Situation désespérante pour les concessionnaires et les vendeurs automobiles indépendants de Nouvelle-Aquitaine, fermés depuis le début du confinement. Les commandes sont au point mort.
En ces temps confinés, les priorités des Français ont changé. Revenir à l’essentiel, se préoccuper de la santé des proches, privilégier les rapports humains plutôt que la société de consommation. Du coup, acheter une automobile ne s’impose pas comme une priorité du moment. De toute façon, les professionnels de la vente automobile, concessionnaires et vendeurs indépendants, ont tous baissé le rideau.
Seuls ceux qui possèdent un atelier-réparations essaient d’assurer ce service, a minima. Tous ont pris la vague de plein fouet. La fièvre acheteuse n’a pas résisté au Covid 19.
Charles Pouget est le vice-président Nouvelle-Aquitaine du CNPA (Conseil national des professionnels de l’automobile). Il baigne dans le milieu depuis 1965. Il en a connu des crises du secteur, mais jamais d’une telle ampleur.
"C’est catastrophique. La filière automobile aura du mal à s’en remettre. Les professionnels ne savent pas sur quel pied danser"
- Charles Pouget, concessionnaire à Brive-la-Gaillarde (Corrèze).
Le CNPA Nouvelle-Aquitaine pèse lourd. 1250 entreprises, toutes professions confondues, 42 000 salariés. Un sondage auprès des adhérents vient de confirmer les craintes :
- 70 % d’entre eux disent affronter des problèmes de trésorerie.
- Beaucoup ont demandé un prêt garanti par l’Etat.
- 20 % des demandes ont essuyées un refus de la part des banques.
- Le chômage partiel concerne 84 % des salariés.
- Des licenciements sont envisagés.
Plus inquiétant encore, l’après 11 mai. Bien malin qui peut deviner la réaction de la population. "Que va-t-il se passer, nous n’en savons rien. Nous aurons des stocks importants à écouler. Que vont décider les gens ? Auront-ils envie de se lâcher, de se faire plaisir après cette épreuve ?", Charles Pouget l’espère.
Galère pour les indépendants
Michel Hadjoudj est moins optimiste. A la tête de Cardinal Autos, à Brive-la-Gaillarde, cet indépendant propose à la vente toutes les marques automobiles. Il est fermé depuis le début du confinement. L’avenir, il le voit plus qu’incertain .Il y aura le traumatisme vécu par ce confinement et la crainte d’une deuxième vague de contaminations. L’achat d’un véhicule ne sera pas une priorité.
Il est en pleine réflexion sur ce qu’il va mettre en place pour la réouverture.
Bien sûr, il proposera du gel hydroalcoolique et mettra gants et masque. Il demandera aussi le port du masque à sa clientèle. Mais un problème se pose : " Lors de l’essai d’un véhicule, j’accompagne systématiquement la personne intéressée. Je vais poser des housses sur les sièges et le volant. Désinfecter systématiquement après le véhicule en question. Ce sera plus difficile de trouver un système pour garder au moins un mètre de distance entre le client et moi dans la voiture"En attendant, Michel Hadjoudj, seul à travailler dans sa structure, ne se verse plus de salaire et envisage une demande de prêt garanti par l’Etat. Son banquier en décidera.
Le numérique à la rescousse
Ce marasme, les concessionnaires importants le vivent aussi, à leur échelle. C’est le cas d’Arnaud Bacquet, directeur d’Eden auto prémium à Limoges. Contraint de fermer. Et les conséquences sont humainement fortes. "Nous avons essayé de privilégier le télétravail. Mais nous n’avons pas pu éviter le chômage partiel pour 17 de nos 30 salariés. Heureusement, l’atelier a rouvert depuis quinze jours en équipe réduite. A partir du 11 mai, il va remonter en puissance", explique le directeur.Pour la partie commerciale, à l’arrêt sur place, il y a cependant un point positif. Le site internet du garage a vu sa fréquentation augmenter très fortement : "C’est une surprise. Nous avons presque compensé les visites physiques. Et vendu plusieurs véhicules", se félicite Arnaud Bacquet.
Des relations numériques qui vont être importantes pour un déconfinement sanitairement réussi. "Nous allons redémarrer progressivement, pour pouvoir assurer la santé de tous. Au début, pas question d’ouvrir les portes à tout le monde. L’accueil des clients ne se fera que sur rendez-vous. Par internet et au téléphone. Sur place, tout sera systématiquement désinfecté après chaque visite."
Mais tout n’est pas rose. Le concessionnaire ne voit pas le marché reprendre comme avant. En tout cas pas avant plusieurs mois au mieux.
Une projection commune à tous les professionnels de l’automobile. Cette crise est profonde, dramatique. Economiquement. Mais aussi humainement. Elle marquera à jamais l’esprit de plusieurs générations.