Ce 10 novembre démarre la 41ᵉ édition de La Foire du livre de Brive et le train dit du cholestérol s’est élancé de Paris direction la cité gaillarde. À son bord, des auteurs, des acteurs qui écrivent, des journalistes, des critiques littéraires ou encore des éditeurs venus en masse pour ce grand rendez-vous littéraire en terre corrézienne.
« Comme ça, à vue d’œil, je reconnais du foie gras, des petits magrets de canards, la couenne de porc, du veau, là une sorte de tarte tatin, une salade de mâche. Un petit Rocamadour, du vin qui m’a l’air formidable, et du pain qui m’a l’air fait maison. C’est appétissant », détaille l’acteur Bruno Solo, auteur du voyageur d’Histoire (ed. du Rocher). L’une des particularités de ce train, c’est qu’on y mange bien avant de filer vers la capitale corrézienne pour ce rendez-vous important de l’automne.
« Moi qui ai connu les débuts de la Foire du livre de Brive, il y a toujours eu cette tradition. On est déjà à Brive dans le train, parce que dans l’assiette, c'est la Corrèze qui vient à nous. Ça a toujours été la signature, le premier contact avant d’arriver sur place avec l’esprit de Brive, et ça, c'est irremplaçable et dieu merci, ça n’a pas changé », se souvient Didier Van Cauwelaert.
« Moi, je suis végétarien »
« Moi, je suis végétarien », embraye Jean-Baptiste Andréa, tout fraîchement couronné par le prix Goncourt. « Je suis en terrain conquis. J’essaie de diminuer l’empreinte carbone. Je suis vachement content, on s’est moqué de moi, parce que j’étais végétarien, en me disant dans ce train ce n’est pas possible de l’être, donc je suis très content d’avoir un plateau végétarien. Et je pense que le voyage du XXIᵉ siècle est bas en carbone, même si parfois, je dois prendre l’avion. Ça arrive. Mais je suis végétarien », conclut-il dans un sourire.
Deux rangées plus loin, un verre de blanc à la main, Amélie Nothomb n’écorne pas son image de bonne vivante. Est-ce que le voyage du XXIᵉ siècle a intérêt à être bas-carbone ? « Bien sûr que le voyage du XXIᵉ siècle a intérêt à être bas-carbone. En plus, avec des produits locaux, rien que du bio, n’en doutons pas, je trouve que le train des écrivains, baptisé bien à tort le train du cholestérol, c’est le transport de l’avenir ! ».
À deux wagons de là, est assis le romancier Alain Mabanckou (prix Renaudot 2006) dévore la presse locale, quand on poursuit plus loin, l'éditeur Olivier Cohen est en pleine conversation avec Florence Aubenas, présidente de l’édition 2023 du rendez-vous littéraire briviste.
Présente également, la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak très en verve sur la place du livre, durant la route de Brive. "On a besoin de ces moments un peu catalyseurs qui fédèrent tout le monde et qui donne envie de lire, parce qu’à Brive, on va rencontrer les auteurs, on va écouter des lectures, des conférences, assister à des signatures" .
Nouveauté de la programmation de cette édition, la poésie à l’honneur
« À Brive, il y a des rencontres avec des jeunes partout dans la ville qui lisent de la poésie. Ça donnera envie d’acheter de la poésie derrière chez son libraire », parie la ministre. « Ces évènements-là, ils sont extrêmement importants pour la vitalité de la littérature dans notre pays. Et nous, avec le Centre national du livre financé par le ministère de la Culture, on est au côté de toutes ces manifestations littéraires. On a augmenté le budget du Centre national du livre pour l’année 2024, donc pour moi la lecture, c’est vraiment ma priorité la plus absolue et on continuera de mettre les moyens pour porter cet amour de la littérature partout sur le territoire ».
Déplacement zéro carbone
Le voyage vers cette 41ᵉ édition cette année est labellisé « zéro carbone », en opposition avec l’époque où le déplacement s’effectuait en avion, au moment du Covid par exemple, où il n’était pas possible de mettre tous les invités dans un train, c’est important de se déplacer de façon écologique.
« Le train est logiquement plus écologique, il y a aussi quelque chose de plus agréable, de prendre le temps, avec cette lenteur. Prendre le temps de lire, de voir à chaque wagon, des personnes avec des livres, prendre le temps d’échanger, de se rencontrer. On le fait beaucoup moins facilement en avion. On peut moins facilement se déplacer, alors que dans le train, c’est plus agréable. Prendre le train de la Foire du livre, c’est un bonheur », sourit la ministre.
Le prix du papier détourne les clients des librairies
Ombre au tableau de ce rendez-vous littéraire, la flambée du prix du papier qui fait tousser les acteurs du secteur du livre, à commencer par les éditeurs. Ils voient leur chiffre d'affaires fondre comme neige au soleil, même si tous les types de littérature ne sont pas concernés. Quelle réponse apporter aux syndicats d’éditeurs qui cherchent des solutions pour lutter contre l’augmentation du prix du papier et la baisse des ventes ? À la question, la ministre de la Culture fait une réponse politique : « C’est sûr qu’il y a une inflation du coût du papier et donc pour les Français qui ont des difficultés financières, ce n’est pas évident dans ce contexte-là de pouvoir acheter un livre si les prix augmentent, mais pour ces Français-là, moi, je rappelle qu’il existe les bibliothèques, qui sont un lieu magique en France ».
La France en compte 16.000 entre les bibliothèques et les points de lecture. « Nous, on a développé un plan bibliothèque depuis cinq ans, avec l’extension de leurs horaires d’ouverture. Le déclenchement des animations, des activités à l’intérieur. Le renforcement des acquisitions de livres. Donc, on trouve aussi les nouveautés en bibliothèque. On trouve énormément d’animation pour tous les âges », réaffirme-t-elle. « J’incite aussi à investir les bibliothèques davantage. On sent qu’il y a un fléchissement un peu de l’inscription en bibliothèque et on a remobilisé à la rentrée avec une campagne de communication pour donner envie aux Français de s’inscrire en bibliothèque. C’est souvent gratuit, ou alors très peu cher, c’est près de chez eux. Ils auront accès à tous les livres. Et bien sûr, il faut aussi agir pour qu’à tous les maillons de la chaîne, le livre reste accessible » insiste Rima Abdul Malak.
Engouement pour le livre de poche
« J’ai été récemment au festival du livre de poche, Le livre de poche, par exemple, est extrêmement important. Ça permet d’attendre un peu avant d’acheter un livre. Et de pouvoir se le procurer moins cher qu’à sa sortie. Tous ces dispositifs existent. La fixation du prix unique du livre a été déterminante pour la pérennité de ce secteur », rappelle-t-elle.
Reste à savoir si les ventes seront au rendez-vous durant ces trois jours de fête de la littérature dans la capitale corrézienne.