Avec son projet musical Ikabé, Vincent Dziacko, publie un clip d'une grande sensibilité contre les violences policières. Un sujet qui lui tient à coeur d'aborder par le prisme de la douleur, plus que de la colère.
"J'avais une mélodie qui me revenait en tête, j'ai commencé à écrire, à composer et naturellement Adama m'est venu", raconte Vincent Dziacko, à l'origine du projet Ikabé. Ce professeur de SVT au lycée Guez de Balzac d'Angoulême est aussi un artiste engagé. En février 2023, il a sorti un EP dans lequel il aborde des thématiques qui l'animent au quotidien.
"La mort des hommes, les discriminations m'interpellent, ça me touche beaucoup", explique-t-il. Adama, titre de son clip, est une sorte d'hommage à Adama Traoré, ce jeune homme de 24 ans, décédé dans une altercation avec les forces de l'ordre et devenu le symbole de toute une génération de racisés discriminés. "Toute cette jeunesse qui meurt sous les tirs des forces de l'ordre, ça m'attriste beaucoup, j'avais le nom d'Adama en tête et ça faisait de plus en plus de prénoms qui revenaient".
Une chanson engagée qui constate la douleur
Cette chanson a avant tout été écrite "pour ceux qui restent". Car si lui-même est touché par ces drames, il imagine "la douleur des proches". Son projet se concentre donc plus sur la sensibilité que sur la colère. Dans le clip, conçu par sa femme Bérengère et tourné de façon artisanale dans un garage, on peut y voir Barnabé Rema Koala, ancien danseur et directeur artistique, se recouvrir d'une couche d'argile. "Il mime une sorte de renaissance". Pour lui, l'important est de constater la douleur. C'est une version dirigée "contre la douleur et non pas contre la police", explique-t-il.
"Aujourd'hui, ça crée beaucoup de débats, alors qu'on ne devrait pas discuter du pourquoi, du comment, le premier truc c'est : un homme mort", déclare-t-il. Dans le clip, ils inscrivent aussi le prénom de Nahel, mais aussi celui de Alhoussein, décédé le 14 juin 2023 près d'Angoulême, "à moins de 300 m de chez moi", lâche-t-il dans un souffle. Des prénoms "à rendre visibles" qui cachent les vies de personnes racisées "parties dans des circonstances nébuleuses, de manière injuste, par stigmatisation raciale de la part des forces des ordres".
Ils deviennent des symboles, mais les noms de famille ont disparu, comme s'ils n'étaient que des prénoms et que ça devenait presque une ritournelle, presque commun.
Vincent DziackoProfesseur à l'origine du projet Ikabé
Au fond, Vincent Dziacko est surtout un "fervent défenseur des luttes intersectionnel". Et c'est avec beaucoup d'empathie qu'il essaye de se mettre à la place de chacun. Au sein des cinq titres publiés dans son EP, il y a aussi une chanson sur l'homophobie. Son combat contre l'injustice, il le tient de son histoire familiale - il a grandi à Lille dans une famille d'ouvrier - mais aussi de sa propre "différence".
En effet, l'artiste perd la vue. Un handicap qu'il a découvert à l'âge de 13 ans, alors qu'il était passionné de basket et qu'il imaginait sa vie dans le sport. "J'ai désormais une cane, donc ça devient visible, mais les discriminations, c'est bien connu, sont nombreuses". C'est pour cela, qu'il se dit "assez stupéfait de voir parfois que dans le monde du handicap, il y a beaucoup de racisme". Alors que, "Toutes les luttes ont un point en commun : l'injustice folle, ça devrait être une force".
"Pour faire société, il faut comprendre ce que ressentent les gens".
Sa pensée est très claire : il faut allier les luttes, se solidariser. Sa chanson Adama a aussi pour vocation de "faire ressentir la douleur et ce que peuvent vivre les gens" pour permettre plus de compréhension. Car "pour faire société, il faut comprendre ce que ressentent les gens".
Au quotidien, il réussit à porter les valeurs qui lui tiennent "à cœur", dans la musique, mais aussi dans sa profession de professeur de Sciences et vie de la Terre.
En SVT finalement, il y a aussi un fort enjeu citoyen, sur l'environnement, la santé, la sexualité. Je forme des citoyens et je leur donne avant tout des éléments pour qu'ils se fassent leur propre avis.
Vincent Dziackoprofesseur à l'origine du projet Ikabé
Sa position l'oblige à une certaine impartialité, alors que dans la musique, il peut y mettre toute son énergie. Et même si le compositeur dans l'âme perd la vue, il n'en perd pas le sens du rythme, et encore moins le sens de ses combats. "Mes chansons sont engagées, mais elles sont ouvertes, à partir du moment où la personne à un cœur en face".
Après plusieurs années en solitaire, il a été rejoint par deux autres personnes. Ils se produiront le samedi 20 juillet 2024 au Mariposa festival de Gond Pontouvre, un festival de musiques actuelles et latines.