Nicolas Camoisson, photographe spécialiste du Moyen-Orient, a été invité à passer dix jours dans le plus vieux phare de France. Ses photos et son travail de calligraphie arabe sur le thème de la mer seront ensuite exposés tout l'été.
"Le phare de Cordouan, c’est ma passerelle entre l’Orient et l’océan" ; cela fait maintenant cinq jours que Nicolas Camoisson a posé son sac de photographe et installé son atelier de calligraphe dans le plus vieux phare de France. Le phare, symbole de solitude, de confrontation avec les éléments, mais aussi promesses d'horizons nouveaux. C'est un peu de tout ça que l'artiste est venu chercher ici, comme il l'avait fait pendant 24 heures, l'année dernière dans le phare du Bout du Monde à La Rochelle.
"Je suis quelqu’un du désert. J’ai vécu 22 ans en Syrie et j’avais besoin de cette cassure personnelle et de retrouver un lien avec la nature" tente-t-il de nous expliquer en protégeant son téléphone du vent de l'estuaire, "avec les conflits là-bas, c’était difficile ces dernières années d’aller sur le terrain. J’ai donc essayé la montagne, mais ça n’a pas marché. Et, par contre, avec la mer…"
En 2014, de retour en France, il crée, avec sa compagne, la maison d'édition Ici & Là Reportages Poétiques. Des livres donc, mais pas seulement. Nicolas Camoisson est un nomade sans attaches qui, depuis ses dix-huit ans, arpente les terres parfois brûlantes du photojournalisme, mais aussi les vallées plus inspirantes de l'art contemporain. "Je suis arrivé en Syrie à l’âge de neuf ans. J’étais reporter de guerre au Liban et en Irak tout simplement parce que j’étais déjà sur le territoire, je parlais arabe et je commençais tous les rouages du système. Mais je ne me considérais pas comme un reporter de guerre qui couvre tous les conflits".
Avec Ici&Là, il organise donc des expositions à Bordeaux, anime des ateliers en milieu carcéral ou se lance dans de grandes enquêtes de terrain. Son dernier projet, c'est justement celui qui l'a emmené jusqu'à Cordouan. L'homme du désert a décidé de se lancer dans un travail de fond pendant trois ans sur la pêche dans le golfe de Gascogne. "J’ai même passé mes diplômes de marin au lycée maritime de La Rochelle, pour des questions de sécurité et d’assurance à bord des bateaux de pêche comme me l’avaient conseillé les Affaires Maritimes". Le monsieur, visiblement, ne fait jamais les choses en demi-teintes.
"Ce sera un livre de photographie d’auteur mais ce qui m’intéresse c’est aussi de parler plus largement des problématiques liées à la pêche ; le Brexit, les quotas, les dauphins, le réchauffement climatique, des rencontres avec des élus ou des océanographes. C’est de l’enquête et de la création artistique, c’est les deux en même temps. C’est une voie qui me convient très bien. J’aime vraiment prendre mon temps, être en immersion et rencontrer les gens" nous dit-il entre deux bourrasques de vent.
Une passerelle donc, un sas entre deux mondes ; avant de se lancer corps et biens dans son enquête, Nicolas avait besoin visiblement de cette parenthèse symbolique durant laquelle la focale de son appareil et sa plume de calligraphe vont lui permettre d'approcher en douceur cet élément qu'il va devoir apprivoiser. A moins que cela ne soit l'inverse...
"Les deux premiers jours, j’ai découvert les lieux. Puis j’ai pris mon rythme de croisière entre la calligraphie, mon atelier et la photographie et aussi par rapport aux marées avec l’arrivée des touristes sur le phare. Ce sont des moments où je fuis et où je vais sur les bancs de sables et les rochers autour. Mais dès que les visiteurs s’en vont, les portes se referment et il n’y a plus personne. On voit le dernier bateau partir, la marée remonte et l’océan est à moi".
Apparemment, les gardiens des lieux sont ravis d'accueillir ce passager clandestin. "On fait un bout de chemin ensemble", résume joliment le photographe. Le voyage immobile de Nicolas Camoisson sera exposé dans le phare de Cordouan du 1er juillet au 31 octobre.