Alors que 35.000 hectares de forêt ont brulé cet été en Nouvelle-Aquitaine, une question se pose : que faire de ces arbres à moitié brûlés ? Une partie peut être réutilisée, à condition de faire vite.
À la scierie de Saint-Martin-d'Ary (Charente-Maritime), le ballet des camions est incessant ces derniers jours. Une cinquantaine de poids lourds, chargés d'immenses troncs d'arbres noircis, arrivent quotidiennement de Gironde et des Landes. "Depuis une semaine, on commence à en rentrer de façon relativement importante", explique Serge Moreau qui gère la Société Industrielle Forestière.
Plus au sud, à La-Teste-de-Buch et Landiras, où les incendies ont été dévastateurs cet été, les entreprises de travaux forestiers ont été autorisées, au début du mois de septembre, à investir une partie des parcelles de pins ravagées. Le feu a longtemps couvé dans le sol. Il a donc fallu attendre que tout risque de reprise soit écarté pour que machines d'abattage et engins de débardage puissent entrer en action.
Quelques semaines ou quelques mois
Le chantier s'annonce titanesque. En juillet et en août, ce sont pas moins de 35.000 hectares de forêt qui ont brûlé en Nouvelle-Aquitaine, soit deux à trois millions de tonnes de bois qu'il va falloir couper et pour lesquelles il faut trouver des débouchés. Sans tarder.
"C'est vraiment une course contre la montre de l'ensemble de la filière" analyse Dominique Amaniou, le directeur de l'Alliance Forêts Bois pour la Charente-Maritime, la Charente et le sud-Gironde. Son groupe coopératif rassemble plus de 25.000 propriétaires forestiers dans la région. "On estime qu'on a peut-être quelques semaines ou quelques mois devant nous."
L'urgence, c'est de transformer ces bois brûlés avant qu'ils se dégradent à cause des champignons, ou des parasites comme les scolytes. "Ces arbres vont sécher et mourir, et quand ils n'auront plus de sève à l'intérieur, on ne pourra plus les travailler. Ils vont se tâcher de bleu, de noir et devenir cassants" précise Dominique Amaniou, "tant qu'il y a encore de la résine, comme maintenant, on peut les transformer".
Lambris et bûches
La scierie de l'entreprise SIF a donc mis les bouchées doubles. "Cela représente 15 à 20% de nos approvisionnements en ce moment mais on espère arriver à 30%" argumente Serge Moreau. Une fois débarqués des camions, les troncs sont écorcés, rabotés et scannés aux rayons X pour débusquer toute trace de bleu, synonyme de champignon. Seules les parties les plus intactes sont utilisées pour faire du parquet ou du lambris. "Pour ces produits-là, l'aspect visuel est très important, donc il nous faut du bois qui ne soit pas altéré, ni tâché."
Les parties les moins nobles finiront en bûches densifiées pour les poêles à bois ou les cheminées. "Je ne dirais pas que c'est une aubaine car en terme de tarification, ça ne change rien, assure le chef d'entreprise, on essaie juste de s'associer au mieux à cette crise en rentrant le plus de bois sinistré possible."
Reportage de Pascal Foucaud et Cédric Cottaz