C'est une affaire et un procès qui ont marqué la France : octobre 2013, à Brignac-la-Plaine en Corrèze, une petite fille d'à peine deux ans est retrouvée rachitique, nue et sale dans le coffre de la voiture de sa mère. Isabelle Faure-Roche se souvient. Témoignage.
Un air posé, une voix calme, un regard franc : c'est ainsi, comme à son habitude, qu'Isabelle Faure-Roche, témoigne aujourd'hui. Voilà quatre ans, elle a défendu les intérêts de Séréna, en tant qu'avocate du conseil départemental devant les Assises de Brive.
L'histoire de cette petite fille, âgée aujourd'hui de 12 ans, a marqué les esprits, bien au-delà de Brignac-la-Plaine (Corrèze) où habitaient ses parents et leurs trois enfants.
Dix ans après, les images sont toujours aussi glaçantes
Isabelle Faure-Rocheavocate du conseil départemental de Corrèze
Le 25 octobre 2013, Rosa Maria Da Cruz se rend au garage « Étape Auto » situé en périphérie de Terrasson-Lavilledieu, en Dordogne.
C'est là que les mécaniciens font une terrible découverte dans le coffre : une fillette âgée de 23 mois gémit. Elle est nue et baigne dans ses excréments, la tête bloquée contre les sièges arrière.
Le garagiste prévient les secours, la mère est placée en garde à vue et le père est arrêté. La petite fille est hospitalisée au CHU de Brive, son état révèle "d’importantes carences ".
Son âge est tout d’abord estimé à un an. En réalité, elle est née le 24 novembre 2011.
S'ensuivent de longues années d'enquête avant l'ouverture du procès aux assises le 12 novembre 2018. On y voit Isabelle Faure-Roche témoigner sur les lourdes séquelles constatées sur la petite Sérena.
"C'était la première réaction à chaud, on s'est battu. Aujourd'hui, l'enfant présente des séquelles irrémédiables liées à cette horreur des deux premières années de sa vie (...) Je me rappelle des résultats d'analyses : son couffin était plein de larves, de merde et de pisse. Elle vivait au milieu des immondices", raconte l'avocate aujourd'hui, avec un rictus de dégoût. Des mots crus qui disent l'effroi ressenti par Isabelle Faure-Roche en découvrant l'affaire.
Le déni de grossesse en débat
Le 16 octobre 2019, la mère biologique de Séréna, Rosa Maria Da Cruz est condamnée à cinq ans de prison ferme.
Son avocate avait plaidé la relaxe en mettant en avant une pathologie à l'époque peu abordée : le déni de grossesse. Le procès a permis de mettre en avant un phénomène encore trop méconnu, le fait d'être enceinte sans en avoir conscience.
Pourtant, 10 000 grossesses par an sont concernées. "Le déni de grossesse, c'est un élément sur lequel les psychiatres se penchent depuis quelques années, notamment au cours des procès", constate l'avocate. L'idée étant de savoir si le déni de grossesse peut être une cause d'irresponsabilité pénale.
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En face, pour le cas de la mère de Séréna, les avocats des parties civiles n'ont jamais cru à cette thèse. "Elle n'a pas été sévèrement condamnée, car il est apparu qu'elle pouvait avoir souffert de troubles qui ne lui permettaient pas de concevoir qu'elle était enceinte, commente, quatre ans après, l'avocate. Mais c'est à tort qu'on lui a appliqué. Elle a accouché en bas de sa maison et a nourri le bébé avec des biberons. Mal, mais elle l'a fait, donc a minima pour moi ce n'était pas un déni de grossesse".
Sa mère est sortie de prison, son père est décédé, et son grand frère est toujours son tuteur. Séréna, elle, a toujours de sévères séquelles.
La mère a repris sa vie normale. Séréna, elle n'aura jamais une vie normale
Isabelle Faure-RocheAvocate du conseil départemental de Corrèze
Une survivante
Protégée, mise à l'abri des regards, Séréna a 12 ans aujourd'hui. Les dernières nouvelles qu'a eues l'avocate datent d'il y a plusieurs mois. "Elle vit toujours dans la même famille d'accueil qui l'a beaucoup aidée."
Bientôt, une nouvelle expertise devrait avoir lieu pour statuer sur l'indemnisation que devrait recevoir Séréna.
Pour Isabelle Faure-Roche, Séréna est avant tout une "survivante". Les mots de sa plaidoirie retentissent encore dans les murs de la Cour d'assises de Brive. "Il faut bien garder dans votre tête que demain, à ses 18 ans, elle sera toujours handicapée, mais plus prise en charge par l'aide sociale à l'enfance", a rappelé aux jurés Isabelle Faure-Roche. Alors, "elle devient quoi, Séréna ? Elle vit avec son enfer. Ce qui lui reste, c'est quoi, c'est de marcher, de sentir le soleil ? Mais pas de bruit, pas de gens, pas de mouvement."