"Une approche écologique de comptoir." Après un mois d'arrêt forcé, les pêcheurs reprennent leur activité dans le golfe de Gascogne

Depuis le 21 janvier, les pêcheurs du golfe de Gascogne se retrouvent à quai après l'interdiction d'activité, ordonnée par le conseil d'État pour la protection des dauphins. Dès mercredi 21 février à minuit, ils pourront relancer les filets. Le bilan de cette période sans activité est mitigé.

"L'avenir, on le voit très sombre." Sur le port de Saint-Jean-de-Luz, ce mardi 20 février, Olivier Mercier réalise les derniers préparatifs pour repartir en mer. "On vérifie que tout fonctionne, car un bateau de pêche, c'est une petite usine", explique-t-il à bord d'Océane II, l'une de ses propriétés, restée à quai depuis le mois de janvier. 

Dès ce mercredi soir, minuit, lui et son équipage de vingt marins, relanceront les filets après un mois d'interdiction d'exercer dans le golfe de Gascogne. Mais pour l'heure, le patron armateur, immatriculé à Arcachon, peine à se réjouir de la fin de cette trêve. Depuis son installation en 2003, il n'avait jamais vécu une telle décision. Il se dit inquiet quant à la possible reconduction de nouvelles périodes d'interdiction. "C'est la porte ouverte à des arrêts de plus grande ampleur", peste-t-il, amer. 

Protéger les dauphins

La décision, actée par le conseil d'État en janvier, visait à la protection des dauphins, de plus en plus nombreux à s'échouer sur les plages du littoral. Seuls les navires de plus de huit mètres étaient concernés par cette interdiction. Selon les chiffres communiqués par le ministère de la Mer, plus de 1 400 échouages de cétacés ont été comptabilisés lors de l'hiver 2022-2023, soit 300 de plus que l'année précédente à la même période.

Selon Alain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux engagé pour la protection des dauphins, invité du journal de France 3 Aquitaine, il est encore difficile d'observer fiablement les conséquences de l'arrêt de la pêche sur l'évolution du nombre d'échouages de dauphins. "Mais on constate que depuis le 1ᵉʳ décembre, il y a eu 326 échouages, et du 1er au 15 février, seulement 75. Donc très honnêtement, c'est très peu par rapport à l'année dernière, où dans une période beaucoup plus large, on avait enregistré plus de 1300", estime-t-il.

Un constat tempéré par Olivier Mercier, patron armateur. "L'année dernière, on a pêché 14 mammifères, avec une bonne partie qui était déjà en décomposition, donc on parle plus de pêche de carcasse, indique-t-il. On ne dit pas qu'on n'en pêche pas, mais on n'arrive pas à quantifier le nombre de dauphins tués par la faute des engins de pêche et ainsi le nombre de morts qui nous est imputable."

À la criée, des prix qui ont doublé

Dans les allées du marché de Saint-Jean-de-Luz, en période de vacances scolaires, la clientèle reste bien présente malgré des étals moins fournis. "On a eu pas mal d'apport en moins, notamment concernant les poissons plats comme la sole, le barbu ou le turbot", précise Mikel Fagoaga. Durant la période d'arrêt de la pêche, les prix ont pour la plupart doublé. "Normalement, on est deux, voire trois fois, moins chers à cette période. On est censés vendre le bar autour de 15 euros et là, il est affiché plutôt entre 30 et 35 euros." Même hausse pour la sole, dont le prix affiché est doublé. "Vivement que ça reparte à la normale", glisse le poissonnier.

Pour les pêcheurs, la crainte d'une nouvelle période d'interdiction n'est pas tenable. "Je pense qu'il va falloir se mettre autour d'une table, argue Olivier Mercier. Nous, on essaie de trouver des solutions, ça fait deux ans que mes navires sont équipés de répulsifs et de caméras sous la coque pour des questions de transparence, on fait ce qu'on peut."

On nous bloque le long des quais au lieu d'aller expérimenter le matériel en place, c'est idiot, c'est une approche écologique de comptoir.

Olivier Mercier

Patron armateur

Les pêcheurs indemnisés

Concernant l'élargissement de l'interdiction aux bateaux de moins de huit mètres, Alain Baugrain-Dubourg se dit réservé. "Les autres bateaux pourraient être concernés si on constate qu'il y a vraiment des prises. Il faudra se demander d'où elles viennent et on sait qu'ils pourraient en capturer en moindre quantité."

Les pêcheurs se préparent avant la reprise de la pêche dans le golfe de Gascogne. ©Perrine Durandeau France 3 Aquitaine

En janvier, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu annonçait que les aides apportées aux pêcheurs bloqués à quai pourraient varier entre "80 et 85 % du chiffre d'affaires pour tous les bateaux de plus de huit mètres concernés par cette interdiction", précisant que les indemnisations seront versées "aussi rapidement que possible".

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