Dans un arrêté publié le 26 octobre, le gouvernement oblige les pêcheurs à stopper leurs activités pendant un mois. Mais le texte comprend aussi de multiples dérogations. Plusieurs associations ont déjà annoncé leur intention de saisir le Conseil d'État.
Ce sont des images choquantes : des cadavres de dauphins, retrouvés par centaines sur les plages la côte atlantique, le corps lacéré par des hameçons et des filets de pêche. L’hiver dernier, 1 380 animaux sont morts échoués sur le littoral, d’après le décompte de l’observatoire Pélagis, situé à La Rochelle. Un record. Selon les associations de défense de l'environnement, près de 10 000 dauphins meurent chaque année en mer, victimes des filets de pêche. En mars 2023, face au nombre grandissant de cadavres découverts, le Conseil d’Etat a donné six mois au gouvernement pour réagir. C’est maintenant chose faite : le secrétariat d’État à la mer a publié au Journal Officiel, jeudi 26 octobre, un arrêté visant à réduire le nombre de captures accidentelles de petits cétacés dans le golfe de Gascogne.
600 navires français seraient concernés
Pour ce faire, l’État prévoit d’interdire, de 2024 à 2026, les activités de pêche dans la zone pendant un mois, du 22 janvier au 20 février. Une période choisie car “identifiée, selon les données historiques, comme à fort risque de captures accidentelles”, explique le communiqué du secrétariat d’Etat à la mer. Pourtant, l’arrêté précise aussi que la saison “à risque fort” s’étend du 15 janvier au 31 mars. Près de 600 navires français seraient concernés par cette mesure.
Une vraie déception pour les associations de protection de l’environnement qui préconisaient de fermer la zone pendant trois mois. Outre cette première limite, elles pointent aussi du doigt les dérogations allouées aux pêcheurs par l’arrêté. Le texte ne s’applique pas aux bateaux de huit mètres. En 2024, les navires “équipés de dispositifs techniques actifs de réduction des captures accidentelles”, tels que des répulsifs acoustiques ou des balises, ou des caméras embarquées, pourront, eux aussi, pêcher dans le golfe de Gascogne, précise l’arrêté. Seuls les professionnels refusant d’utiliser ces équipements se verront refuser l’entrée dans la zone.
"L'État joue la carte des dérogations"
“Il est scientifiquement établi, et nous avons pu le constater en mer, que les répulsifs acoustiques ne permettent pas de diminuer les captures de manière significative. L’État choisit d’ignorer cet état de fait et joue encore une fois la carte des dérogations", a dénoncé dans un communiqué Sea Shepherd France. L'association de protection marine a documenté à plusieurs reprises la capture accidentelle de dauphins dans des filets de pêche.
Capture de 4 dauphins devant nos caméras au large de La Rochelle dans la nuit du 8 au 9 février.@HerveBerville @EmmanuelMacron @Elisabeth_Borne @ChristopheBechu @MFesneau @Ecologie_Gouv @MerGouv #changeonslapeche #operationdolphinbycatch pic.twitter.com/jFJTTy4h4D
— Sea Shepherd France (@SeaShepherdFran) February 10, 2023
"Mais en attendant, des milliers de dauphins vont encore mourir cet hiver, victimes des engins de pêche, parce que l’État s'estime en droit d'agir contre les directives de la plus haute juridiction du pays, l'avis des scientifiques et la volonté de la majorité de ses citoyens”, poursuit le communiqué. Les associations ne sont pas les seules à désapprouver : soumis à une consultation publique à l’automne, l’arrêté du 26 octobre a récolté seulement quatre avis favorables, sur 17 000 suffrages.
Plusieurs associations, dont Sea Shepherd France et Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), ont déjà annoncé qu’elles déposeraient un recours auprès du Conseil d’État.