Une ancienne directrice des ressources humaines de Vinci autoroutes a été condamnée à six mois de prison avec sursis devant le tribunal correctionnel de Brive pour avoir fiché 245 salariés. Une peine incompréhensible pour les victimes, privées de débat pendant l'audience.
« Fainéant, emmerdeur, colérique » : des propos injurieux pour qualifier des salariés, découverts dans un fichier Excel, tenu par une ancienne directrice des ressources humaines (DRH) de Vinci autoroutes, basée à Ussac en Corrèze. Pour certains, l'appartenance syndicale ou religieuse est même mentionnée. L'affaire avait été révélée en 2020 par Médiapart et avait provoqué la stupeur au sein du personnel.
Trois ans plus tard, ce lundi 2 octobre, la prévenue a été condamnée devant le tribunal de Brive à six mois de prison avec sursis pour avoir fiché 245 salariés, selon La Montagne. Pas d'inscription non plus sur son casier judiciaire. Une peine incompréhensible pour les victimes.
Absence de débat, des questions laissées en suspens
À la barre, la prévenue a déclaré « avoir honte d'avoir pu prendre ce genre de notes. » Une vingtaine d'entre eux étaient présents ce lundi matin pour entendre les explications de leur ancienne DRH. Malheureusement pour eux, l'affaire a été traitée par le biais d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Une peine a ainsi été proposée à la prévenue, qui l'a acceptée, avant d'être homologuée publiquement par la juge. Une sorte de plaider coupable à la française qui ne laisse pas la place au débat. Beaucoup de questions restent en suspens pour les victimes.
« La première question importante pour tout le monde, c'est : qui a eu l'initiative ? Nous n'avons toujours pas d'explications véritables. L'initiative écrite, elle dit que c'est elle [la prévenue, NDLR], elle le revendique. L'initiative réelle, chacun se dit que cela ne vient pas d'elle, qu'elle était arrivée depuis trop peu de temps. Dans ce fichier Excel, il y avait d'ailleurs des particularités sur la vie professionnelle des salariés qui n'étaient plus valables au moment où elle a pris ses fonctions », argumente l'avocate des victimes, Maître Isabelle Faure-Roche.
Qui est vraiment à l'initiative de ce fichage ?
Pour le délégué syndical régional Solidaire unitaire démocratique (SUD), Serge Perrier, « c'est la double peine. On a été humilié une première fois et, aujourd'hui, une deuxième fois. La procédure en CRPC est inadaptée, car elle nous prive de débat. On aurait voulu savoir où elle avait obtenu tous ces renseignements, car 90% des salariés ne l'ont jamais vue. Et pourquoi tenir un fichier comme ça ? On reste sur notre faim. »
Pour la plupart d'entre eux, comme Sébastien Chauzeix, salarié depuis vingt-cinq ans, il est impossible que l'ancienne DRH soit la seule à être impliquée dans cette affaire. « Je pense qu'il y a un capitaine et un équipage qui a permis d'obtenir autant d'informations sur les salariés, dont moi. Il manque des éléments dans l'enquête, ce n'est pas possible autrement. C'est une grosse déception », affirme-t-il.
La présidente a assuré qu'aucun élément probant ne permettait d'établir un lien avec l'entreprise.
Une audience est programmée le 8 janvier 2024 pour déterminer les dommages civils, selon La Montagne.