A Saint-Bonnet-les-Tours-de-Merle en Corrèze on n'a pas attendu la crise sanitaire pour connaître le vrai sens du mot solidarité. Et au coeur de cette belle campagne limousine, on se sent aujourd'hui vraiment privilégiés et on prend le temps de se questionner sur notre société.
Saint-Bonnet-les-Tours-de-Merle, petit village niché au coeur de la Xaintrie, à une soixantaine de kilomètres de Brive, un clocher, une mairie, des maisons de pierre aux toits d'ardoises, 45 habitants, et un esprit, des valeurs de solidarité, d'entraide et de bonheur simple. Un petit village qui en pleine crise du coronavirus fait figure d'exemple.Le privilège de la campagne...
Ici le confinement n'est pas pesant, on sait se satisfaire des choses simples comme nous l'explique Catherine Magne retraitée :Sans la télévision on ne se rendrait pas compte de l'ampleur de la crise, on a l'impression d'être loin de tout ça. Ici nous sommes des privilégiés, nous avons tous un bout de jardin, nous sommes entourés de forêts, on a l'impression que l'on ne risque rien. Malgré tout, nous sommes inquiets pour nos enfants, les membres de la famille qui vivent en ville.
Pour Denise Sales, agricultrice à la retraite, pas de crainte de manquer de quoi que ce soit, ni de vivres, ni d'occupations :
Et pour le reste l'épicier de Goulles, le village voisin, passe avec sa camionette deux fois par semaine.J'ai le potager, en ce moment il donne des choux, des poireaux, des cardes, de la salade et il y a les poules pour les oeufs. Mon fils vit a 500 mètres de la maison.
Jean-Michel Teulière, le maire du village loue la solidarité de ses concitoyens,
Cette catastrophe rapproche les urbains, nous, nous n'avions pas attendu cela pour nous soucier de nos voisins. Ici la solidarité s'exprime toute l'année, on le voit au travers de nos chantiers participatifs, tout le monde se donne la main. On a une infirmière libérale au village comme elle est obligée de circuler, elle propose aux uns et aux autres de faire des courses.
Et alors qu'il a dû s'improviser instituteur pour ses deux fils de 7 et 8 ans Jean-Michel Teulière a lui aussi proposé ses services à ses concitoyens,
Je leur ai envoyé un SMS à tous, pour leur dire que s'ils avaient besoin de quoi que ce soit ils pouvaient m'appeler.
L'espace, la nature et l'esprit rural...
Au village les enfants peuvent faire du vélo sans sortir du terrain, les voisins peuvent se parler d'un jardin à l'autre. Les potagers sont riches, les poullaillers aussi...Loin des gros pôles commerciaux on a depuis longtemps compris l'intéret d'avoir un grand congélateur et on l'habitude de faire les courses pour de longues périodes...
Pour Corinne Vigier, chef de rayon dans une grande surface à Argentat, le contraste entre ville et campagne est rude, depuis le début du confinement elle s'active au drive de son magasin et déplore certains comportements :
Corinne part travailler chaque matin la peur au ventre, son retour au village est chaque soir une véritable bulle d'oxygène :Il y a des clients qui ne respectent pas les consignes de sécurité, qui par exemple ne comprennent pas que nous portions des masques et qu'il faut absolument respecter les règles. Ce matin un monsieur me disait "il faut bien mourrir de quelque chose", oui mais c'est la vie de nous tous qu'il met en danger et ça je ne le comprend pas.
Retrouver le calme du village, le chant des oiseaux, cela me fait un bien fou.
Une crise qui questionne...
Pour Denise Sales, agricultrice à la retraite cette crise réveille quelques questionnements.Je m'interroge, pourquoi cette maladie, pourquoi personne ne trouve de remède. Il y a peut-être eu trop d'abus. En agriculture, par exemple, nous avons vécu des années glorieuses durant lesquelles on nous disait de produire énormément, d'utiliser des produits chimiques, que c'était l'avenir, que c'était formidable alors que c'est catastrophique... On devrait revenir à des choses simples, comme le faisaient les anciens, réapprendre à travailler avec la nature. Et rien n'est irreversible.
Une reflexion qui fait bien sûr écho à celle de monsieur le maire :
On s'apperçoit que l'on vit dans un systeme d’une fragilité extrême, on se croyait forts et on se rend compte qu’on ne l’est pas. Dans cette crise, les seules valeurs qui tiennent sont la solidartié, la coopération, l'humain…. Pour se sauver, il faut prendre des décisions drastiques. Il faudrait qu'il en soit de même pour une autre menace qui pèse sur nous, qui sera tout aussi meurtrière et qui necessite la même radicalité, celle du dérèglement climatique.
Un maire qui prône depuis longtemps le respect de la nature, la solidarité et l'entraide et qui a décidé, faute d'autre candidat, de rester à la tête de son village pour un prochain mandat.