PORTRAIT. Rencontre avec Djulijan de la Crouée, artiste, cuisinier, musicien, photographe

Vivant, complexe, talentueux, perfectionniste... Difficile de définir Djulijan de la Crouée tant sa personnalité apparaît multiple. À la réflexion, le qualificatif qui lui correspondrait le mieux, c’est celui d’artiste. Un homme toujours en quête d’absolu et de vérité, au-delà des clichés.

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« Dju » (comme il aime être appelé) a semble-t-il toujours eu en lui cette force créatrice, ce don qui sépare l’humanité en deux espèces distinctes : les originaux et les autres. La passion chevillée au corps, le Rochelais d’adoption aime à se sublimer quoiqu’il entreprenne. De la cuisine à la musique techno mais surtout désormais depuis trois ans, la photographie : son art, celui qui a révélé sa véritable identité d’infatigable touche-à-tout et en même temps lui a permis de se trouver enfin.

Irréversible

Il y a des instants qui changent tout. Pour lui, c’est le jour où il est licencié de son travail de second de cuisine pour retards répétés. Tellement absorbé par sa nouvelle passion pour la photo, il en oublie la notion du temps.

Et même avant ça, quand j’arrivais à l’heure au boulot, j’étais extrêmement de mauvaise humeur parce que très frustré. J’avais vu des flaques sur le trajet et je savais qu’elles n’existeraient plus après mon service.

Djulijan de la Crouée

Pourquoi cette obsession pour les flaques ? Tout simplement parce qu’il a choisi de se spécialiser dans les reflets autrement dit la photographie de réflexion.
« C’était un hiver à La Rochelle il y a trois ans. Il pleuvait tout le temps, il faisait sombre. Par contre, il y avait des flaques d’eau partout. Tout à coup, j’ai vu des structures environnantes refléter dedans et ça donnait cet aspect de peinture impressionniste ».

Une vision qui ne l’a plus quitté depuis. Au contraire de son côté obscur qu’il tente d’apprivoiser.

Si la vie était toujours rose, à quoi ça servirait de faire de l’art ? Si je fais de l’art, c’est pour dire des choses.

Djulijan de la Crouée

Donc il n’y a pas d’art sans blessure ? « Je n’aurais rien fait sans mes fractures. Je dis presque merci d’avoir eu autant de galères dans la vie… »
Djulijan de la Crouée n’a pas toujours eu une particule accolée à son prénom. Enfant de la DASS (comme on disait à cette époque) avant d’être recueilli et adopté par une famille Réthaise, il a subi très tôt de mauvais traitements de la part de ses parents biologiques, en Ex-Yougoslavie. Arrivé en France à l’âge de trois ans, il se construit enfin au sein de sa famille d’accueil dans la Sarthe.
Aujourd’hui, à 39 ans, La Rochelle est son terrain de jeu. Ses journées sont faites de prise de vue souvent tôt le matin, d’organisation d’expositions, en période de déconfinement évidemment...
« C’est ici où j’ai pris le temps d’expérimenter mes techniques. En fait j’ai commencé la photo tout petit quand mon grand-père m’a offert un Polaroïd. Je me suis formé tout seul. J’ai appris à utiliser un boîtier, un objectif, et essayé de comprendre la lumière. Finalement j’ai assez peu de références artistiques, hormis Francis Bacon, une véritable inspiration pour mon mode de vie. »

Quand vous voyez un homme couché au sol avec un appareil photo du côté de La Rochelle, il y a des chances que ça soit Djulijan De La Crouée. Parce qu’il se définit lui-même comme un artiste de rue proche du caniveau.
« En fait j’ai choisi les reflets parce que je trouve ce monde trop dur, trop difficile. Au bout d’un moment, il faut savoir décrocher. Pour moi, la photo de réflexion est un moyen d’échapper à la réalité qu’on nous propose. Il faut savoir capter le réel dans l’irréel ». Pour lui, il n’est pas question de déni, simplement de lâcher prise pour s’inventer son propre monde.

Derrière les reflets, il y a toute une réflexion

« Évidemment, mon reflet n’est pas limpide, il est dans les zones marécageuses. J’essaie d’intégrer un peu de poésie et elle n’arrive que dans la sublimation artistique, quand l’artiste se suffit à lui-même ».

Djulijan De La Crouée est sur cette voie, en toute humilité. D’ailleurs, pour lui c’est l’automne qui symbolise le mieux cette valeur humaine : « quand la nature s’effeuille, presque nue, et nous raconte toute sa vérité. » En toute poésie...
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