Ce 9 avril sonne la découverte des cuvées 2024 des vins de Branceilles (Corrèze) produits par le domaine des 1 001 Pierres. Depuis dix ans, les viticulteurs corréziens observent la montée en puissance de leurs vins rouges, ainsi que des vendanges toujours plus anticipées sur les blancs.
Il possède des notes de pêche blanche, de poire. "Ce qui est super, c'est l'équilibre entre l'acidité, le fruit et ce côté pierre à fusil, végétal," se réjouit Philippe Leymat, portant un verre de vin blanc de Corrèze aux lèvres. Le président de la cave des 1 001 Pierres organise, ce 9 avril, la traditionnelle dégustation du cru annuel à Branceilles, chef-lieu du vin corrézien situé aux portes du Quercy.
"On a vendangé assez tôt : comme on est une petite structure, on peut vendanger très tôt le matin avant les grosses charges de la journée, donc on rentre de la vendange fraîche. Ce qui fait qu'on a des très bonnes récoltes 2023," sourit-il.
"Des pics, tout le temps"
Frédéric Thiollet, œnologue, est passé au rouge. Celui-ci est vieilli en fût. "Ce matin, on réalise une dégustation intermédiaire (...) On est à mi-parcours de l'élevage, donc on n’est pas abouti, mais on a une belle idée de ce que ça va pouvoir donner : un vin puissant, avec beaucoup d'arômes, un mariage du bois et du fruit qui est très prometteur," juge-t-il.
Entre le gel du début de printemps et les canicules des derniers étés, les nerfs des vignerons sont soumis à rude épreuve ces dernières années. En ce 9 avril 2024, Philippe Leymat considère que ses vignes ont "quasiment quinze jours d'avance", précocité qu'il observe grandir depuis quelques années. "Les hautes températures de février - 15 à 20° - ont fait croire à la plante que c'était le printemps, donc la végétation repart. Sur les blancs, les récoltes devront être anticipées si on reste sur cette avance, (...) vers le 10-15 août !"
Avec le dérèglement climatique, on est beaucoup dans l'excès : beaucoup d'eau à un moment, de gros manques à d'autres; de grosses canicules, puis des épisodes de froid à d'autres périodes. Avant, c'était équilibré sur l'année. Maintenant, ce sont des pics, tout le temps.
Philipe Laymetviticulteur à Branceilles (Corrèze)
Au verre, la différence avec des millésimes d'il y a dix ans se ressent, surtout au niveau des rouges qui ont pris trois degrés d'alcool. "Avant, on était 12,5 ou 13° maximum. Aujourd'hui, si on vendange à ces degrés-là, on n'est pas mûrs. On n'arriverait pas à avoir ces notes de fruits noirs très concentrés, avec une certaine rondeur et profondeur, qu'on obtient avec une maturité poussée à l'extrême," explique Philippe Leymat. Souci que l'on retrouve peu sur les blancs ou les rosés, vendangés plus tôt.
Des vins plus tanniques
À l'été, "les degrés augmentent dans un premier temps, la plante fonctionne bien tant qu'elle a de l'eau. Ça donne des millésimes très solaires, 2015, 2018 ou 2020, avec une maturité superbe, souligne Frédéric Thiollet. Par contre, lorsque ça va trop loin en termes de température et de sécheresse, le raisin n'arrive plus à évoluer de la même manière, même si le temps redevient clément."
Pour l'œnologue, l'année 2022 marque un tournant, à cause de la sécheresse. "En 2022, c'est la première fois qu'au niveau qualitatif, ça change la nature des tannins. (...) Au niveau du goût, on peut obtenir un super millésime aromatique et agréable comme celui de 2022. Au niveau de la texture, on doit faire attention de ne pas extraire trop pendant les vinifications et de dompter ces tannins pendant l'élevage, car ils sont moins mûrs et souples que les millésimes d'exception que j'ai cités précédemment."
Depuis 2022, la météo donne aux techniciens de caves "du fil à retordre pour faire des vins qui restent aimables à boire". D'après l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, les vendanges en France ont lieu 18 jours plus tôt en moyenne qu'il y a 40 ans.