Festival international de la BD d'Angoulême : le parcours remarqué de la Belge Clara Lodewick, en sélection officielle pour sa première bande dessinée

À tout juste 26 ans, Clara Lodewick se retrouve en sélection officielle au Festival international de la BD d'Angoulême avec sa première BD. "Merel" (Dupuis) raconte l'histoire d'une jeune femme victime d'une rumeur dans la Belgique rurale d'aujourd'hui. Retour sur le parcours d'une jeune autrice.

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Clara Lodewick a l'enthousiasme modeste, peut-être impressionnée par un compréhensible sentiment de peur au vu de l'intérêt que suscite sa présence à la 50e édition du festival international de la bande dessinée (FIBD). À Angoulême, elle présente à 26 ans sa toute première œuvre, Merel, publiée en février dernier par l'éditeur belge Dupuis, l'une des grandes maisons de la BD. La jeune Bruxelloise réussit en prime l'exploit d'accéder à la prestigieuse sélection officielle du festival, dès sa première publication.

Elle arrive à la bulle de son éditeur dans un long manteau d'hiver, les yeux pétillants de celle qui s'étonne encore d'enchaîner autant de rendez-vous avec les médias : la chaîne d'information internationale France 24 juste avant nous, nos confrères de France Bleu également. Ces sollicitations arrivent après tous les autres articles dans la presse depuis la parution de sa BD : Télérama, Libération, et désormais nous-mêmes, séduits par la maîtrise et la maturité de son récit autour d'une jeune femme, victime d'une rumeur dans la Belgique rurale d'aujourd'hui. Être en sélection à Angoulême dès ce premier album, elle n'en revient toujours pas.

>>> Retrouvez toute l'actualité du Festival sur notre page préciale BD à Angoulême.

Angoulême, festival "mythique"

"C’est un peu mythique comme festival. Je n’étais jamais venue, je découvre. J’ai tous mes copains et copines qui revenaient chaque année du festival et qui me racontaient que tel ou tel auteur avait fait ça, les ragots aussi… c’est vraiment légendaire", confie-t-elle dans son élan.

Le plus simplement du monde, la jeune autrice redit sa "surprise" "Je ne m’y attendais pas du tout". Le ton enjoué de sa voix témoigne qu'elle vit pleinement chaque instant du festival. Puis, elle pondère. "Tout le monde est super accueillant. En sélection, j’ai vraiment de la chance, mais, en même temps, ça me fait un peu peur. C’est la toute première fois que je publie". À l'écouter, avoir "son nom sur un livre" la rendait déjà suffisamment fébrile, alors se retrouver à Angoulême se révèle une chose encore plus "incroyable".

Dessiner pour moi, c’était surtout raconter des histoires

Clara Lodewick

Autrice de "Merel" (Dupuis)

Clara Lodewick a le parcours d'une passionnée, déterminée à se donner les moyens de relever chaque nouveau défi sur sa route pour réussir à vivre de son goût pour la BD. "J’ai commencé à dessiner toute petite, à l’Académie de dessin de St Gilles à Bruxelles", se souvient-elle. "Un peu en Flandre aussi. Vers mes 16 ans, j’ai demandé à ce que mon prof à l’Académie me prépare pour essayer d’entrer à l'école St Luc, et que l’on ne fasse plus que de la bande dessinée. Je ne voulais faire que de la bande dessinée."

Saint-Luc, c'est la prestigieuse école supérieure des Arts de Bruxelles qui forme notamment des auteurs et éditeurs de bande dessinée. Clara Lodewick y explore le dessin et le scénario. Si elle reconnaît que son coup de crayon n'avait jusque-là "jamais été l’élément qui poussait les gens à (la) complimenter", elle "aimait vraiment dessiner". Pourtant, très vite, elle prend conscience que "dessiner pour (elle), c’était surtout raconter des histoires". Elle poursuit : "Plutôt que de faire de grandes images, ado, je faisais déjà de petites histoires dans mes grandes images. À Saint-Luc, j’ai fini par ne prendre de plaisir que dans le scénario. Quand il fallait faire le dessin, ça m’ennuyait ; je ne me sentais plus à ma place. À un moment, mes profs m’ont permis d’avoir un déclic et de me dire que le dessin devait servir le scénario. Et que, tant que j’arriverais à avoir le truc pour que la lecture ne soit pas dérangée par le dessin, si l’histoire était assez bonne, ça passerait. Ça m’a décomplexée et permis d’assumer ce dessin, ce trait parfois un peu bancal pour me concentrer sur l’essentiel."

Une fragilité, une faille

Ce trait "un peu bancal" est en train de devenir sa marque. Plutôt que bancal, d'ailleurs, il révèle une fragilité, une faille, celles de chaque être humain croqué dans ses cases. Chez Clara Lodewick, les personnages, principal comme secondaires, bénéficient toutes et tous d'un même traitement, à égalité. Chacun évolue et se complexifie au fil des pages. Ce qui, bien sûr, contribue à démarquer son travail. La jeune autrice donne à lire une humanité complexe dans laquelle chacun peut reconnaître une part de vécu. 

J'ai pris les BD que j'aimais et dans une pile, il y avait tout le travail de mon futur éditeur. C’est comme ça que j’ai trouvé son nom et que je l’ai contacté

Clara Lodewick

Autrice de "Merel" (Dupuis)

Chez Dupuis, Clara Lodewick semble s'être construit une place à elle, dans la collection Les Ondes Marcinelle, dirigée par Thomas Gabison. Cet éditeur indépendant est celui qui l'a amenée dans la grande maison bruxelloise. "J’ai contacté Thomas Gabison parce que je voulais travailler avec lui en particulier", se souvient-elle. Alors qu'à la sortie de l'adolescence, elle essuie refus sur refus, elle se souvient avoir choisi son éditeur sans laisser de place au hasard. "J'ai pris les BD que j'aimais et dans une pile, il y avait tout son travail. C’est comme ça que j’ai trouvé son nom et que je l’ai contacté"

Lors de leurs premiers échanges, Merel n'existait pas encore. Gabison avait néanmoins pu voir les dessins de Lodewick. "Je lui ai envoyé mes pages par mail et c'est le premier éditeur à me dire : 'Alors le dessin, c’est très bien, mais le scénario, ça ne va pas'. D’habitude, on me disait le contraire. Je me suis dit : 'Quoi ? il accepte mon dessin, il ne faut pas le laisser partir'. Je me suis accrochée, j’ai demandé ce qui n’allait pas dans le scénario. J’ai dit que j'avais envie de raconter d’autres histoires et tout de suite, on a super bien pu travailler ensemble. Et chez Dupuis, j’ai un éditeur plutôt alternatif où je peux développer un truc artistique avec le côté rassurant d’une maison belge que je connais depuis toute petite."

Un mur infranchissable

Ce pas franchi se révèle le bon. Mais encore aujourd'hui, elle se souvient de ce "mur qui parait complètement infranchissable". Elle sait à quel point il est "super dur d’avoir ce premier contact". Mais, "quand quelqu’un accepte de vous parler, tout parait d’un coup beaucoup plus accessible". D'autant qu'à l'époque, de sa sortie de l'école à 20 ans à la publication de cette première BD à 25, comme beaucoup, Lodewick "travaille pour vivre", tout en "cherchant" le bon éditeur.

Merel a ensuite grandi et s'est construit au fil des échanges avec son éditeur. Une femme dont la liberté dans une petite communauté de la Flandre rurale suscite la jalousie. Ne serait-elle pas en train de voler son mari à l'une des femmes du village ? De là, la rumeur enfle jusqu'au possible point de non-retour. Pourtant, Clara Lodewick estime ne "pas (avoir) réfléchi à l’avance à ce que je voulais (que Merel) représente (...) Son caractère libre, je ne l’ai pas intellectualisé, c’est venu comme ça". Sa liberté constitue in fine l'une des forces de ce récit très abouti.

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