Coronavirus : les horticulteurs en danger

En Creuse, après plusieurs jours de discussion, les horticulteurs ont réussi à obtenir une dérogation de la préfecture le 27 mars pour vendre les plants potagers. Un moindre mal qui ne sauvera malheureusement pas leur saison si le confinement se prolonge trop longtemps.

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Mardi 17 mars. Comme toute la France, les horticulteurs se confinent. Les employés finissent les travaux en cours. La semaine suivante, ils sont placés en chômage partiel. Il fallait ensuite serrer les dents et attendre la fin de la crise. Mais une chose les a fait sortir de leurs gonds : "Nous avons vu fleurir des opérations printemps avec des chapiteaux blancs sur les parkings des grandes surfaces et à l’intérieur, tout ce qui fait notre fonds de commerce : plants potagers, fleurs, même des arbres et des arbustes. C’est inadmissible".

Yves Glomot, horticulteur à Saint-Fiel près de Guéret ne décolère pas. Même coup de sang chez son collègue de la Souterraine, François Duhail : "Quand on a vu que les grandes surfaces continuaient on l’a eu mauvaise. A la Souterraine, une grande surface jouait plus ou moins le jeu, ils ont écoulé leur stock et ils ont arrêté, mais une autre continue de recevoir la marchandise régulièrement. Du coup j’ai appelé la préfecture".  "Ce qui nous a fait le plus mal c’est la différence de traitement selon les structures. La grande distribution peut faire ce qu’elle veut, pas nous", renchérit Patrick Josse des Serres de la Chapelle à la Chapelle-Baloue.

Après plusieurs jours de discussions appuyées par le syndicat des horticulteurs et le député Jean-Baptiste Moreau, la préfecture de la Creuse a enfin décidé jeudi 26 mars, d’accorder une dérogation.

Dans l’objectif de préserver l'alimentation pour l'ensemble de la population et de permettre notamment aux particuliers qui disposent d'un jardin de cultiver leurs propres fruits, légumes et plantes aromatiques, il est autorisé dans le département de la Creuse ce qui suit :

  • la commercialisation des semences et plants pour les activités professionnelles, pour l'ensemble des semences et plants (fourniture nécessaire aux exploitations agricoles, mentionnée à l'annexe du décret précité) ;
  • la commercialisation des plants potagers à visée alimentaire (légumes, petits fruits, aromatiques) sous divers modes
Une autorisation semblable a par ailleurs été accordée en Corrèze ce mardi 31 mars.

En Haute-Vienne après un cafouillage ce week-end, le préfet a décidé, en ce début de semaine, d’emboiter le pas à son homologue creusoise.

 

Une bonne nouvelle qui va dans le bon sens


Les horticulteurs, producteurs de plants et semencier peuvent donc recommencer à vendre tout ce qui relève de l’alimentation, des fraisiers, aux graines de petits pois en passant par les plants de salade. La contrainte : vendre sur les marchés ouverts autorisés ou via les dispositifs de type drive.

Ils peuvent donc, sur leurs parkings respectifs, organiser un service de livraison qui permet aux consommateurs de passer commande par téléphone ou par internet puis de venir chercher leurs produits.
pour Patrick Josse qui l’a déjà mis en place et voit les clients se succéder tous les quart d’heure environ sur son parking. "Nous avons un chemin balisé. Personne ne se touche et nous avons mis tout à disposition : alcool et désinfectants."

Gros succès également à la jardinerie Glomot, où le téléphone n’arrête pas de sonner. "C’est un boulot titanesque. Il faut organiser le drive, répondre au téléphone prendre les commandes. Nous avons entrepris aussi de déstocker tous les plants que nous aurions dû vendre. Nous organisons des livraisons à domicile sur environ 1/3 du département ce qui est autorisé. Nous avions un excès de marchandise et il était hors de question d’en jeter  pour 40 ou 50 000 euros. Mais c’est une dépense d’énergie folle. Grâce à cela nous allons peut-être pouvoir faire 10% du chiffre prévu".

Le drive, François Duhail va aussi le mettre en place. Mais pour lui cela reste un pansement sur une jambe de bois. "C’est très contraignant à mettre en place. Le drive ça oblige les gens à venir. Je ne sais pas s’ils vont vouloir se déplacer. Mais nous allons le faire, il faut qu’on bosse."
  

Un secteur en grande souffrance

Cette dérogation est donc un moindre mal pour une profession en souffrance.

 "De mars à juin, c’est la pleine saison c’est là que nous réalisons 60 à 80% de notre chiffre d’affaires. Ce qui se passe pour nous en ce moment, c’est comme si on fermait un magasin de jouet un mois avant Noël", indique Yves Glomot. L’horticulture est une profession saisonnière qui pâtit très fortement de la période de confinement.

"Actuellement nous réalisons 4 à 5 % du chiffre d’affaires habituel à la même période de l’année. C’est normalement environ 70.000 euros. Là en trois semaines on va être à 2 ou 3 000 euros" affirme Patrick Josse."Nous avons jeté tout ce qui se vend habituellement pour les rameaux : les pensées, les azalées vivaces, les primevères, les renoncules. Ce sont 20 000 euros de marchandises qui sont parties à la benne", complète-t-il.

Chez son collègue de la Souterraine, c’est encore pire. Le chiffre d’affaires, c’est zéro depuis le début du confinement. Les trois salariés sont au chômage partiel, pas encore validé par l’organisme de référence.
Alors, dans ce contexte, la réouverture de la vente des plants et semences pour l’alimentation est une mesure de justice vis-à-vis de la grande distribution, mais ce n’est pas ce qui va sauver ces petites entreprises. Les aides de l’Etat dans leur forme, actuelle non plus. "Nos pertes risquent se monter à 200 ou 250 000 euros, alors 1 500 ou 2000 euros d’aide, ça ne paye même pas l’apéro";tempère, plein d’amertume, Yves Glomot.   

"La trésorerie que nous sortons pour acheter ce que nous produisons en cette saison, nous n’allons pas la récupérer et nous ne pourrons pas payer nos fournisseurs. On ne sait vraiment pas si on va pouvoir s’en relever ", confirme François Duhail.


L’avenir de la profession est donc clairement en question

Avec des nœuds dans la voix, Yves Glomot ne veut pas l’envisager lui qui, avec son fils,  est à la tête d’une entreprise qui a vu passer 3 générations.
"Je n’en dors plus la nuit. Je me réveille à 2h du matin et je rumine. On sait qu’on va dans le mur et on ne peut rien faire. 35 ans à monter cette affaire et trois mois pour la mettre par terre."

Ultime coup de poker

"Nous misons encore sur une fin du confinement début mai. Si nous reprenons à ce moment-là on pourra encore  limiter la casse. Nous travaillons pour. Aujourd’hui 200 000 plants sont en train d’être rempotés dans cette optique. C’est un coup de poker. Si confinement est prolongé au-delà, la saison sera finie. Ça sera le coup de grâce pour la profession."

Cette crise vient en effet s’abattre sur un secteur déjà fragile. Il y avait 8 000 horticulteurs il y a 8 ans. Il n’en reste que 2 500 aujourd’hui. En cause ; la concurrence de Belgique, d’Espagne ou de Hollande. Avec des couts de production 15% moins cher en moyenne. Tous croisent donc les doigts pour que le confinement s’arrête le plus tôt possible et que les consommateurs n’aient pas peur de retourner fréquenter leurs établissements.  





 
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