Depuis le début de l’épidémie, et plus encore avec les annonces du Premier Ministre du 23 mars, les petits producteurs limousins sont en difficulté. Ils tentent de renouer le lien avec des consommateurs toujours en demande.
Les petits producteurs déjà en difficulté
Il va falloir trouver des solutions sinon je vais devoir jeter mes produits qui vont se périmer. Voilà où on en est !
Olivier Thouret est producteur de fromages de chèvre à Soubrebost dans la Creuse. Il craint bien sûr les conséquences de l’annulation des marchés, même si de possibles dérogations ont été annoncées.
Nous avons entamé une réflexion pour restaurer le lien avec les consommateurs. L’idée serait de faire des points de livraison. Si on ne trouve pas de stratégie et si on ne se parle pas avec de la bonne volonté, les circuits courts sont dans une impasse.
Eymoutiers, Bourganeuf, Felletin, Saint-Léonard-de-Noblat : autant de marchés limousins fermés avant même les annonces du Premier Ministre du 23 mars, à cause de la désinvolture constatée de certains consommateurs, et à la crainte des maires d’en faire des foyers de propagation du virus.
Je ne les incrimine pas, c’est très dur de faire respecter les consignes. Même nous en tant que producteurs, on doit faire la police. En fait, les gens ne prennent conscience du risque que quand quelqu’un qu’ils connaissent contracte la maladie.
Tout cela ne fait évidemment pas l’affaire des petits producteurs locaux dont certains étaient déjà fortement touchés par l’annulation des commandes liée à la fermeture des établissements scolaires.
Les circuits courts sont donc en crise !
Un problème ? Des solutions !
Des solutions sont développées dans toute la région pour faire face à la situation, et ne pas perdre ceux qui font la richesse de nos territoires.
La chambre d’agriculture de la Corrèze a ainsi décidé de les mettre en avant sur son site internet. Une carte va prochainement être publiée, regroupant les 140 adhérents au réseau « Bienvenu à la ferme », avec leurs contacts. Chaque consommateur pourra donc prendre connaissance des produits en vente près de chez lui.
Dans ce contexte, le drive fermier de la chambre d’agriculture de Corrèze tire son épingle du jeu. Il va recevoir un renfort en personnel et en logistique car il est victime de son succès : 2 fois plus de commandes le vendredi 20 mars ; 90 commandes prévues et 60 livraisons à domicile pour samedi prochain. Pour s’adapter il s’est mis, lui aussi, à la livraison à domicile.
En Creuse, après avoir mûrement réfléchi, Claire Boubet, du domaine du Tumulus à Bonnat, et qui vendait l’essentiel de sa production de yaourts aux établissements scolaires, a décidé de miser sur les tournées.
Mais pas toute seule !
La quinzaine de producteurs du magasin de Gouzon « Au pré creusois » a décidé de s'associer à la démarche. Des tournées, avec achat d'un petit camion frigorifique, avaient bien été envisagées dès leurs débuts, mais le temps avait alors manqué pour les mettre en place.... Le Coronavirus les a poussés à passer la seconde ! Ils sont donc en train de donner un dernier coup de collier pour mettre en ligne un site internet sur lequel les consommateurs pourront passer commande. Ils livreront ensuite à domicile, en respectant les consignes renforcées transmises par la chambre d’agriculture.
Ça fonctionne comme un drive. Sauf que nous nous déplaçons !
Ainsi, Claire Boubet a donc enfin trouvé une solution pour écouler ses 300 yaourts. Ajoutez vin, miel, légumes, volailles, huile, farine, l’éventail des productions est conséquent. Ne reste qu’à définir le rayon maximum des interventions.
Une inquiétude persiste : celle des récoltes !
Écouler ses productions c'est bien, mais avant, il faut produire, ou récolter ! Et c'est une réelle inquiétude à moyen terme.
Comme pour Yoann, alias le père Magotte. Installé à Bussière-Dunoise en Creuse, il est semencier, c'est-à-dire qu’il multiplie les graines pour les revendre.
Les produits que l’on achète dans l’agriculture risquent vraiment de manquer dans les mois à venir, il ne va plus y avoir de main d’œuvre pour assurer les récoltes.
De plus, les saisonniers risquent d’être confinés. Et il va falloir m’expliquer comment faire bosser 15 à 20 personnes dans des serres où l’air chaud ne se renouvelle pas.
Et puis il y a le cas de l’Espagne, qui assure la production d’un énorme pourcentage de fruits et légumes vendus en France, et qui se cloisonne.
Les tomates achetées 1 euro 20 le kilo seront peut-être à 3 ou 4 euros dans quelques semaines...
Yoann s’est donc lancé depuis ce lundi 23 mars dans le tournage de vidéos « tutos », pour faire soi-même son jardin, qu’il poste sur les réseaux sociaux.
En ce moment, il parait qu'il faut semer les carottes, les salades et les petits pois !La vente de graines par correspondance est toujours possible, alors il ne faut pas hésiter. N’importe quel petit bout de jardin peut servir !
La bonne nouvelle dans la mauvaise nouvelle, c’est que les gens commencent à prendre conscience qu’il faut revenir à la terre, aux choses simples.
Même constat pour Luc Pichot. Ce jeune boulanger itinérant de Mourioux-Vieilleville, toujours en Creuse, installé depuis un peu plus d’un an, peinait à lancer ses tournées dans les petits villages où il n’y a plus de commerce. Mais depuis le début du confinement, ses ventes explosent : + 35% !
Je vois des personnes qui ne venaient pas avant. Les gens remettent le pain au centre de leur alimentation. On était dans une société de constante mobilité, et là, les gens redécouvrent l’immobilisme et l’intérêt pour eux d’avoir un boulanger qui passe.
C’est important de proposer ça à la ruralité où il n’y avait tellement plus rien. Pour moi, en ce moment c’est mission accomplie !