En 2017, Mathieu Dallibert, 28 ans et atteint de handicap, disparaît sans jamais réapparaître. Depuis plusieurs années, il côtoyait une famille, qualifiée de "clan" qui escroquait des personnes vulnérables. Quelques mois après sa disparition, l'un des membres avoue l'assassinat de Mathieu Dallibert. Un dossier "abominable" évoqué lors de ce procès qui s'ouvre ce 20 mars à Angoulême.
Un "clan familial". C’est ainsi que le parquet qualifie les Duché, une famille accusée de l’assassinat de Mathieu Dallibert, porté disparu. À l’époque, Mathieu Dallibert, en situation de handicap du fait d’une déficience intellectuelle, avait 28 ans et était en couple avec une des filles de la famille Duché. Depuis septembre 2017, il n’a plus donné signe de vie. Si certains accusés ont avoué leur responsabilité dans la mort de Mathieu Dallibert, le doute subsiste sur l’"emprise" à laquelle ces derniers étaient soumis. Le procès s’ouvre ce 20 mars à la Cour d'assises d’Angoulême.
Un système d'escroquerie bien rôdé
Isabelle Duché est définie comme la "matriarche" de ce "clan familial" par le ministère public. Elle-même est en situation de handicap tout comme son mari Patrick. Damien Aristide, compagnon de leur fille aînée Marion, l’est aussi. En 2019, tous les quatre, ils sont condamnés par le tribunal correctionnel de Laval pour escroquerie, abus de faiblesse, blanchiment et recel. Les faits démarrent en 2010. La famille déménage souvent : Ille-et-Vilaine, Mayenne, Manche, Finistère, Côtes-d'Armor et enfin la Charente, à Bellon.
Quand une plainte est déposée à leur encontre, en 2011, les investigations débutent. Selon les enquêteurs, à chaque fois, le mode opératoire est le même. Isabelle Duché approche des personnes vulnérables, les met en relation avec ses enfants - pour la plupart mineures à l’époque des faits - afin qu’ils se mettent en couple. Une fois épris de ses enfants, la famille profitait de ces personnes, notamment en leur réclamant de l’argent ou en détournant leur allocation aux adultes handicapés (AAH). L’argent était ensuite blanchi dans des véhicules, voyages ou de l’immobilier.
Mais alors que l’enquête était menée sur les arnaques de la famille, Damien Aristide avoue tout aux gendarmes en avril 2018. Après l’avoir étouffé avec un chiffon imbibé d’éther, il aurait tué, démembré et brûlé Mathieu Dallibert alors que ce dernier, victime de violence, aurait émis le souhait de se détacher de la famille. En savait-il trop ? C’est ce que pense le parquet au vu des témoignages et des relevés téléphoniques.
Celui qui a peut-être tué, c’est un groupe entier et pas une personne.
Christian Blazy, avocat de Damien Aristide, qui a avoué avoir tué Mathieu Dallibert
Sur le banc des accusés de ce nouveau procès pour assassinat et complicité d’assassinat, ils sont de nouveau quatre. Mais trois sont particulièrement visés parmi lesquels Isabelle Duché, malade, qui va comparaître en fauteuil, Nicolas Duché, son fils de 24 ans, qui était assistant funéraire et Damien Aristide.
"Un dossier abominable"
Si ce dernier a bien reconnu les faits et s’est expliqué, pour son avocat, Christian Blazy, l’enjeu du procès est surtout de connaître les conditions dans lesquelles Damien Aristide est passé à l’acte. Plusieurs membres de la famille évoquaient une « réunion préparatoire » au moment de la disparition de Mathieu Dallibert. "La difficulté, c'est de connaître exactement les conditions qui, pour moi, relèvent de l’emprise de cette famille sur quelqu’un qui est beaucoup plus faible que les autres et qui à ce moment-là suit et fait ce qu’on lui dit, soulève Christian Blazy. Celui qui a peut-être tué, c’est un groupe entier et pas une personne."
Si son fils a, lui aussi, avoué, Isabelle Duché, elle, nie en bloc. Son avocate, Morgane Dupoux, reconnaît une défense compliquée pour une cliente "abominable" dans un "dossier abominable" et ajoute : "ils le sont tous dans ce dossier".
"Tout le monde a menti pendant la procédure donc on verra durant l’audience ce qu’il va rester des mensonges des uns et des autres", affirme Morgane Dupoux.
La famille Dallibert souhaite qu’on réponde à ses questions, que l'on rende justice à son fils et qu’il y ait une sanction à la hauteur des faits qui ont été commis.
Nicolas Dirickx, avocat de la famille Dallibert
Isabelle Duché maintient ne pas avoir de responsabilité dans la mort de Mathieu Dallibert et qu’elle n’a jamais donné l’ordre de le tuer, ce dont elle est soupçonnée en tant que tête pensante.
"Tout l’enjeu de l’audience est de faire établir qu’à aucun moment, elle n’a donné l’ordre qu’il soit tué ce soir-là et que les responsabilités sont plutôt du côté de Damien Aristide ou de Nicolas Duché", reprend Maître Dupoux.
Ce procès est surtout attendu par la famille Dallibert, en quête de réponses depuis la disparition de Mathieu en septembre 2017. Aucune trace de son corps n’a été retrouvée. "La famille Dallibert veut connaître la vérité et qui a fait quoi, dans la mort de son fils. Mais surtout, pourquoi on l’a assassiné", explique l’avocat de la famille Dallibert, Nicolas Dirickx.
Des réponses qui vont être attendues au terme d’un procès exceptionnel qui durera deux semaines, jusqu’au 31 mars. Les accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité.
Avec Valentine Meyer.