L’association SOS-Rivières et Environnement dénonce dans un communiqué le recours massif aux pesticides en Charente-Maritime. En 2020, le département a été le quatrième plus gros acheteur de produits chimiques destinés aux cultures. Et même le premier en ce qui concerne le glyphosate.
347 tonnes de glyphosate ont été achetées par les exploitants agricoles de Charente-Maritime en 2020. Un volume en hausse de 44 % par rapport à 2019. Et une première place sur le podium français dénoncée par l’association SOS Rivières et Environnement, située à Saint-Jean-d’Angély. Dans un communiqué daté du 31 janvier 2022, ces défenseurs de la nature s’inquiètent de la forte consommation de produits phytosanitaires, dans un département « qui jusqu’alors évoluait entre la 8e et la 11e place », explique Jean-Marie Bourry, son référent « pesticides ».
Car à côté de l’herbicide ultra controversé du groupe Monsanto/Bayer, beaucoup d’autres substances sont utilisées : une centaine d’herbicides au total, des insecticides, des fongicides pour 1.839 tonnes au total. Des quantités en augmentation de 33 % par rapport à l’année précédente, quand la hausse moyenne nationale est à 19 %.
Le vignoble en cause
La faute notamment à la présence des vignes dédiées à la production du Cognac, selon SOS Rivières et Environnement. L’association estime l’extension du vignoble « de 76.000 à 96.000 hectares » à l’horizon 2024. Autre facteur avancé : la faible part d’agriculture biologique parmi les productions. Le bio concernerait en effet 4,5 % de la surface agricole utile de Charente-Maritime, « alors que ce ratio s’élève à 10 % au niveau national ».
L’organisation de protection de l’environnement alerte une nouvelle fois sur les conséquences d’un recours important aux pesticides sur la biodiversité et la santé. Pollution de l’eau, destruction des espèces animales et risque de maladies pour l’Homme (cancers, malformations génétiques, maladie de Parkinson...)
Des outils techniques pour une utilisation raisonnée
Alexandre Agat cultive céréales et oléagineux à Allas-Bocage. Il utilise régulièrement ces produits, comme son père et son grand-père avant lui. Et les stocke dans un local fermé, conscient de leur dangerosité. Sur les étagères, beaucoup de bidons ne sont même pas entamés. « J’achète en anticipant le besoin car, souvent, je déclenche par rapport au stade de pousse du maïs et je ne peux pas forcément attendre la livraison. Quand il y a des mauvaises herbes, il faut y aller », explique-t-il.
Pour utiliser les pesticides de façon raisonnée, cet exploitant peut compter sur les évolutions techniques. Un GPS sur sa machine l’empêche par exemple d’épandre deux fois au même endroit. Des relevés d’experts sur la présence d’insectes ou le recours à la modulation des doses sont autant d’outils pour une utilisation au plus juste des produits phytosanitaires.
Quand on peut s’en passer, on s’en passe… mais on n’a pas de solution technique fiable et économiquement viable aujourd’hui.
Alexandre Agat, agriculteur
Et aujourd'hui, quel avenir pour le glyphosate ?
Les chiffres étonnants révélés dans le communiqué de SOS Rivières et Environnement sont en contradiction avec les objectifs affichés au plan national. La France est en effet engagée dans un processus de réduction de 50 % de l’utilisation du glyphosate. Un objectif qu’elle doit atteindre fin 2022. Et qui semble bien compromis, faute d’alternative efficace proposée au monde agricole.
Une trentaine d’associations appelle le Gouvernement à faire interdire le glyphosate en Europe dès 2023. Rappelant qu’il est classé « cancérogène probable » par l’Organisation mondiale de la Santé depuis 2015. Son autorisation d’exploitation court jusqu’en décembre et sera donc révisée dans l’année par les instances européennes.
Quantité d’achats de glyphosate non EAJ, rapportée à la SAU hors agriculture biologique, par code postal, sur la période 2017-2019
En 2018, une analyse des ventes faite par les distributeurs de produits phytopharmaceutiques classe le Poitou-Charentes quatrième acheteur d’herbicides, la Charente-Maritime est déjà le premier département consommateur de glyphosate avec 292 tonnes.
Reportage de Pascal Foucaud et Loeiza Larvor à Allas-Bocage