A quelques jours du déconfinement annoncé pour le 11 mai, nous avons recueilli les impressions des six députés limousins (cinq LREM et une LR) sur cette période inédite : entre gestion de crise très critiquée, combats personnels et questions sur l'avenir.
Une situation politique inédite
Le confinement a naturellement ramené Jean-Baptiste Moreau dans son exploitation de bovins à Aulon. "J'y consacre un tiers de mon temps, dit-il. Durant le reste, je poursuis mon activité de député avec un peu de visio, beaucoup de mails et de coups de fil, et puis en tant que député j'ai une liberté de mouvement quasi-totale, donc c'est naturellement que j'ai commencé à faire des livraisons de visières.Avec mon suppléant Vincent Turpinat, nous avons acheté sur nos deniers perso, 4 imprimantes 3D et fabriqué près de 2 000 visières. Aujourd'hui, on manque d'élastiques mais j'ai pu livrer des associations d'aides à domicile, des professionnels de santé...
"Je range, mon mari jardine : on est mariés depuis 30 ans, alors ça roule, explique Frédérique Meunier, députée LR de Corrèze. Mais l'échange direct, le contact, ça me manque".
Tous se sont évidemment mis au télétravail, un "vrai marathon de visioconférences" pour Sophie Beaudouin-Hubière, députée LREM de Haute-Vienne, qui siège à distance à la commission des affaires économiques tout en continuant à venir à sa permanence durant la semaine.
De son côté, Marie-Ange Magne alterne entre les mails, les réunions téléphoniques et l'école à la maison avec des jumeaux en CE1. "J'ai envoyé des questionnaires aux entreprises de ma circonscription pour connaître leurs besoins, leurs difficultés, précise-t-elle, 300 m'ont répondu, j'ai pu faire remonter les infos".
"J'ai un confinement très scrupuleux, nous raconte le haut-viennois Pierre Venteau, député LREM depuis septembre 2019 suite à la nomination de Jean-Baptiste Djebbari au gouvernement. Je me suis seulement rendu à ma permanence et j'ai rendu visite aux militaires de l'opération Résilience".
J'ai participé aujourd'hui à une visio-conférence avec @MFesneau et mes collègues de la majorité de l'ancienne région du #Limousin.
— Jean Baptiste Moreau (@moreaujb23) April 17, 2020
??️Nous avons échangé sur la gestion de la crise #COVID19 sur nos #territoires et fait remonté les attentes des habitants de nos départements. pic.twitter.com/0y6ZZRdNLd
Une gestion de crise discutable
Je pense qu'on s'y prend mal quand on commence par déconfiner les écoles, nous dit tout de go Christophe Jerretie, député LREM de Corrèze et ancien maire de Naves désormais conseiller municipal. Selon moi, le retour aurait dû se faire fin mai, après les ponts, et être obligatoire. Je crains vraiment qu'on ait une recrudescence de cas d'ici 10 à 15 jours.
Comme Marie-Ange Magne, Jean-Baptiste Moreau scolarisera ses enfants. "Ma fille est déjà dans une classe unique, explique-t-il, ils ne sont que 11 en temps normal".
Sur la gestion de cette crise, "je ne disconviendrai pas qu'il y ait eu des maladresses, mais n'est-ce pas inhérent à cette situation inédite, inconnue, dans laquelle on apprend tous les jours ?" justifie Sophie Beaudouin-Hubière. Marie-Ange Magne et Pierre Venteau reconnaissent eux aussi quelques "maladresses de communication", sans plus.
Notre rôle a été de légiférer dans l'urgence, abonde Marie-Ange Magne : après, il faudra une évaluation, une remise en question. On n'était pas préparés et il faudra en tirer les conclusions.
"On nous a pris pour des imbéciles ! s'emporte Frédérique Meunier. Sibeth Ndiaye qui nous dit qu'elle ne sait pas mettre un masque, et deux semaines plus tard, c'est tout le contraire... Ce n'est pas sérieux.
Autre sujet de discorde : le maintien des élections municipales. Pour Christophe Jerretie, "si le conseil contitutionnel est saisi, il fait tomber tout le scrutin, affirme-t-il. Il n 'y a plus d'unité territoriale, et un vrai problème de légitimité. Le pire, c'est qu'on demande aux anciens élus de gérer. Quand les nouveaux arriveront, ce sera une catastrophe, explique celui dont la liste est arrivée en 2e position dans sa ville de Naves, et je ne parle pas des intercommunalités !"
Je clame depuis des jours l’arrêt du processus électoral qui n’a plus de fondement ni juridique, ni démocratique et encore moins sanitaire. @diradefo @Bas_scordia @chavrier2023 @MargauxDuguet @MBeAllaire @boucherbrigit @guillaume_gui @Elysee @Matignon
— Christophe Jerretie (@cjerretie) March 18, 2020
Des combats à mener
"J'aurai beaucoup à faire en tant que rapporteure spéciale à la commission des finances sur les médias, la culture, l'édition, des secteurs particulièrement touchés par la crise, précise Marie-Ange Magne, ce à quoi je vais m'employer fin mai-début juin, avec un certain nombre d'auditions".
De son côté, Pierre Venteau, membre de la commission de la défense réfléchit déjà à l'"après" et au rôle que pourrait jouer l'armée dans une société future. "On l'a vu à Mulhouse et ailleurs, nos militaires ont d'excellentes compétences en logistique, en sanitaire. Nous pourrions davantage faire appel à eux".
Parlementaires @enmarchefr
— Sophie Beaudouin-H. (@BeaudouinSo) May 3, 2020
"Nous proposerons une adaptation de la légilation pour protéger les #maires & toutes les personnes dépositaires d'une mission de #ServicePublic dans le cadre des opérations de #Deconfinement "
Notre tribune ? https://t.co/SJrv3JfjGM via @lejdd
Pierre Venteau et Sophie Beaudouin-Hubière sont tous deux signataires d'une tribune parue le 2 mai 2020 dans le JDD réclamant une meilleure protection juridique pour les maires. Une façon d'afficher un soutien aux élus locaux, inquiets de la réouverture des écoles. "Nous souhaitons par ce texte réaffirmer les principes de la loi Fauchon (qui tend à préciser la définition des délits non intentionnels) explique la députée de Haute-Vienne".
La responsabilité des maires, une question épineuse qui a créé de vives tensions au Sénat après que Philippe Bas, président (LR) de la Commission des lois, a proposé un amendement qui prévoit que la responsabilité pénale des maires "ne pourra pas être engagée sauf en cas de faute intentionnelle, de faute par imprudence ou négligence ou de violation délibérée de mesures prises sur le fondement de l'état d'urgence sanitaire ou prévues par la loi ou le règlement".
C'est depuis ma ferme en #Creuse que je lance un cri d'alerte:notre agriculture ?? est en danger!
— Jean Baptiste Moreau (@moreaujb23) April 19, 2020
Cela menace notre souveraineté alimentaire en France et en #Europe. Il est urgent de se reposer la question de l’intervention publique.
Tribune complète?https://t.co/pylaWSIryH pic.twitter.com/ff5Uieb5qI
Pour Jean-Baptiste Moreau, le combat principal reste l'agriculture. "Très inquiet", il constate que les prix n'ont jamais été aussi bas alors qu'il n'y a pas d'importation de viande ! "La grande distribution doit faire des marges car elle ne vend que des produits alimentaires. Les supermarchés, les grossistes, jouent un jeu dangereux, il faut que la profession se structure, qu'elle pèse avec une vraie souveraineté. J'y travaille avec mon collègue André Chassaigne, député PCF du Puy-de-Dôme.
Des interrogations sur l'avenir
"Il y a beaucoup d'inquiétude chez les corréziens que je croise, et une vraie colère explique Frédérique Meunier. J'ai eu des maires au téléphone, ils sont très remontés quand ils reçoivent un protocole sanitaire de 53 pages dont certains principes sont inapplicables"."On nous donne des instructions, disent-certains maires, et on ne nous fait pas confiance".
J'ai de grosses craintes sur une contestation sociale énorme confirme Christophe Jerretie, je suis très inquiet. Je pense qu'un quart des entreprises ne se relèvera pas, qu'il nous faudra emprunter encore car il n'y a pas d'argent. Les risques d'explosion au niveau de l'Europe sont également très forts.
Une vraie inquiétude mais pas de colère, tempère le creusois Jean-Baptiste Moreau : "Tout le monde a conscience qu'on a de la chance d'être en France, que chacun fait au mieux. Après, il faudra des enquêtes pour voir ce qui a fonctionné ou pas. Les ARS (Agences Régionales de Santé), par exemple, avaient un sens dans les anciennes régions. Aujourd'hui, je dirais qu'elles parasitent plus qu'elles n'aident l'activité..."
Enfin, le télétravail, "est une vraie réflexion que nous devrons avoir pour demain", assure Frédérique Meunier. Pourquoi pas un, voire 2 jours par semaine, quand c'est possible". Convaincue elle aussi, Marie-Ange Magne souhaite par exemple "poursuivre le vote à distance".