Plusieurs propriétaires de maisons voient les fissures s'agrandir d'années en années dans une dizaine de communes de Charente-Maritime. Ils ne peuvent pour autant pas engager des travaux pour combler ces fissures.
Il n'y a pas qu'au nord du département de la Charente-Maritime que les maisons sont fissurées par les aléas climatiques. En juin 2023, plusieurs maisons avaient été fissurées, voire éventrées, après un séisme de magnitude 5,3 dans la commune de La Laigne et aux alentours. Dans une dizaine de communes au sud de Saintes, plusieurs maisons sont également fissurées, mais pour d'autres raisons.
"Il y a toute la façade à refaire et on va devoir tout payer"
Pour les nouveaux propriétaires, voir leur habitation en train de dépérir à petit feu les angoisse. C'est le cas de Nicolas Maulavé, habitant de la commune de La Jard. Quand il a acheté cette maison il y a quatre ans, il ne s'attendait pas à cela : "Ça me met en colère. Il y a toute la façade à refaire et on va devoir tout payer. Tout devra sortir de notre poche. Si un jour, on veut la vendre, le prochain intéressé va me dire qu'il y a des fissures de partout... On comptait s'en aller, mais on ne pourra peut-être pas revendre", explique-t-il, l'air indigné.
Au fil du temps, les fissures s'agrandissent. Le risque, selon Nicolas Maulavé, est que les maisons risquent de s'effondrer. Il comptait sur une reconnaissance de sa commune en état de catastrophe naturelle pour entamer les travaux, mais ça ne sera pas le cas. "Ce n'est pas cool, ce n'est pas prévu dans le budget. Refaire le crépi coûte un bon billet. Au niveau des fissures, l'eau va rentrer dedans et va toucher directement l'isolation. C'est usant", conclut-il.
CARTE ⇒ Commune de la Jard entre Saintes et Pons en Charente-Maritime
Des fissures liées à la nature argileuse du sol
Nicolas Maulavé habite la commune de La Jard, une des communes non reconnues en état de catastrophe naturelle. Comme lui, 16 autres maisons ont déposé un recours et connaissent le même sort.
L'adjoint du maire, Serge Friant, fait partie de ces sinistrés. Sur sa maison, il a colmaté avec du silicone pour éviter que l'eau rentre entre les murs. "Ça bouge sans arrêt", constate-t-il. "Les mouvements de terrain qui sont prévus par le rétrécissement et le gonflement des argiles provoque les mouvements de maisons et entraînent des fissures et des micro-fissures."
La commune a pris des mesures de précaution, mais elle craint à terme pour l’attractivité du village. "Sachant que les terrains sont imprégnés par le souci que l'on rencontre aujourd'hui, on ne donne pas l'autorisation du permis de construire. On perd des gens qui pourraient éventuellement s'installer parce que les sols bougent. Tant que le décret ne nous retient pas, on ne peut pas avoir recours auprès des assurances pour entamer des travaux. C'est une situation quasi anxiogène, les gens ont peur", ajoute l'élu Serge Friant.
En Charente-Maritime, une centaine de communes demande chaque année à être classée en état de catastrophe naturelle. Très peu l'obtiennent : pour l'ASSPB (Association des sinistrés de la sécheresse sur les propriétés bâties) du département, la méthode de reconnaissance n’est pas la bonne. "Il faudrait des sondes dans toutes les communes pour connaître la quantité d'eau qui est tombée, savoir s'il y a vraiment eu une sécheresse. Le problème est que les gens qui prennent ces décisions ne sont pas sur le terrain", explique Francis Geoffroy, conseiller technique de l'ASSPB 17.
Voir notre reportage :
Sans décret ministériel, les travaux sont à la charge des propriétaires, et non des assurances. Les communes peuvent demander des recours, mais en 20 ans de lutte, aucun d'entre eux n’a abouti.