"Les yeux ouverts" sur l'immigration en France, le premier roman d'Elise Brisou, étudiante rochelaise

Dans le cadre d'un service civique en 2018 à La Rochelle, Elise Brisou a côtoyé ce que l'administration appelle "les mineurs isolés étrangers". Elle a ainsi mis des visages sur des personnages de papier qu'elle avait fait vivre dans son premier roman, "Les yeux ouverts".

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"Ca se passe dans nos villes, ça se passe dans nos rues". On peut avoir juste vingt ans à La Rochelle, faire des études en communication en Vendée, arpenter joyeusement ce triste XXIème siècle, avoir passé une bonne partie de sa courte existence avec un livre ou un crayon en main et garder, tout de même, un peu d'énergie pour, d'une saine colère, faire quelque chose de bien. Pour Elise Brisou, c'était comme une évidence, il suffisait d'écrire. Ca tombe bien, c'est, selon elle, ce qu'elle sait faire de mieux. En tout cas, ce qui semble, jusqu'alors, donner sens à sa courte mais dèjà très riche existence. Ainsi ont pris vie Kamila, Cléo, Sofia et Mylo. Extrait.

Elle rôda autour de l'hôpital près de chez elle, observant pendant des heures les allées et venues du personnel soignant. Les urgences étaient là, à deux pas, portes ouvertes. Mais c'était se jeter dans la gueule du loup. A peine arrivés, ils demanderaient des papiers, des justificatifs d'identité et ça en serait fini d'eux. Ils soigneraient peut-être Mylo, mais pour les séparer par la suite. Si seulement ils avaient ces fichus papiers. ..

Extrait de "Les yeux ouverts" d'Elise Brisou aux éd. "La nage de l'ourse"

"Je voulais juste déclencher une prise de conscience"

"Les yeux ouverts", c'est une chronique sociale écrite comme un polar, un roman noir, sombre, très sombre et, en même temps plein d'espoir. D'aucun pourrait être surpris qu'une jeune femme comme Elise Brisou s'empare d'un sujet aussi sensible que cet épineux "dossier" de l'immigration en France. Après tout, tout cela est une question de géopolitique, de misère du monde, d'interminables débats européens et, surtout, d'une réalité qui n'entre sporadiquement dans nos foyers que dans cette petite lucarne qui s'éclaire avec une télécommande. Elise, elle, a surtout vu dans ce "dossier" des êtres humains, des destins qui, bien souvent, avaient à peine son âge quand elle a commencé à écrire leur histoire. Elle était alors en terminale.

J'ai voulu décrire l'immigration d'une manière un peu brute, je voulais montrer la réalité telle qu'elle est et la misère à laquelle sont confrontées ces personnes-là. Je voulais essayer de déclencher une prise de conscience chez les lecteurs. Si ces migrants, qu'ils soient majeurs ou non, peuvent à un moment exister que ce soit dans le cœur du lecteur, dans sa tête ou dans son regard, alors je me dis que j'aurai tout gagné à écrire ce livre.

Elise Brisou, romancière

Combien sont-ils les Kamila et autres Mylo à errer sans but entre Saint-Malo et Paris, avec pour seuls soucis de trouver un toit, à manger et retarder le jour fatidique où l'administration décidera s'ils doivent rentrer en Irak ou en Syrie ? Alors bien sûr, tout cela est une fiction, un premier roman émaillé parfois d'une coupable fraîcheur. N'en reste pas moins qu'Elise sait de quoi elle parle. Des "mineurs isolés étrangers", elle en connait bien plus que la plupart d'entre nous. En 2018, elle a effectué un service civique à La Rochelle grâce aux associations Unis-Cité et Solidarité Migrants. Elle portait le projet de proposer à ces jeunes des activités sportives, culturelles et artistiques. "Ce que j'ai remarqué en cotoyant les mineurs isolés, c'est que l'ennui est leur pire ennemi", explique-t-elle, "parce qu'ils n'ont droit à rien, ils sont coincés avec les traumatismes qu'ils ont vécu et, pour eux, c'est la double peine".

Ce que mon service civique m'a amené, ce sont des connaissances pratiques et théoriques, des connaissances de terrain sur la situation de ses jeunes mineurs aujourd'hui en France. Comment ça se passe pour eux juridiquement, au niveau de leur prise en charge. Ça m'a vraiment conforté dans l'idée qu'ils étaient invisibilisés par la société. Et, en même temps, il ya des bénévoles qui font un travail formidable pour essayer de sortir ces jeunes de la misère et de la rue.

Elise Brisou, romancière

"Une jeune maison qui fonctionne au coup de coeur"

Un premier roman donc pour la jeune rochelaise, mais aussi pour l'encore plus jeune maison d'édition de Surgères "La nage de l'ourse". Une maison dans le sens premier du terme avec des professionnels de l'édition qui croisent des photographes dans le salon ou des peintres qui taillent le bout de gras dans la cuisine avec des musiciens. Créée en 2017, "La nage de l'ourse", c'est un collectif. La ligne éditoriale affichée depuis le début était résolument tournée vers les questions environnementales. On citera notamment "Rencontre avec des paysans remarquables " signé par Véronique Duval ou encore "Quelle agriculture pour demain ?" d'André Boutteaud. Mais, cette maison-là s'est aussi aventurée à publier "Robin et Tom", le leporello de Julien Auclair alias JAP, un étonnant livre-fresque sur le marais poitevin imaginé par ce jeune dessinateur souffrant d'un trouble du spectre de l'autisme.

"La nage de l'ourse", ce n'est pas juste l'environnement, le projet éditorial est plus large que cela. C'est une écologie profonde, comment on vit ensemble, quelle relation on a avec le vivant. Pour l'agriculture, évidemment, c'est l'affrontement entre deux modèles, l'un qui compose avec la nature, l'autre qui veut la dominer absolument. Mais, au-delà de ça, notre ligne, c'est une vision globale du monde, une philosophie qui préfère la coopération à la domination. On est une jeune maison qui fonctionne au coup de cœur et, là, on est content d'éditer un roman sur ce sujet de l'immigration, d'autant plus que c'est un premier roman d'une jeune auteure.

Véronique Duval, créatrice de "La nage de l'Ourse"

C'est donc heureux que la clairvoyance de "l'ourse" ait croisé le chemin de l'énergie d'Elise Brisou. Les temps sont durs pour les maisons d'édition indépendantes qui doivent se battre pour faire rencontrer des livres à des lecteurs. "On grandit beaucoup à leur contact", nous confie la jeune romancière. Elle parlait bien sûr des jeunes migrants. Quoique...
 
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