Agnès se sent totalement abandonnée depuis le début de la crise sanitaire. Cette Corrézienne souffre depuis l'enfance de multiples douleurs chroniques nécessitant une prise en charge lourde qui ne peut avoir lieu durant le confinement. Elle témoigne.
Alors que ce mercredi 1er avril les autorités médicales alertent les malades chroniques sur l'importance de poursuivre leurs traitements et les invitent à se rendre à leurs consultations, dans les faits, il peut être bien compliqué de poursuivre des soins qui semblent incompatibles avec les mesures de confinement, ou qui sont tout bonnement annulés faute de temps ou de personnel.
A 40 ans Agnès Chemla explique connaitre la douleur depuis sa naissance.
Opérée en 1994 d'une double scoliose, je souffre en permanence du dos, de suis déhanchée du côté droit et mon cou est partiellement bloqué côté gauche. Je ne sais pas ce que c'est de vivre sans douleur.
Installée à Cosnac près de Brive, Agnès a travaillé comme agent administratif avant d'être définitivement arrêtée il y a 6 ans. Aujourd'hui elle s'occupe de sa fillette de 4 ans.
La douleur ce n'est pas grave, j'y suis habituée depuis toujours on va dire. Ce qui est très compliqué, c'est quand je suis en crise. Dans ce cas, tous mes muscles sans exception sont douloureux, mes doigts se recroquevillent, je ne peux même pas tenir un crayon ni rester dans une position statique plus de 20 minutes.
Et depuis le début du confinement Agnès traverse une crise aigüe.
Il y a deux ans, un traîtement est enfin trouvé
Longtemps traitée avec des médicaments à base de morphine, Agnès a souhaité en être sevrée, "une période longue et douloureuse". Et puis, il y a deux ans, la délivrance, elle consulte au centre anti-douleur de l'hôpital de Brive et les médecins parviennent enfin à trouver une combinaison de traitements permettant de la soulager efficacement. Celle-ci s'articule autour de deux soins hospitaliers administrés chacun tous les trois mois.Quatre fois par an, Agnès Chemla se rend à l'hôpital pour recevoir entre dix et douze injections de toxine botulique.
Des piqûres réalisées à des endroits clés du dos. Elles évitent les contractions musculaires douloureuses durant 3 mois. Un traîtement fait en quelques minutes par un médecin spécialiste.
D'autre part il y a la pose d'un patch à la capsaïcine, qui permet une désensibilisation partielle des récepteurs de la douleur. La pose du patch est une opération plus lourde, qui nécessite une hospitalisation en ambulatoire d'une demie-journée. Le patch doit être changé lui aussi tous les trois mois.
Un protocole de soin lourd qui s'ajoute à des séances de kinésithérapie, au minimum deux fois par semaine.
Depuis le début de la crise sanitaire plus rien...
Mes deux rendez-vous à l'hôpital ont été annulés. Le patch devait être posé lors de la première semaine de confinement, l'hôpital m'a appelé la veille pour l'annuler, et les injections de botox auraient dû avoir lieu la semaine prochaine, annulées également. On m'a donné un rendez-vous en juillet pour le patch, en mai pour le botox, sans certitude.
Aucun soin de kinésithérapie non plus depuis le début de la crise sanitaire.
Mon kiné a fermé son cabinet et il ne veut pas me faire prendre le risque de venir à domicile car je suis considérée comme personne à risque.
Agnès s'est donc tournée vers son medecin généraliste, mais les douleurs restent extrêmement intenses.
Il fait tout ce qu'il peut pour essayer de me soulager mais il ne peut pas me prescrire d'anti-inflamatoire puissant et les décontractants musculaires ne sont pas suffisants. J'ai dû ressortir ma canne pour marcher dans la maison et être inventive et astucieuse pour m'occuper de ma fille, sans générer de douleurs supplémentaires, mon mari est préparateur en pharmacie, il travaille toute la journée.
Manque de personnel soignant
Agnès tient à préciser qu'elle est loin d'être la seule dans ce cas. La crise du coronavirus met en lumière pour beaucoup de malades chroniques le manque de personnels soignants et de médecins.
Je n'en veux pas à mes médecins bien au contraire, ils n'y sont pour rien. Les soignants censés m'administrer mes traîtements ont été recquisitionnés pour gérer la crise du covid-19. J'aimerais que le gouvernement prenne cela en compte. Nous, les autres malades, nous nous sentons totalement abandonnés. Ce n'est pas juste pour nous.
Pour ajouter à ses problèmes Agnès vient d'apprendre qu'une hospitalisation en centre de rééducation prévue dans quelques semaines était, elle aussi, annulée.