Victime de Stellantis, un distributeur d'automobiles indépendant se retrouve avec des encombrantes voitures électriques chinoises, stockées dans une jardinerie

Depuis plusieurs mois des dizaines de voitures électriques chinoises sont stockées dans différents recoins d'une commune près d'Albi (Tarn). Les Leapmotor T03 sont les témoins silencieux de l'ambition commerciale avortée, d'un distributeur indépendant, victime de Stellantis.

La commune de Lescure d'Albigeois (Tarn), près d'Albi, a un marché de plein air qui draine des clients et une église du XIIIe siècle qui attire l'œil. Mais, depuis plusieurs mois, elle se démarque grâce à une autre particularité : le stockage de voitures électriques chinoises.

Des dizaines de véhicules sont parquées dans plusieurs coins et recoins du territoire communal. Il ne s'agit pas d'un show room à ciel ou de voitures en attente de livraison. Ce stockage concerne des automobiles importées par un distributeur local dont l'un des modèles la Leapmotor T03 est devenue invendable, suite à la signature d'un partenariat de cette marque du constructeur chinois avec le géant Stellantis.

Des voitures invendues et surtout invendables ?

Fin 2021, une des plus importantes entreprises de Lescure d'Albigeois se lance dans l'importation de ces véhicules électriques venus de Chine. SN Diffusion – EVE dont le PDG, Didier Sirgue, est une figure de l'économie régionale, signe un contrat pour des petites citadines électriques, la T03.

L'entrepreneur pense faire un joli coup. Il investit 2 millions d'euros pour devenir le seul importateur en Europe de la marque Leapmotor. Sauf que l'affaire vire au dérapage incontrôlé. Comme le dit, un de ses concurrents toulousains, "il a joué et il a perdu".

SN Diffusion - EVE achète un stock de 1000 véhicules. Fin 2023, Stellantis flairant le bon coup signe un partenariat avec Leapmotor, en rachetant 21% de la marque chinoise, devenant de facto son revendeur à l’international. Conséquence directe : SN diffusion se fait évincer de la distribution de la marque.

"Une douche froide" comme le rapporte Didier Sirgue dans un communiqué. Ses mails adressés au constructeur chinois afin d'obtenir des explications demeurent selon lui "sans réponse". Jusqu'au 1er mai 2024 : "Côté chinois, un courrier finit par arriver entre les mains du patron de SN/EVE, ainsi il apprend de façon abrupte et sans préavis que son contrat est résilié à effet immédiat" comme le raconte l'importateur indépendant sur les réseaux.

 Le PDG de SN Diffusion, Didier Sirgue, saisi la justice et estime que le stock invendu doit être récupéré par l'exportateur chinois. Dans les faits, des dizaines de véhicules électriques sont immobilisées pour une durée indéfinie. L'homme d'affaires tarnais (contacté par la rédaction web de France 3 Occitanie mais n'a pas pu nous apporter plus de précisions) se retrouve avec 100 voitures invendues.

Selon nos informations, plusieurs sites sont ainsi mis à contribution comme dans cette ancienne jardinerie.

Ce stockage n'est pas "sauvage". Mais il suscite des inquiétudes du côté de la mairie. Car, à la différence de grands crus dont raffolent d'ailleurs les Chinois, les véhicules vieillissent mal. Les voitures électriques peuvent être entreposées n'importe où. La principale réserve concerne l'état des batteries. Pour espérer reprendre la route, il suffit de respecter le niveau de charge (entre 20 et 50% selon les modèles et la durée de l'immobilisation) et les conditions de températures adéquates. 

Ces voitures vont-elles être stockées durant encore une longue période ? Leurs batteries peuvent-elles être réutilisables ou vont-elles se dégrader ? Que vont devenir ces véhicules ? 

À lire : Circuit d'Albi : l'ex-délégataire DS Events convoqué par le parquet pour une mesure alternative aux poursuites

Sollicitée, la première magistrate de la commune de 4 589 habitants, Elisabeth Claverie n'a pas souhaité réagir. La gêne est palpable. Mais des élus locaux, sous couvert d'anonymat, ne cachent pas leur agacement de voir ces voitures entreposées sur la commune le temps connaître leur sort. Mais difficile de s'exprimer publiquement lorsque l'entreprise concernée par ces interrogations est le principal employeur de la commune.