Le groupe creusois Dagard, qui a participé via Lab’Science à la création d’un tiers des 30 laboratoires P4 dans le monde (mais pas à celui de Wuhan), nous explique quels sont les niveaux de sécurité requis dans ces lieux hautement sensibles.
Depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19, le laboratoire de Wuhan en Chine fait l’objet d’interrogations. Quelles sont les différents types de laboratoire, quels sont leurs niveaux de sécurité ? Le groupe creusois Dagard qui a créé Lab’Science, un réseau d’entreprises expertes dans la construction des laboratoires de virologie, répond à ces questions.
Les différentes catégories de laboratoires
"Il existe exactement trois grands types de laboratoires pour le monde de la microbiologie classés de 2 à 4", explique Sébastien Allix-Le Guen, directeur scientifique de Lab’Science : "le numéro 2 est le niveau le plus bas, c’est celui que l’on trouve le plus couramment dans la vie. Par exemple, quand on va au laboratoire d’analyse médicale pour faire une prise de sang. Ensuite, il y a les laboratoires de niveau 3 et 4 qui vont avoir des niveaux d’exigence. Il s’agit là de travailler sur des pathogènes soit très dangereux pour les hommes et les animaux, soit mortels. C’est ce qu’on appelle les laboratoires classés en P3 et P4’’.
La sécurité à triple niveau
Un laboratoire de type 3 - dit de haute sécurité biologique - est conçu de manière à assurer un confinement statique : les murs, les plafonds, les portes et les fenêtres sont étanches à l'air. C’est dans ce domaine que Dagard apporte son expertise. Le confinement statique est complété par un confinement dynamique assurant une pression d'air négative dans le laboratoire et une filtration de très haute efficacité des particules de l'air extrait.
"Contrairement à un bloc opératoire, par exemple, où l’on crée une surpression pour empêcher l’air extérieur de rentrer, précise Antoine Da Costa, directeur général de Dagard, ce type de laboratoire est en dépression pour éviter que l’air ambiant ne s’échappe’’.
Les personnels sont équipés au minimum du port d'une combinaison intégrale, de gants et d'un masque respiratoire de type FFP2 ou FFP3.
Le laboratoire P4 est, quant à lui, dit de très haute sécurité biologique. Son confinement statique est absolu. Son confinement dynamique est le même que le niveau 3 avec en plus une double filtration particulaire de très haute efficacité de l'air extrait. Les personnels sont équipés d'un scaphandre en surpression d'air pour garantir leur sécurité à tout moment.
Le rôle du Groupe Dagard
"Nous, ce qu’on apporte, explique Antoine Da Costa, c’est un vrai savoir-faire sur l’enveloppe physique : les cloisons, les plafonds, les portes qui correspondent et qui constituent la barrière physique, ce qu’on appelle le confinement statique. Dagard assure le premier niveau de protection de l’environnement intérieur ou extérieur selon le cas".
La France dispose d'un important réseau de laboratoires de niveau 3 dans les secteurs de la biologie médical et vétérinaire. Ces laboratoires sont mobilisables lors d'une crise sanitaire. C’est ce qui se produit actuellement avec la Covid-19. Ils assurent en plus la surveillance en continue des autres maladies du groupe 3, même si elles ne sont pas présentes en métropole.
La France possède 4 laboratoires P4, 2 civils : l’INSERM à Lyon avec 2 unités indépendantes (Lab’Science et Dagard ont participé à leur construction) et 2 militaires : l’IRBA (Institut de Recherche Biomédicale des Armées à Brétigny sur Orge, près de Paris) et 1 laboratoire « secret défense » en Ile de France (auquel a collaboré Dagard). Ce sont des laboratoires de recherche, d’analyse médicale ou de médecine vétérinaire, comme également un très grand nombre de laboratoires P3.
"Dans le monde, le nombre de laboratoires P3 n'est pas connu, ajoute Sébastien Allix-Le Guen. On compte plus d'une trentaine de laboratoires de type P4 répartis sur les 5 continents. Il s’agit d’une estimation car aucune déclaration obligatoire n’a été instaurée par des instances internationales pour comptabiliser ce type de laboratoires’’.
La Covid-19 classée en catégorie 3
"La Covid-19, dont le virus s’appelle le Sars-Cov-2, précise Sébastien Allix-Le Guen, appartient à une famille virale qu’on appelle les coronavirus. La plupart des virus comme le Sars-Cov sont classés au niveau 3. Il a été responsable du Sars en 2003 alors que le Mers-Cov a été responsable de fièvres en Moyen-Orient en 2012. Ce type de virus est étudié dans les laboratoires P3’’.
Lab’Science, un réseau de compétences complémentaires
Antoine Da Costa expose ainsi sa stratégie industrielle : "J’ai créé ce réseau en créant, reprenant des sociétés expertes chacune dans un domaine, le traitement de l’air, les fluides spéciaux, le mobilier de laboratoire, les cloisons justement avec Dagard. Toutes, ensemble, peuvent réaliser des projets clés en main avec une vrai cohérence et une vraie expertise sur la solution finale complète. Nous construisons actuellement un laboratoire P4 en Côte d’Ivoire. C’est un exemple typique où la complémentarité des métiers nous permet d’apporter une solution globale sans oublier les différentes interfaces entre chaque métier. Avoir un résultat global à la hauteur des attentes est indispensable. Dans un laboratoire P4, nous n’avons pas le droit à l’erreur, on manipule le virus Ebola par exemple, ce sera le cas en Côte d’Ivoire et évidemment, il faut assurer la protection des laborantins et des chercheurs à l’intérieur du laboratoire. Et surtout éviter que le virus puisse sortir de ce laboratoire. Il faut donc avoir des compétences évidemment dans le domaine de la cloison et du confinement statique et également dans le domaine du confinement dynamique avec tout le traitement d’air, tout le système de filtrations, toutes les barrières qui vont empêcher le virus de sortir par mégarde ou par maladresse’’.
Quels intérêts pour ce marché de niche ?
"Le marché de la salle propre n’est pas forcément le plus volumineux en terme de chiffre d’affaire, mais le plus pointu en terme d’expertise. Il représente environ un tiers de l’activité, les deux autres tiers étant plus orientés vers l’agro-alimentaire (les chambres froides). Mais cette expertise nous amène à effectivement travailler sur des projets très intéressants. C’est ce qui aussi le charme de notre quotidien : être sur des sujets hautement technique et sensibles et qui donnent envie à nos ingénieurs, à nos techniciens de travailler sur des sujets de pointe".
Et Antoine Da Costa de poursuivre : "Il faut savoir qu’un laboratoire P4, il y en a une trentaine dans le monde et Dagard peut revendiquer d’en avoir construit plus de 10% que ce soit en France ou ailleurs. C’est vrai que tout le monde ne peut pas faire ce genre d’installation, ça correspond effectivement à une certaine élite au niveau industriel et technique. Et qui peut le plus peut le moins. Quand on sait faire ça, on peut faire des choses un peu simple et surtout on peut accompagner la recherche, on peut aller sur des projets innovants".
"En ce qui concerne notre activité salle propre qui équivaut à environ 30 millions d’euros, la partie laboratoire de sécurité va peut-être représenter un ou deux millions d’euros. Ce n’est pas le plus gros volume, mais c’est là où on va avoir le plus de valeur ajoutée et le plus de technicité, donc d’attraits pour nos équipes. C’est une fierté d’être sur des opérations de ce type-là surtout lorsqu’elles concourent à trouver des vaccins, des méthodes de soins ou de protection pour les personnes".