Le confinement amène élus et producteurs locaux à repenser leur manière d'organiser l'approvisionnement de la population. Entre le maintien de certains marchés, les livraisons et les retraits à la ferme, plusieurs solutions sont envisagées.
Maraîcher bio installé aux Halles centrales de Limoges, Fabien a vu son chiffre d’affaires baisser de 30% le week-end dernier.
Même si ce marché couvert a bénéficié d’une dérogation pour rester ouvert, les consommateurs se font rares. Il a rapidement décidé de prendre les choses en main, pour garder sa clientèle et vendre ses stocks :
Je reçois beaucoup de coups de fil de fidèles qui veulent se déplacer le moins possible, tout en continuant à pouvoir manger des fruits et légumes frais et locaux. Je leur propose donc soit des livraisons aux alentours de Limoges ou de Saint-Junien, soit de préparer des paniers à venir retirer sur mon étal aux halles.
Comme plusieurs commerçants des halles, tant centrales que celles de Carnot, à Limoges. Et comme de nombreux agriculteurs partout sur nos territoires. Qui s’organisent, collectivement ou individuellement.
Il existe aujourd’hui plusieurs solutions pour s’approvisionner en produits frais locaux : certains marchés qui subsistent, des « drive fermiers » ou encore des livraisons. La chambre d’agriculture tente d’accompagner les producteurs pour leur trouver des débouchés.
Des drive fermiers qui devraient se multiplier
A Limoges, le drive fermier existe depuis 6 ans avec 2 points de retrait habituels (zone nord ou site du SAFRAN à Panazol), et avec sa quinzaine de producteurs. Dont certains viennent juste d’intégrer le dispositif pour faire face aux demandes, multipliées par 7 depuis le début de la crise.
D’autres points de retrait, chez des agriculteurs, sont créés ce vendredi 27 mars dans le département pour limiter les trajets en ces temps de confinement : à Janailhac, Cheronnac, Coussac bonneval et Bersac-sur-Rivalier.
En Corrèze, la chambre d’agriculture a fourni un renfort en personnel et en logistique pour son drive fermier, victime aussi de son succès. Et pour s’adapter, des livraisons à domicile sont mises en place. En parallèle, les 140 adhérents corréziens du réseau « Bienvenu à la ferme » sont répertoriés sur une carte interactive.
Céline Boyard, responsable du service projets et territoire à la chambre d’agriculture de la Haute-Vienne précise :
Notre Drive fermier de Limoges, ce n’est qu’une solution parmi d’autres. Et comme l’outil informatique pour faire ce drive là existe, nous proposons de le mettre à disposition d’autres producteurs pour qu’ils fassent des petits drive localement, sur le même modèle
La chambre d’agriculture de la Haute-Vienne essaye d’impulser la création d’autres drive locaux, pour remplacer, temporairement ou sur un plus long terme, les marchés qui ont dû s’arrêter. Pour cela, elle sollicite les mairies pour qu’elles puissent mettre à disposition des locaux permettant aux producteurs d’organiser leurs ventes.
La solution peut aussi être plus individuelle, sous forme de livraison ou de retrait dans les fermes. Pour centraliser les différentes possibilités, la Chambre consulaire a même créé une carte interactive des producteurs fermiers de la Haute-Vienne.
On y retrouve les produits proposés et leurs coordonnées. Horticulteurs et pépiniéristes peuvent également s’inscrire et proposer leurs plants de fleurs ou de légumes. Une alternative bienvenue pour ces professionnels qui subissent de plein fouet la concurrence des grandes surfaces.
Le maintien des marchés communaux reste la priorité
Céline Boyard insiste :
Mais notre préoccupation principale, ce n’est pas nécessairement les drive. Nous appelons chaque producteur, chaque mairie aussi, pour envisager des solutions locales adaptées. La plus facile étant de pouvoir maintenir des petits marchés en milieu rural
A Panazol, le plus grand marché dominical du département ne se tiendra plus. Le maire, Jean-Paul Duret, n’avait pas attendu le décret du 24 mars pour l’arrêter.
J’ai fait ma tête de mule, ce n’était pas raisonnable de le maintenir. Mais on va trouver une solution pour le remplacer par autre chose.
Il pourrait être envisagé d’en recréer un beaucoup plus petit, avec quelques producteurs très locaux, plusieurs jours dans la semaine. La piste d’un drive fermier est aussi à l’étude, en concertation avec la chambre d’agriculture.
Dans de plus petites communes, des demandes de dérogation sont en cours à la préfecture, pour rouvrir les marchés perçus comme un vrai service au public.
Isabelle Barry, maire de La Meyze, commune d’environ 800 habitants, attend de savoir si le marché pourra se tenir samedi.
Nous n’avons plus de commerces ; pour aller faire des courses il faut aller à Saint-Yrieix ou à Nexon. Notre marché avec nos 3 producteurs est la seule solution pour de nombreuses personnes âgées notamment, pour acheter du fromage, des oeufs, des fruits et légumes, de la volaille.
Les gens dans les petits villages sont hyper disciplinés par rapport aux mesures sanitaires. Ils sont tellement contents d’avoir leur marché, parfois la seule solution pour s’approvisionner pour eux. Et si les gestes barrière sont respectés, ce n’est pas plus dangereux que les supermarchés
Peut-être y a-t-il du bon à tirer de la situation actuelle ? Réapprendre à manger local, avec des fruits et légumes de saison. Réapprendre à se nourrir. Et faire vivre les agriculteurs près de chez soi.
Céline Boyard conclue
L'enjeu c’est à la fois de maintenir le revenu des producteurs mais aussi de faire comprendre aux gens que la relocalisation, ça a du bon. Il faudra tirer toutes les leçons d’un événement comme celui-là.
Les arrêtés de dérogations sont rendus au compte goute par les Préfectures en fonction des demandes formulées par les maires et des spécificités locales. Retrouvez sur la carte ci-dessous l'ensemble des marchés autorisés à ce jour en Limousin.