Depuis le 11 juillet dernier, les habitants du département sont invités à donner leur avis sur la version finale de la charte réglementant l'utilisation des pesticides en Charente-Maritime. Mais derrière cette charte se joue un débat de plus en plus vif autour de l'utilisation d'un herbicide, le prosulfocarbe, dans les plaines d'Aunis.
Quatre jours. C’est le temps qu’il reste aux habitants du département de la Charente-Maritime pour donner leur opinion sur la Charte d’engagement des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques de la Charente-Maritime. Elle définit notamment les conditions d'utilisation des pesticides dans chaque département. Et depuis 2020, une consultation publique est obligatoire avant sa mise en application. Concernant la Charente-Maritime, la population n’a eu que vingt jours, entre le 11 juillet et le 1er août 2022, en pleine période estivale, pour se prononcer. Une aberration selon les associations environnementales. "Malgré les risques environnementaux et sanitaires et malgré la très forte utilisation de pesticides dans notre département, tout semble fait pour que le public ne donne pas son avis sur la charte", dénonce l’association Nature Environnement 17, sur son site internet.
Une position soutenue par les élus de la communauté d’agglomération (CDA) de La Rochelle. Dans un courrier de plusieurs pages, adressé au préfet de la Charente-Maritime, quatre élus, dont Jean-François Fountaine, président de la CDA, formulent leur incompréhension. "Nous regrettons la temporalité choisie de cette consultation, réduite à sa durée réglementaire minimale et placée en plein mois de juillet. Ces éléments limitent le temps d’appropriation du projet par l’ensemble des parties prenantes et réduisent la qualité et la quantité des observations rendues", précisent-ils notamment. Ils expriment aussi leur déception que "les enjeux de santé publique ne soient aucunement présentés dans cette charte".
Un problème de distances
En réalité, au-delà du peu de temps accordé aux citoyens pour choisir leur camp, ces propos se lient à un autre débat, l’utilisation du prosulfocarbe, un composé chimique présent dans plusieurs herbicides. Un point de la charte fait particulièrement réagir Nature Environnement 17 : les distances minimales entre les zones d’épandages et les zones d’habitation. A ce jour, la loi impose une distance de dix mètres pour la viticulture et l’arboriculture, cinq mètres pour le maraîchage et les cultures céréalières. La charte propose de diminuer ces distances à trois mètres pour la viticulture et cinq mètres pour l’arboriculture "à condition d’avoir recours à des matériels de pulvérisation les plus performants sur le plan environnemental." Une notion qui n’aurait peut-être pas soulevé tant de débats sans une étude de l’Atmo parue début juillet.
Tout semble fait pour que le public ne donne pas son avis sur la charte.
Nature Environnement 17
Tout commence le 7 juillet dernier. Lors du conseil d’agglomération de la Rochelle, la fédération Atmo Nouvelle-Aquitaine, organisme chargé d’étudier la qualité de l’air, présente des relevés préoccupants. Entre février et décembre 2021, un capteur, placé près de l’école au cœur de la commune de Montroy, réalise des mesures hebdomadaires de la qualité de l’air des plaines d’Aunis. Les résultats font immédiatement bondir les élus. Avec une concentration moyenne de 22 nanogrammes par mètre cube sur l’année, l’air de la commune est la plus polluée de France en herbicide. A titre de comparaison, la ville de Poitiers fait état de quatre nanogrammes par mètre cube en moyenne. L’étude, exclusivement portée sur la qualité de l’air, ne permet pas de définir les conséquences d’un tel résultat. Mais l’inquiétude des élus est grandissante.
Un moratoire refusé
Alors, tandis que la Charte est encore à l’état de rédaction, la communauté d’agglomération vote une motion réclamant un moratoire sur l’utilisation du prosulfocarbe. C'est cette molécule, considérée comme particulièrement volatile, qui serait responsable d'une grande partie de la pollution de l'air relevée par l'étude de l'Atmo. Plus simplement, puisque la collectivité n’a pas les compétences institutionnelles en matière de pollution de l’air par les pesticides agricoles, elle demande à l’Etat de suspendre l’utilisation de cette molécule. Cette dernière, présente dans des herbicides dont la vente a doublé entre 2015 et 2020, est particulièrement exploitées dans les cultures de blé, d'orge ou encore deseigle.
Problème : sur l’ensemble du territoire de la commune d’agglomération de La Rochelle, des communautés de communes d’Aunis sud et Aunis Atlantique, ainsi que l’île de Ré, la culture de céréales représente 46% des productions agricoles, concentrées en grande majorité sur les plaines d’Aunis.
Si nous interdisons ce produit, un autre, peut-être moins volatil mais plus toxique, pourrait être utilisé.
Anne-Laure Babault, députée (Modem) de la 2e circonscription de la Charente-Maritime
Ce moratoire n’aura toutefois pas l’effet escompté. La député Anne-Laure Babault a annoncé, ce mercredi 27 juillet, lors d’un échange public organisé à Montroy, que le moratoire avait été refusé par le ministère de l’Agriculture. "Si nous interdisons ce produit, un autre, peut-être moins volatil mais plus toxique, pourrait être utilisé", a-t-elle défendu.
Demandes d'analyses complémentaires
En contrepartie, le ministère indique avoir formulé une demande auprès de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) devant étudier la dangerosité du produit. De leur côté, les élus de l’agglomération de La Rochelle affirment avoir, eux aussi, demandé une étude à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) pour ce même motif. L’Anses est tenue de rendre son avis avant le 30 septembre, bien après la fin des consultations publiques sur la charte d'utilisation des pesticides.
En attendant ces analyses, les associations environnementales appellent les citoyens à s’opposer à la charte d’engagement des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques de la Charente-Maritime. Les élus, eux, demandent davantage de solutions alternatives à l’utilisation d’un pesticide dont la potentielle dangerosité toucherait en premier lieu les agriculteurs eux-mêmes.