Le cormoran est un sacré pêcheur. Tellement bon, que les autres pêcheurs se plaignent de sa concurrence. Depuis le 1er janvier 2023, la régulation de l'espèce n'est plus permise en Corrèze. Dans quelques semaines, les amateurs sortiront à nouveau leurs cannes à pêche du placard, en espérant que l'oiseau n'aura pas mangé tous les poissons.
Quand le pêcheur attend l'ouverture de la saison, le cormoran, lui, se régale. Table ouverte toute l'année, 400 à 500 grammes de poisson du jour.
"Ce ne sont pas les plus mauvais. Du saumon, de la truite, ils tapent dans tout". Thierry Capron préfère en plaisanter, mais le président de l'Association Agréée pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique (AAPPMA) de Beaulieu rit jaune.
Il a organisé une réunion de crise ce lundi 30 janvier. La nouvelle année marque la fin des tirs de prélèvements sur les eaux libres. En Corrèze, 165 cormorans ont été abattus par les chasseurs en 2022. "Cette absence de prélèvements est une aberration écologique, râle le président de l'AAPPMA de Beaulieu. Protéger les prédateurs à l'encontre de la pisciculture naturelle."
Une espèce protégée
"Le cormoran est une espèce protégée", rappelle Jérôme Roger, le délégué territorial de la LPO du Limousin, la ligue de protection des oiseaux, qui préfère préciser l'évidence : "un oiseau piscivore mange du poisson."
Pendant 3 ans, les chasseurs ne pourront pas "réguler" l'espèce en Corrèze sur les eaux libres.
"Même en ayant ces prélèvements, la population augmentait, rappelle Thierry Capron. Donc, en les supprimant, la population va exploser d'ici à trois ans."
Une affirmation à laquelle s'oppose Jérôme Roger, de la LPO du Limousin : "aucune étude ne prouve qu'il y a un impact significatif sur la population des poissons", précise-t-il
Canne à pêche contre bec dans l'eau
L'oiseau est censé être migrateur, saisonnier donc. Sauf qu'il prend ses aises, s'installe. Le cormoran profite de tout ce que mettent en place les pêcheurs.
Grégoire Ribert, le président de l'AAPPMA d'Argentat, s'en désole : "On refait les frayères, on s'arrange pour diminuer le nombre de prises par pêcheur, augmenter la taille pour que le prélèvement des pêcheurs soit moindre. Et ça finit par nourrir les cormorans et ça tombe à l'eau."
Les cormorans rigolent, alors que les pêcheurs renaudent. Le combat change d'âme. Mais les poissons subissent désormais plutôt le bec que l'hameçon.
Récit de Jean Perrier et Thomas Chollet-Lunot