La grippe aviaire, qui touche durement les éleveurs de volailles, a aussi des conséquences pour les consommateurs. Faute d'approvisionnement, les producteurs de magret, foie gras ainsi que les restaurateurs parlent de pénurie dans les semaines à venir.
Sous le soleil printanier, la terrasse du restaurant de Collonges-la-Rouge, en Corrèze, a fait le plein. A table, les clients savourent les spécialités locales : foie gras, magret… Mais dans les cuisines, le chef s’inquiète : « Il ne me reste que quelques portions de magret et ensuite du filet de canard, constate Ronan Lebreton, propriétaire du restaurant "Le Cantou". Mais il y a de très gros risques pour d’ici quelques semaines, on ne puisse plus proposer ni magret, ni le filet, à la carte ».
La faute à la grippe aviaire. Pour comprendre cette situation, il faut remonter la filière.
Dans les ateliers de transformation, l’activité tourne au ralenti. Certains n’ont déjà plus de canards à engraisser. C’est le cas à la ferme de la Gondronne où les stocks de bocaux et autres conserves diminuent à vue d’œil.
On ne sait pas si on va pouvoir tenir le choc.
Marie-Jo Chatrusse, productrice de canards corrézienne
Le manque de canetons
Et selon les producteurs, le pire est à venir. « Contrairement à 2016, les reproducteurs sont touchés, donc les couvoirs aussi, et actuellement, on arrive à une pénurie de canetons », explique Didier Cotte, éleveur de canards et de chapons dans les Monts de Blond, en Haute-Vienne. Si cet éleveur a reçu des canetons la semaine dernière, il ne sait en revanche pas quand aura lieu sa prochaine livraison.
Pour l’instant, le Limousin est relativement peu impacté par l'influenza aviaire. On recense 2 cas en Haute-Vienne, 3 cas en Corrèze et pour l’heure, aucun en Creuse. Mais le manque de canards, autrement dit de « matière première » risque d’impacter les restaurants prochainement : « S’il y n’y a pas de production, il y aura des pénuries dans les restaurants. Dans certains coins de France, c’est déjà le cas. Je pense notamment aux régions touchées : les Landes, le Sud-Ouest et la Dordogne aujourd’hui ».
Moins de foie gras à Noël
Et les perspectives sont encore plus inquiétantes pour la fin de l’année. Notamment la période de Noël, cruciale pour cette filière : « Si on reprend la filière gallus, de nombreux élevages n’ont pas pu remettre de poussins en place puisque ils étaient dans des zones contaminées », poursuit Didier Cotte.
Pas de poussin, donc pas de canard, donc pas de foie gras. C’est le scénario que pressent cet autre producteur : « Apparemment il a été décidé que de mi-août à mi-septembre il y aurait zéro canard en gavage sur le territoire français pour essayer de sauver la fin de l’année, pour qu’il y ait quelques canards qu’on se partagera entre nous tous » explique Bernard Chastrusse. Et l’éleveur d’ajouter que seulement 30% des canards seraient mis en gavage cette année par rapport aux années précédentes.
Avec 17 000 tonnes produits par an, la France est le 1er producteur foie gras dans le monde. La crise qui touche le secteur pourrait entraîner une baisse de 3 à 4 000 tonnes par rapport à 2021.