser aux problématiques de la communauté LGBT+ dans le milieu de la gériatrie.
Ce qui nous tient très à coeur, c'est l’hébergement des personnes âgées en Ehpad, car quand on interroge des directeurs ou directrices pour savoir s'ils ont des personnes de la communauté LGBT+ au sein de leur établissement, la réponse est négative, alors que ce n'est pas tout à fait exact.
Jacques Thomasbénévole chez GreyPride 17
"Si en Ehpad, on demande, est-ce qu'on peut partager le même lit avec un homme ou la même chambre, c'est vraiment loin d'être évident, sans parler de la réaction des autres résidents et des familles", commente Jacques Thomas.
Le combat qu'ils entendent mener dans cette nouvelle étape de leur vie est double. "C'est une lutte pour une meilleure vieillesse, plus de considération pour la parole des vieux, qui s’inspire de mes luttes LGBT, mais qui va au-delà de ça". Ils se battent donc, aussi et surtout, pour la vieillesse en général et pour redonner la parole aux personnes âgées. "Il faut arrêter d'avoir honte de vieillir, il y a énormément de discriminations liées à l'âge", déplore Francis Carrier. Passer l'âge des 50 ans, c'est donc "cumuler les discriminations" pour les membres de la communauté LGBT+.
"Réfléchir à la place des personnes âgées dans la société, est un combat très important", poursuit-il, "c'est un combat social, utile à tous, il dépasse l’aspect communautaire, l'idée, c'est de toujours pouvoir vieillir dans le respect de qui nous sommes".
La Greypride à La Rochelle est un évènement inclusif pour favoriser le mieux-être chez les personnes âgées LGBT+. Au programme de ce festival de cette année : cercles de parole, projections ciné et exposition d'art. Tous les moyens sont bons pour briser les tabous autour de la sexualité des personnes âgées et notamment dans la communauté LGBT+.
>> Le Printemps des séniors Arc-en-Ciel - La Rochelle (du 11 au 16 mars 2024)