En février dernier, le tribunal de Saintes était saisi pour une suspicion d'enfouissement de déchets amiantés sur une zone classée Natura 2000 sur la commune de Romegoux, près de Rochefort. Après plusieurs mois d'investigation, l'enquête révèle de sérieux manquements à la réglementation et de fortes présomptions d'abus de bien sociaux.
C'est sur la base de témoignage de promeneurs, d'agents municipaux de la commune de Romegoux et d'inspecteurs du Conservatoire d'espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine que le parquet de Saintes avait décidé d'ouvrir une enquête préliminaire.
"Les premières vérifications confirmaient que la carrière, appartenant pour partie au gérant de la société de désamiantage, était située au cœur de plusieurs périmètres de protection Natura 2000", indique le communiqué du tribunal de Saintes. Mais la suite de l'enquête allait apporter nombre d'éléments encore plus troublants sur l'activité de cette société.
"D'anciens salariés étaient entendus qui déclaraient que les retraitements des déchets amiantés n'étaient pas toujours réalisés conformément à la réglementation et avoir procédé à des dépôts sauvages avec le fils du gérant de l'entreprise ou avoir été contraints de faire des faux sur le suivi administratif des déchets amiantés", poursuit la communication du Procureur Benjamin Alla.
Visiblement, cette entreprise spécialisée avait au moins le souci d'une bonne gestion administrative de son activité. Car, cinq mois après les premiers signalements et après la réalisation de carottages sur le site incriminé, des perquisitions étaient effectuées au siège de la société ainsi qu'au domicile du gérant et de son épouse. Les documents récupérés par la justice ne laissaient guère de doute.
"La réglementation prévoit que l’entreprise doit déclarer tous les chantiers à un organisme certificateur qui vérifie régulièrement les méthodes de travail et tout ce qui a trait à l’amiante doit être déclaré à l’inspection du travail pour la sécurité des salariés", explique Benjamin Alla, "la stratégie d’enquête sur la base de la perquisition, ça a été d’identifier un certain nombre de chantiers sur lesquels on était certain qu’il y avait eu des irrégularités. Les dossiers au sein de l’entreprise étaient classés de manière très méthodique et rigoureuse et nous ont permis de démontrer, avec l’aide de l’organisme certificateur, que certains chantiers n’avaient pas été déclarés. On est donc sur la répétition d’un même mode opératoire".
En clair, pour faire des économies substantielles sur certains chantiers, l'entreprise ne les déclarait pas officiellement et se chargeait personnellement du "traitement" des déchets. Au siège même de l'entreprise "était constatée la présence volumineuse de déchets amiantés dans des conditions de stockage totalement contraires aux règles de protection des salariés exposés".
"Il était mis en évidence que de manière très organisée et méthodique, les dossiers de chantiers étaient classés en deux catégories : ceux communiqués à l'organisme QUALIBAT, chargé de certifier les méthodes de l'entreprise et le respect de la réglementation et ceux qui étaient dissimulés à cet organisme. Plus d'une vingtaine de chantiers n'avaient ainsi pas été déclarés sur une période récente", détaille le communiqué.
Par ailleurs, "il apparaissait que le gérant et son épouse finançaient une partie de leur train de vie sur les fonds de la société. Le parquet opérait des saisies de comptes bancaires à hauteur de 200.000 €".
"C’est l’abus de bien sociaux qui est le plus sévèrement réprimé avec cinq ans d’emprisonnement", nous explique le Procureur de Saintes, "les infractions à l’environnement sont, elles, passibles d’un ou deux ans maximum et la mise en danger d’autrui d’un an. Mais il peut aussi y avoir des peines complémentaires d’interdiction d’exercer".
Cet après-midi, le gérant et son épouse ont été présentés au juge d'instruction et placés sous contrôle judiciaire. "Ca fait désormais partie des axes de politique pénale qui sont importants", conclut Benjamin Alla, "les atteintes à l’environnement, ce n’est jamais anodin. Il y a un impact sanitaire, un impact sur la santé publique, un impact environnementale et aussi des conséquences économiques parce que, du coup, cette entreprise peut tirer ses prix par rapport à des concurrents respectueux de la réglementation".
Dans sa communication commerciale, l'entreprise, qui emploie une vingtaine de salariés, met en avant un savoir-faire depuis plus de 20 ans dans les travaux de désamiantage et dépollution.
CARTE - Roumegoux (Charente-Maritime)