Moins d'un an avant le départ de la réplique de l'Hermione, frégate sur laquelle le marquis de La Fayette rallia les insurgés d'Amérique en 1780, le temps du recrutement de l'équipage est arrivé : 150 volontaires se forment à Rochefort (Charente-Maritime) en vue de l'incroyable aventure.
A bord de l'Hermione encore à quai, 150 volontaires se préparent pour le départ, prévu dans moins d'un an.
"Première chose : on vide ses poches ! Un smartphone qui tombe de 45 mètres, ça peut faire des dégâts". Sur le pont de la réplique de l'Hermione, frégate sur laquelle le marquis de La Fayette rallia les insurgés d'Amérique en 1780, dix-sept volontaires - dix hommes et sept femmes - se préparent à grimper sur les haubans du grand mât. Premier objectif: atteindre la hune, 27 mètres plus haut.
Sanglés dans leur harnais de sécurité, ils ont tout juste eu le temps d'enfiler une vareuse et d'assister à une brève présentation des étapes qui ont donné corps à ce projet fou lancé en 1997 par une poignée de passionnés : reconstruire l'Hermione à l'emplacement même où avait été construite la frégate originale, en faisant revivre les métiers de l'époque et, défi ultime, la faire naviguer jusqu'aux Etats-Unis.
Le premier critère, c'était la motivation. Moins de 50% des volontaires ont déjà fait de la voile, explique Yann Cariou, ex-officier de marine de 57 ans, qui prendra le commandement de la frégate
Dans un cliquetis de mousquetons, les volontaires se lancent à l'assaut des cordages, secondés par un formateur. Depuis le pont, Anne, 45 ans, regarde ses camarades avec anxiété : "Quand je les vois penchés comme ça, mon coeur s'emballe. Non, ça je ne peux pas !". L'histoire de ses ancêtres cap-horniers l'a poussée à se porter candidate avec sa fille, Mathilde, 21 ans, qui s'arc-boute déjà sur les "gambes de revers", passage délicat où le corps est quasiment à l'horizontale.
Plus de 800 candidatures reçues
La lettre de motivation des deux femmes a été retenue parmi 800 candidatures reçues de toute la France par l'association Hermione-La Fayette. "Le premier critère, c'était la motivation. Moins de 50% des volontaires ont déjà fait de la voile, ce n'était pas déterminant", explique Yann Cariou, ex-officier de marine de 57 ans, qui prendra le commandement de la frégate pour la traversée jusqu'à Boston en avril 2015. Finalement 150 personnes ont été sélectionnées (moyenne d'âge 27 ans), dont 37% de femmes.
Anne est la seule à échouer au test d'ascension, rédhibitoire lorsqu'on sait que l'équipage devra grimper à plusieurs dizaines de mètres d'altitude quelle que soit la météo. Depuis les premières sessions de formation en novembre, une poignée seulement a renoncé. Les autres viennent régulièrement parfaire leurs compétences en participant à la maintenance du navire.
Vous serez deux fois moins nombreux qu'au XVIIIème siècle, et certainement moins compétents. Mais vous avez un avantage: vous apprenez plus vite, vous avez une agilité intellectuelle qu'ils n'avaient pas !", relativise le commandant
Une fois sur la hune, les apprentis matelots savourent la vue sur la Charente, les maisons blanches de la ville-arsenal et "la beauté bluffante du bateau". Les plus audacieux grimpent jusqu'au "perroquet", point culminant du grand mât. D'autres se glissent à l'extrémité des vergues, en équilibre sur une corde. C'est de là que l'équipage serrera les voiles, à la force des bras.
"Vous serez deux fois moins nombreux qu'au XVIIIème siècle, et certainement moins compétents. Mais vous avez un avantage : vous apprenez plus vite, vous avez une agilité intellectuelle qu'ils n'avaient pas !", relativise le commandant. Au total, 72 membres d'équipage, dont 54 volontaires, embarqueront, par tranche, pour la traversée de l'Atlantique et les différentes escales qui ponctueront le voyage.
Une langue étrangère du 18ème siècle
Pendant la session théorique de l'après-midi, les visages sont concentrés. Il s'agit d'emmagasiner les caractéristiques techniques de la frégate - 1.000 tonnes, 2.200 m2 de voilure, 25 kms de cordages - et surtout le nom de toutes les pièces de mâts, voiles, cordages, utiles aux manoeuvres."Carguer", "rabanter", "dérabanter", "étarquer"... : cette "langue étrangère" du XVIIIème siècle, perdue avec la modernisation des bateaux, reprend vie sur le pont lors des exercices pratiques. Avec un impératif toujours en ligne de mire: la sécurité. "Sur l'Hermione, tout est lourd, sous tension, en mouvement. Il faut que vous appreniez à vous auto-contrôler les uns les autres en permanence", rappelle le commandant.
Sous le soleil brûlant, les volontaires ne rechignent pas à recommencer les exercices, pour que chacun puisse occuper différents postes. Ils ont trois mois pour se perfectionner.
Le 6 septembre, la frégate appareillera pour plusieurs semaines d'entraînement en mer. Avant le départ historique sur les traces du héros français de l'indépendance américaine.