Le résistant et photographe Adolfo Kaminsky est décédé lundi 9 janvier 2023 à Paris. À Brive-la-Gaillarde, le musée d’histoire Edmond Michelet lui rend hommage. Son travail de photographe et ce qu’il reste de son passé de résistant sont à découvrir jusqu’au 27 mai 2023.
Héros de la seconde guerre et photographe, Adolfo Kaminsky s’est éteint à Paris à l’âge de 97 ans, ce lundi 9 janvier 2023. Parce que son histoire et son œuvre artistique méritent d’être largement éclairé, le musée Edmond Michelet à Brive lui dédie une exposition. 70 clichés et des restes de son activisme sont présentés. Intitulée "Adolfo Kaminsky, faussaire et photographe", l’exposition a été conçue par le musée d'art et d'histoire du Judaïsme de Paris et mise en scène par Lucie Boyer.
C’est Thierry Pradel, directeur du musée Edmond Michelet de Brive qui l’a fait venir, souhaitant faire découvrir cet homme au destin hors norme. "Ce musée est un lieu de transmission. L’idée, c'était de transmettre la connaissance au public de ce personnage qui a sauvé des milliers de personnes. Puis, de faire connaitre ses photos qui sont de véritables archives d’un Paris oublié des années 50, 60, 70."
Son activité de faussaire
Fils d'immigrés russes juifs, né à Buenos Aires, il arrive en France en 1932. Il commence à travailler dans l’imprimerie, la teinturerie, puis comme assistant d’un ingénieur chimiste. Mais sa famille et lui sont arrêtés en 1943, envoyés au camp de Drancy puis libérés in extrémis grâce à leurs passeports argentins. Âgé de 17 ans, il décide de rentrer en résistance. Un groupe fait appel à lui pour ses compétences en décoloration des encres.
Adolfo a une expertise. Il transforme les méthodes de fabrication de faux papiers pour aider les juifs à se sauver et notamment les enfants juifs. Après, il expliquera aux autres faussaires comment faire. Ce qui a permis de sauver beaucoup, beaucoup de monde.
Sarah Kaminsky, fille d’Adolfo Kaminsky et auteure de "Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire"
Après la guerre, ce maître faussaire ne s’arrête pas là. Il continue cette activité gratuitement pour toutes les causes qui lui paraissent justes. Pour les rescapés de la Shoah voulant émigrer vers la Palestine, alors sous occupation anglaise, pour les réseaux de libération de Guinée-Bissau, d’Angola, pour le Congrès national africain de Nelson Mandela, en lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Il passe sa vie à fabriquer des faux papiers pour les combattants des dictatures (du Brésil à l’Argentine, en passant par Haïti).
Une passion et un métier : la photographie
Pour les faux papiers, Adolfo Kaminsky a toujours refusé d’être payé. Alors, il exerce le métier de photographe. La discipline devient surtout une passion qui démarre après la libération. La nuit, il capture les rues de Paris, le jour, il immortalise les gens et les métiers manuels.
Il fait des photos dans Paris avec un regard sur la ville mélancolique. Ce qu’il veut raconter, ce sont ces années de guerre même plusieurs années plus tard. Dans ses clichés, les gens paraissent seuls… c’est son chagrin qui transparaît. Il porte aussi un grand intérêt aux petits métiers, aux choses de la fabrication… dans ses photos, on voit beaucoup de gens en train de fabriquer des choses comme lui le faisait minutieusement pendant la guerre.
Sarah Kaminsky, fille d’Adolfo Kaminsky et auteure de "Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire"
Pour protéger sa famille, il a longtemps caché ses talents de faussaire et de photographe. Il ne tirait donc jamais ses photos. Ce n’est que tardivement que ses enfants découvrent son œuvre. En découvrant ses photos, Sarah raconte "c’était clair. Ça ne pouvait être que lui. Je l’ai tout de suite reconnu. Mon père [était] jovial dans la vie et pourtant il [portait] une mélancolie en lui qui ne se [voyait] pas de suite, mais qu’on [connaissait]."
Le musée d’art et d’histoire Edmond Michelet de Brive présente cette exposition jusqu’au 23 avril 2023.