La Rochelle : Antoine Mainfray, architecte naval, fait le pari du bambou

Après plusieurs années à travailler sur les bateaux de course les plus performants au monde, Antoine Mainfray se lance à La Rochelle dans la construction d'un Mini 650 en bambou. La structure du voilier n'utilisera que des matériaux bio-sourcés et recyclables.

Quand on n'aura plus de pétrole, il faudra des idées. Ca tombe bien, Antoine Mainfray a une tête bien faite avec de bonnes idées dedans. Sur son CV, un BTS en construction navale, une licence en structures composites hautes performances et un diplôme d'architecte naval. Bref, le trentenaire peut tout simplement imaginer, dessiner, et fabriquer ses propres bateaux. Avant de se mettre à son compte, Antoine a donc participé à la construction des meilleurs voiliers de course au large ; le Groupama 4 de Franck Cammas qui gagnait la Volvo Ocean Race en 2011,  le maxi trimaran Gitana ou des Imoca du vendée Globe comme Hugo Boss. Des bêtes de course qui font rêver mais qui, malheureusement, ne sont pas sans impact sur les océans qu'ils sillonnent.

Ce sont des bateaux ultra intéressants, extrêmement techniques et extrêmement pointus, mais dont la construction génère énormément de déchets. Ce n’est pas pour autant spécifique aux bateaux de course. La construction de bateaux de série et de plaisance, voiliers ou bateaux à moteurs, ça en génère beaucoup aussi. Ça utilise des matériaux qui ne sont pas du tout naturels, qui ne sont pas du tout recyclés et pas du tout recyclables. Donc quand j’ai lancé, en parallèle de mon activité d’architecture navale, une activité de construction en 2016, le but, c’était de faire des bateaux qui déjà minimisaient la consommation de matières pas naturelles.

Antoine Mainfray, architecte naval

"Ca n'a encore jamais été fait"

Fin 2009, il crée donc son entreprise, "Atelier Interface". En France, on recense plus de 20 000 bateaux hors d'usage et en attente de recyclage. Et on ne parle pas de toute la matière première inutilisée par les chantiers. Lui décide donc de construire ses premières unités en contreplaqué et expérimente la fabrication de certaines pièces, roof et safrans, en fibres naturelles. Il optera pour le bambou. L'étape d'après, c'était donc de penser un voilier entièrement conçu sur ce principe. Il s'appelera Floki et, en 2023, il traversera en course l'Atlantique.

Un bateau complètement en bambou, ça n’a encore jamais été fait. C’est pour ça que j’ai d’abord testé des petites pièces sur des bateaux de croisière et que j’ai attendu d’avoir le recul suffisant sur le vieillissement et la résistance de ces pièces-là, pour lancer un bateau complet. Structurellement, c’est le même principe qu'un sandwich conventionnel avec deux peaux de fibres avec une mousse d’âme au milieu. La mousse que j’utilise est en PET recyclé (polytéréphtalate d'éthylène, ndlr), la moitié à partir de bouteilles plastiques recyclés et l’autre moitié avec des déchets de production de PET. Le bambou remplace la fibre de verre ou de carbone. C’est une fibre qui a un bon ratio de rigidité par rapport à sa densité. Pour l’instant, il n’y a aucune fibre naturelle qui peut concurrencer la fibre carbone mais c’est beaucoup plus intéressant que la fibre de verre.

Antoine Mainfray, architecte naval

"Au final, il sera moins cher qu'un proto conventionnel"

La petite histoire retiendra que c'est ironiquement dans la commune de Carbonne, au sud de Toulouse, qu'Antoine achète son bambou. On se souviendra aussi dans le monde d'après que c'est un marin Suisse, médecin d'expédition en haute montagne, qui a décidé de s'inscrire pour la Mini-Transat 2023 avec ce prototype bio-sourcé. "Son objectif, c’est de faire la Mini Transat sur un bateau performant et de concilier ça avec ses convictions environnementales", explique Antoine, "en commandant ce bateau, il participe à son échelle à faire évoluer les choses". Ce faisant, il perpétue également la tradition de la Classe Mini qui, depuis toujours, a servi de laboratoire pour le monde de la course au large en particulier et pour l'industrie du nautisme en général. 

Le mini, c’est le support idéal pour ça parce que la jauge le permet et ça reste des bateaux assez petits sur lesquels on peut facilement vendre ce genre de risques financiers à un client. Comme c’est expérimental, la fibre coûte encore relativement chère. Mais à l’échelle d’un mini, le surcoût entre le faire en fibre de bambou plutôt qu’en fibre de carbone n’est pas monstrueux. Au final, il sera moins cher qu’un proto conventionnel grâce à la technique de construction qui fait qu’on n’a pas besoin de moule. La solution biosourcée coûte plus chère qu’une solution conventionnelle mais comme la technique de production a été pensée pour réduire les coûts, ça se compense.

Antoine Mainfray, architecte naval

Si tout va bien, Floki devrait être mis à l'eau en juin prochain. Il pourra alors participer à ses premières régates et, sur la ligne d'arrivée, on chantera sans aucun doute : "il navigue sur des bambous et ça lui va bien". 

Sophie Wahl et Romain Burot sont allés sur le Chantier Despierres à La Rochelle qui héberge Antoine Mainfray :

 

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