"On tue la pêche", "mesure insuffisante" : l'interdiction de pêcher en janvier pour protéger les cétacés divise professionnels et associations environnementales

Pour éviter les captures et les échouages mortels des dauphins, l'État va reconduire l’interdiction de la pêche dans le golfe de Gascogne du 22 janvier au 20 février prochain. Un arrêt qui suscite de la colère chez les pêcheurs. Pour les associations de défense de l'environnement, cette mesure n'est pas assez efficace.

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Comme l'an dernier, la Commission européenne a confirmé, via un communiqué publié le 30 septembre, la fermeture de la pêche dans le golfe de Gascogne du 22 janvier au 20 février prochain. Seuls les navires de plus de huit mètres sont concernés par cette mesure. Une nouvelle interdiction qui exaspère certains pêcheurs de Charente-Maritime.

Toute la filière pêche impactée

Après une journée de pêche en haute mer, les chalutiers rentrent au port de La Cotinière, sur l'île d'Oléron. Tout le monde s'attendait à ce que la fermeture spatio-temporelle dans le Golfe de Gascogne soit reconduite cet hiver, y compris Yohan Andrez, patron pêcheur. "On s'y attendait, on est déçu en partie, mais on est aussi rassuré parce que l'on n'avait pas la certitude que ce délai soit uniquement pour un mois. La mauvaise nouvelle, c'est que tout le monde maritime est impacté : que ce soit nous, les pêcheurs, la criée, les mécaniciens et les électriciens qui n'ont pas le droit de venir pendant cet arrêt. C'est un manque à gagner pour tout le monde."

Les pêcheurs laisseront donc leurs bateaux à quai du 22 janvier au 20 février 2025. Sur l'île d'Oléron, cela concerne une vingtaine de bateaux, des fileyeurs et des chalutiers pélagiques. Tous seront indemnisés à hauteur de 80 % de leur chiffre d'affaires. Mais ce n'est pas le cas pour tous, notamment l'aval de la filière de la pêche, comme ceux qui entretiennent les bateaux. Sur l'île, cette filière représente un millier d'emplois indirects.

"On ne touche rien et en plus, on perd de l'argent : comme les bateaux ne vont pas à la mer, ils ne font pas de casse, il n'y a pas d'usure, il n'y a pas de réparations à faire. Si ça continue comme ça, il va falloir que l'on se diversifie. L'an dernier, on avait perdu 20 à 25 % de notre chiffre d'affaires", explique Samuel Bausmayer, forgeron maritime.

"Les pêcheurs vont être indemnisés, mais les intermédiaires ne le sont pas"

La criée enregistre, quant à elle, une baisse d’un demi-million d’euros : cela représente 35 % du chiffre d’affaires. "Les pêcheurs vont être indemnisés, mais les intermédiaires ne le sont pas", ajoute Nicolas Dubois, directeur de la criée de La Cotinière. "Les mareyeurs sont très indemnisés, les poissonniers ne le sont pas du tout."

La priorité, selon moi, doit être de faire une analyse post-mortem : il faut que tous les dauphins soient passés au crible pour savoir s'ils ont été pêchés ou non.

Yohan Andrez

Pêcheur basé à La Côtinière

Le ministre chargé de la Mer et de la Pêche, Fabrice Loher, annonce une baisse de la mortalité conséquente des cétacés. D'après un communiqué, on constate environ 76 % de mortalités en moins par rapport aux hivers précédents. Pour les professionnels, la relation cause à effet est difficilement quantifiable.

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"On aimerait bien avoir connaissance de ces chiffres, parce qu'il y a eu des échouages pendant les arrêts. Si on était allé à la mer, on aurait dit que les dauphins auraient forcément dérivé dans nos filets. Ils auraient été marqués, on nous aurait dit que les marins ont encore fait une hécatombe alors que ces dauphins meurent aussi de cause naturelle, pas que par les marins pêcheurs. La priorité, selon moi, doit être de faire une analyse post-mortem : il faut que tous les dauphins soient passés au crible pour savoir s'ils ont été pêchés ou non", conclut Yohan Andrez.

"On tue la pêche, pour un bénéfice qui est moindre"

L'interdiction sera reconduite durant un mois en 2025, mais également pour l'hiver 2026. Pour autant, la fermeture du golfe de Gascogne n'est pas une bonne solution, selon Fabrice Loher, ministre en charge de la Mer et de la Pêche. Dans un communiqué, il précise que "l'objectif commun doit être de travailler avec l'ensemble de la filière pour parvenir à la levée de cette fermeture temporaire dès 2027."

Actuellement, cette mesure d'un mois n'est pas assez efficace.

Me Marion Crecent

Avocate de l'association Sea Shepherd France

Une annonce fustigée par les associations de défense de l'environnement. "Cet arrêté prononcé pour 2025 n'est pas une surprise, parce qu'elle était prévue par la Commission européenne", souligne Me Marion Crecent, l'une des avocates de l'association Sea Shepherd France. "L'association n'est que le relais de l'avis des scientifiques, comme le CIEM (Conseil International pour l'Exploration de la Mer). Ils préconisent une interdiction de quatre mois, trois mois en hiver et un mois en été afin de préserver au mieux les dauphins. Actuellement, cette mesure d'un mois n'est pas assez efficace. L'idée n'est pas de condamner un secteur économique tout entier : ces fermetures permettraient aux écosystèmes de se régénérer, et donc engendreraient moins d'effort de pêche pour récupérer des poissons."

"Les mesures d'interdiction de pêche comme celles-ci auraient dû être prises depuis longtemps", estime Philippe Garcia, président de l'association Défense des milieux aquatiques. Cette surexploitation nuit à la biodiversité marine. "On est très loin du compte. On pêche tellement que les poissons ne sont plus gros, mais les pêcheurs ont besoin de toujours plus de quantité, on est dans la surexploitation. On tue la pêche, pour un bénéfice qui est moindre. Cette surpêche touche les cétacés, mais aussi les tortues et d'autres espèces." 

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