Jeudi 16 mars, à l'appel du préfet de Corrèze, se tenait dans la commune de Beyssenac une réunion publique. L'objectif : répondre aux interrogations et aux craintes des habitants concernant l'installation d'un centre d'hébergement pour demandeurs d'asile sur la commune.
"Un préfet, c'est pour mettre de l'ordre, pas du désordre !", déclare avec véhémence un intervenant immédiatement ovationné. Le ton est donné.
Le préfet de Corrèze a fait salle comble jeudi soir à Beyssenac. Plus de 200 habitants ont fait le déplacement pour l'écouter présenter le projet de CADA. Beaucoup de retraités dans l'auditoire. Un exercice qui se voulait pédagogique pour évacuer les peurs et les doutes. Initiative un peu tardive pour les détracteurs du projet et notamment les élus de la commune.
"Un choix unilatéral" selon la mairie
À l'issue de deux heures d’un question-réponse houleux, l'opposition subsiste, mais le représentant de l’état reste ferme : le CADA ouvrira.
"Le sujet passionne, il y a de la peur, il y a de l'appréhension. Il y a aussi, de la part de certains, un discours très extrémiste. Mais j'ai trouvé aussi des questions légitimes. On sera prêts à faire des portes ouvertes avec l'association Viltaïs qui va gérer le centre pour démontrer qu'avec le CADA, on a réussi à faire revivre l'hôtel de la Mandrie", a expliqué Etienne Desplanques, préfet de Corrèze.
À la fin de l’année, 40 demandeurs d’asile y seront accueillis. Un bouleversement pour la commune de 360 habitants. Le maire, qui a confirmé hier son opposition au projet, regrette un choix unilatéral : "Il ne reviendra pas sur sa décision malgré ma demande, vu le désordre et la division que créée ce projet dans la commune. Je ne peux rien faire, c'est une décision de l'État qui ne consulte pas du tout les élus" expliquait, amer, Francis Comby.
Des habitants très divisés
Dans la salle, les opinions sont partagées et certains s'indignent : "Les Ukrainiens, vous êtes d'accord pour les accueillir, mais pas les autres ! Ça veut dire quoi ça ? On parle d'humains, arrêtez de faire la différence, c'est ridicule !", répond une jeune femme devant le caractère ouvertement raciste de certaines réflexions.
Beaucoup d’interrogations et de réactions également sur la prise en charge de ces nouveaux arrivants, comme cet habitant : "Est-ce que vous vous êtes posés la question de l'endroit où vous allez installer ces personnes que vous dites, vous-même, cabossées ? Pour moi ça s'apparente à de la maltraitance ! On est au milieu de nulle part !"
Enfin, des inquiétudes apparaissent concernant l'avenir des réfugiés accueillis : "Quand les gens sont régularisés, que deviennent-ils ? Comment vont-ils faire pour travailler sachant qu'ils sont isolés ?" Ou encore : "Quand un demandeur d'asile n'obtiendra pas l'autorisation de rester, vous dites qu'il y aura une obligation de quitter le territoire, mais on a tous vu ce que donnait l'efficacité des OQTF... Est-ce que vous pouvez vous engager sur l'effectivité des reconduites à la frontière ?"
Au travers de ces questions, percent les inquiétudes d'une France rurale, parfois précarisée, se sentant déclassée, qui a eu à subir le retrait des services publics. Une France qui vit comme une injustice la prise en charge par l'État des demandeurs d'asile. Ainsi entend-on également : "Est-ce que la préfecture a prévu l'arrivée de nouveaux médecins pour prendre en charge ces nouveaux arrivants, sachant que nous, les gens dans la salle, on a déjà du mal à avoir un médecin traitant ?"
Un autre habitant questionne : "Est-ce qu'il y aura des moyens pour accompagner ces enfants allophones à l'école ? Qui prendra en charge ces dépenses supplémentaires ?"
Au sortir de la réunion, le débat n’est toujours pas terminé et les émotions exprimées sont vives : "On voit ce que c'est, on voit comment ça se passe ailleurs et sincèrement, on n'a pas envie de vivre ça ici", explique Vlad, tout en sous-entendus.
"Voir les gens hargneux comme ça, ça me touche" s'émeut Josette, au bord des larmes. Elle poursuit : "Au début, j'étais contre, j'ai fait comme tout le monde, j'ai signé la pétition sans savoir trop. J'ai discuté avec quelqu'un d'une association. Il m'a raconté l'histoire d'un gamin de 16 ans, orphelin après la guerre, qui a fui son pays. Il est arrivé dans un centre comme celui qui doit être créé. Il s'est senti rejeté par tout le monde, comme c'est le cas ici, ils vont être rejetés dès le début. Le gamin s'est finalement pendu ; ça m'a émue".
Malgré cette réunion d’information, l’hostilité reste vive dans la commune depuis l'annonce du projet. L’ouverture du centre d’hébergement pour demandeur d’asile est prévue en avril.
En Corrèze, d'autres structures existent déjà comme à Peyrelevade.