À La Rochelle, la cohabitation est difficile entre les riverains du centre-ville et les SDF qui sont trois à quatre fois plus nombreux depuis la crise sanitaire. La municipalité a lancé un diagnostic de la situation.
La vidéo a été tournée depuis un balcon par un habitant de la rue du Minage. On y voit un petit groupe de personnes, elles se disputent. Une femme pousse un cri, un homme lui répond violemment. Plusieurs chiens attachés à des poteaux aboient.
Dans ce secteur situé en plein cœur du quartier historique des Halles à La Rochelle, ce genre de scène est, aux dires des riverains et des commerçants, monnaie courante. De jour comme de nuit, des rixes entre sans-abri surviennent.
"C'est un véritable problème" raconte Bruno Declercq, "on est importuné en permanence par les hurlements, les bagarres, les animaux et leurs déjections. La clientèle a peur." Responsable d'une agence immobilière, il voudrait que la rue retrouve son calme d'avant. Que sa clientèle n'ait plus peur. Que la municipalité agisse.
Trois à quatre fois plus qu'avant
"Un jour ça va, un jour c'est la cata" philosophe Mimi. Crête de cheveux sur la tête et lunettes de soleil sur le nez, il se présente comme un "ancien". "Moi je ne bois plus, mais ça finit toujours en bagarre quand ils sont alcoolisés". "Ils" ce sont ceux qui ont débarqué ces derniers mois dans la cité maritime. "Il y en a bien plus qu'avant, et ils se sont de plus en plus jeunes, c'est monstrueux" se désole Mimi.
La municipalité dresse le même constat. Si la cohabitation est devenue si tendue dernièrement, c'est parce que la crise sanitaire a fait exploser la population de sans-abri à La Rochelle. "Avant le covid, on comptait 20 à 50 SDF de façon permanente" explique l'adjoint au maire en charge de la tranquillité publique et de la propreté urbaine, "aujourd'hui, on peut en dénombrer 100 à 150". Pascal Daunit le concède : la municipalité va devoir trouver des solutions "face à cette situation nouvelle".
De fait, assure l'élu, la police municipale a fait preuve de plus de fermeté ces dernières semaines, en verbalisant la consommation d'alcool sur la voie publique, les regroupements et les chiens non tenus en laisse. "Mais on ne peut pas mettre un policier municipal à chaque coin de rue" tempère-t-il. "En cas de problème, il faut donc appeler le standard de la mairie et la police ou la propreté urbaine se déplaceront." Un agent a été également été recruté pour établir un diagnostic précis de la situation.
Pas suffisamment d'hébergements
Pour les habitants qui se sont constitués en collectif, ces mesures ne sont pas assez efficaces. Depuis son appartement, Jean-Noël Lebrun est aux premières loges. "L'autre soir, à 11 heures, il y avait une dame qui criait à mort, ici sur la place" raconte le porte-parole, "la police est venue mais elle nous a dit qu'il fallait appeler les pompiers. Les pompiers sont venus et ils nous ont dit qu'il fallait appeler la police. Donc du coup, ils ont laissé la dame en pleurs."
Patrick lui a une analyse bien différente de la situation. Dans la rue depuis douze ans, il est arrivé récemment à La Rochelle après avoir été délogé par la police de Nice et Menton "pour laisser la place aux touristes" ironise-t-il. Il ne nie pas les problème causés selon lui "par une minorité" mais il pointe le manque de moyens alloués aux gens "comme lui". "Il n'y a pas suffisamment d'hébergements, résultat on est dehors et ça se passe mal avec certains."
Plutôt que de nous stigmatiser, il faudrait que les gens en parlent à leurs élus de proximité pour qu'ils fassent quelque chose. On est des êtres humains !
Patrick, sans-abri
Confrontée comme de nombreuses villes littorales à ce problème de société, la municipalité de La Rochelle a récemment fait aménager, avec l'aide de l'État, du département et de l'agglomération, des mobil-homes en dehors de la ville pour accueillir seize sans domicile fixe. Un premier pas vers une solution durable.